Opinion of Advocate General Bot delivered on 2 March 2016.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:131
Date02 March 2016
Celex Number62015CC0241
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
CourtCourt of Justice (European Union)
62015CC0241

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 2 mars 2016 ( 1 )

Affaire C‑241/15

Niculaie Aurel Bob-Dogi

[demande de décision préjudicielle formée par la Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de Cluj, Roumanie)]

«Renvoi préjudiciel — Coopération policière et judiciaire en matière pénale — Décision-cadre 2002/584/JAI — Mandat d’arrêt européen — Article 8, paragraphe 1, sous c) — Absence de mandat d’arrêt national préalable et distinct du mandat d’arrêt européen — Conséquence»

1.

Une législation nationale qui prévoit que le champ d’application du mandat d’arrêt européen s’étend au territoire de l’État membre d’émission et qui autorise, en conséquence, l’émission de ce mandat aux fins de l’exercice de poursuites pénales sans délivrance préalable d’un mandat d’arrêt national distinct est-elle conforme à la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres ( 2 ), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009 ( 3 )?

2.

Telle est la question posée par la présente demande de décision préjudicielle qui, portant sur l’interprétation des articles 3, 4 et 8 de la décision-cadre, a été formée à l’occasion d’une demande de mise à exécution, en Roumanie, d’un mandat d’arrêt européen émis, le 23 mars 2015, par le Mátészalkai járásbíróság (tribunal local de Mátészalka, Hongrie) à l’encontre de M. Bob-Dogi, ressortissant roumain arrêté dans son pays le 2 avril 2015 avant d’être placé sous contrôle judiciaire.

3.

La Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de Cluj) demande, en substance, si le «mandat d’arrêt» dont l’existence doit être indiquée dans le mandat d’arrêt européen, en application de l’article 8, paragraphe 1, sous c), de la décision-cadre, s’entend d’un mandat d’arrêt national distinct du mandat d’arrêt européen et délivré préalablement à celui-ci et si, en cas de réponse affirmative à cette question, l’absence de mandat d’arrêt national répondant à cette exigence doit être regardée comme constituant un motif implicite de non-exécution du mandat d’arrêt européen.

4.

Sous leur technicité apparente, ces questions dissimulent un enjeu essentiel pour l’avenir des instruments de reconnaissance mutuelle et, partant, pour la construction de l’espace judiciaire européen, qui tient à la définition des garanties mises en place pour assurer le respect des droits fondamentaux dans le cadre du mécanisme du mandat d’arrêt européen, dont la mise à exécution implique nécessairement une privation, plus ou moins longue, de liberté.

5.

Nous n’avons pas d’hésitation sur la réponse, une fois constaté, d’une part, que l’examen de la législation hongroise en cause au principal doit être effectué au regard des exigences de la protection des droits fondamentaux et, d’autre part, que cette législation ne constitue pas un gage d’efficacité et de rapidité du mécanisme du mandat d’arrêt européen.

6.

Dans les présentes conclusions, nous soutiendrons, en premier lieu, qu’un mandat d’arrêt européen ne peut être émis que pour l’exécution d’un mandat d’arrêt national distinct ou d’une autre décision judiciaire exécutoire ayant la même force, ordonnant la recherche et l’arrestation de la personne poursuivie et adoptés conformément aux règles de procédure pénale de l’État membre d’émission.

7.

Nous ferons valoir, en second lieu, que, l’absence de mandat d’arrêt national distinct constituant l’omission d’une formalité substantielle inhérente à l’existence même du mandat d’arrêt européen, l’autorité judiciaire d’exécution doit refuser de mettre à exécution l’acte en tant que mandat d’arrêt européen.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

8.

Les considérants 5 à 8 et 10 de la décision-cadre sont ainsi rédigés:

«(5)

L’objectif assigné à l’Union de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice conduit à supprimer l’extradition entre États membres et à la remplacer par un système de remise entre autorités judiciaires. Par ailleurs, l’instauration d’un nouveau système simplifié de remise des personnes condamnées ou soupçonnées, aux fins d’exécution des jugements ou de poursuites, en matière pénale permet de supprimer la complexité et les risques de retard inhérents aux procédures d’extradition actuelles. Aux relations de coopération classiques qui ont prévalu jusqu’ici entre États membres, il convient de substituer un système de libre circulation des décisions judiciaires en matière pénale, tant présentencielles que définitives, dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

(6)

Le mandat d’arrêt européen prévu par la présente décision-cadre constitue la première concrétisation, dans le domaine du droit pénal, du principe de reconnaissance mutuelle que le Conseil européen a qualifié de ‘pierre angulaire’ de la coopération judiciaire.

(7)

Comme l’objectif de remplacer le système d’extradition multilatéral fondé sur la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 ne peut pas être réalisé de manière suffisante par les États membres agissant unilatéralement et peut donc, en raison de sa dimension et de ses effets, être mieux réalisé au niveau de l’Union, le Conseil peut adopter des mesures, conformément au principe de subsidiarité tel que visé à l’article 2 [UE] et à l’article 5 [CE]. Conformément au principe de proportionnalité, tel que prévu par ce dernier article, la présente décision-cadre n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

(8)

Les décisions relatives à l’exécution du mandat d’arrêt européen doivent faire l’objet de contrôles suffisants, ce qui implique qu’une autorité judiciaire de l’État membre où la personne recherchée a été arrêtée devra prendre la décision de remise de cette dernière.

[...]

(10)

Le mécanisme du mandat d’arrêt européen repose sur un degré de confiance élevé entre les États membres [...]»

9.

L’article 1er de la décision-cadre, intitulé «Définition du mandat d’arrêt européen et obligation de l’exécuter», dispose:

«1. Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.

2. Les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre.

3. La présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 [UE].»

10.

Les articles 3 à 4 bis de la décision-cadre énoncent les motifs de non‑exécution obligatoire et facultative du mandat d’arrêt européen.

11.

L’article 8 de la décision-cadre, intitulé «Contenu et forme du mandat d’arrêt européen», prévoit, à son paragraphe 1:

«Le mandat d’arrêt européen contient les informations suivantes, présentées conformément au formulaire figurant en annexe:

[...]

c)

l’indication de l’existence d’un jugement exécutoire, d’un mandat d’arrêt ou de toute autre décision judiciaire exécutoire ayant la même force entrant dans le champ d’application des articles 1er et 2;

[...]»

12.

L’article 15, paragraphe 2, de la décision-cadre dispose:

«Si l’autorité judiciaire d’exécution estime que les informations communiquées par l’État membre d’émission sont insuffisantes pour lui permettre de décider la remise, elle demande la fourniture d’urgence des informations complémentaires nécessaires, en particulier en relation avec les articles 3 à 5 et 8, et peut fixer une date limite pour leur réception, en tenant compte de la nécessité de respecter les délais fixés à l’article 17.»

B – Le droit hongrois

13.

L’article 25 de la loi no CLXXX. de 2012 relative à la coopération en matière pénale entre les États membres de l’Union européenne (az Európai Unió tagállamaival folytatott bűnügyi együttműködésről szóló 2012. évi CLXXX. törvény) ( 4 ) dispose:

«1) S’il convient d’ouvrir une procédure pénale à l’encontre du suspect, la juridiction délivre immédiatement un mandat d’arrêt européen en vue de son arrestation dans tout État membre de l’Union européenne et de sa remise, à condition que la gravité de l’infraction le justifie [...]

[...]

7) Le champ d’application du mandat d’arrêt européen s’étend aussi au territoire de la Hongrie.

[...]»

II – Le litige au principal et les questions préjudicielles

14.

Le 23 mars 2015, le Mátészalkai járásbíróság (tribunal local de Mátészalka) a émis un mandat d’arrêt européen à l’encontre de M. Bob-Dogi, ressortissant roumain, dans le cadre de poursuites pénales engagées contre lui pour des faits, commis en Hongrie le 27 novembre 2013, pouvant recevoir la qualification de «blessures corporelles graves».

15.

Ces faits concernent un accident de la circulation survenu sur la voie publique qui a causé de multiples fractures et lésions à M. Katona, ressortissant hongrois conduisant un cyclomoteur, et dont M. Bob-Dogi serait responsable en raison de la vitesse excessive du camion qu’il conduisait.

16.

Le 30 mars 2015, un signalement concernant le mandat d’arrêt européen a été introduit dans le système d’information Schengen (SIS).

17.

Le 2 avril 2015, M. Bob-Dogi a été appréhendé en Roumanie et, après avoir été placé en rétention, a été présenté devant la Curtea de Apel Cluj (cour d’appel de...

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