Renate Ilsinger v Martin Dreschers.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:483
Docket NumberC-180/06
Celex Number62006CC0180
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date11 September 2008

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME VERICA TRSTENJAK

présentées le 11 septembre 2008 (1)

Affaire C‑180/06

Renate Ilsinger

contre

Martin Dreschers (curateur à la faillite de Schlank & Schick GmbH)

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberlandesgericht Wien (Autriche)]

«Règlement (CE) nº 44/2001 – Article 15, paragraphe 1, sous c) – Compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs – Promesse de gain faite au consommateur – Conclusion d’un contrat – Protection des consommateurs – Continuité entre la convention de Bruxelles et le règlement (CE) nº 44/2001»





I – Introduction

1. Les deux questions que la juridiction de renvoi pose dans la présente affaire portent sur l’interprétation des dispositions du règlement (CE) nº 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (2), relatives à la compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs ou, plus précisément, sur la question de savoir si la compétence des tribunaux pour connaître de la réclamation faite par un consommateur visant à obtenir la remise d’un gain qu’une société lui promet en apparence est déterminée sur la base de ces dispositions. Dans le cadre de l’interprétation de la convention de Bruxelles, du 27 septembre 1968, concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (3) (ci-après la «convention de Bruxelles») (4), la Cour a déjà statué sur la compétence des tribunaux lorsqu’un consommateur avait introduit contre un vendeur établi dans un autre État membre la demande de paiement d’un gain apparemment promis. Elle n’a cependant pas encore statué sur cette question dans le cadre du règlement nº 44/2001 (5).

2. La présente affaire soulève par conséquent la question, lors de l’interprétation, de la continuité entre la convention de Bruxelles et le règlement nº 44/2001. Ce dernier a été adopté en raison de l’objectif poursuivi de libre circulation des décisions judiciaires en matière civile et commerciale, et a remplacé la convention de Bruxelles le 1er mars 2002 dans les rapports entre les États membres, à l’exception du Royaume de Danemark (6). À l’entrée en vigueur du règlement nº 44/2001, la question de savoir si ce règlement et la convention de Bruxelles étaient interprétés à tout point de vue de la même façon ou si, en procédant à l’interprétation, on pouvait être amené à opérer des distinctions est donc, elle aussi, devenue importante.

3. Les deux questions préjudicielles se posent dans un litige opposant Mme Renate Ilsinger, ressortissante autrichienne domiciliée en Autriche, à la société de vente par correspondance Schlank & Schick GmbH (ci‑après la «société Schlank & Schick») établie à Aachen (Allemagne), dans le cadre d’un recours visant à obtenir la remise d’un gain que la société Schlank & Schick aurait apparemment promis à Mme Ilsinger.

II – Cadre juridique

A – Droit communautaire

4. Selon le treizième considérant du règlement nº 44/2001:

«S’agissant des contrats d’assurance, de consommation et de travail, il est opportun de protéger la partie la plus faible au moyen de règles de compétence plus favorables à ses intérêts que ne le sont les règles générales.»

5. Selon le dix-neuvième considérant du règlement nº 44/2001:

«Pour assurer la continuité nécessaire entre la convention de Bruxelles et le […] règlement, il convient de prévoir des dispositions transitoires. La même continuité doit être assurée en ce qui concerne l’interprétation des dispositions de la convention de Bruxelles par la Cour de justice des Communautés européennes et le protocole de 1971 […] doit continuer à s’appliquer également aux procédures déjà pendantes à la date d’entrée en vigueur du […] règlement.»

6. Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, du règlement nº 44/2001, lequel figure sous la section «Dispositions générales»:

«Sous réserve des dispositions du […] règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.»

7. Aux termes de l’article 5, point 1, sous a), du règlement nº 44/2001, lequel figure sous la section «Compétences spéciales»:

«Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre:

1) a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée;

[…]»

8. Aux termes de l’article 15, paragraphe 1, du règlement nº 44/2001, lequel figure sous la section «Compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs»:

«En matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice des dispositions de l’article 4 et de l’article 5, point 5:

a) lorsqu’il s’agit d’une vente à tempérament d’objets mobiliers corporels;

b) lorsqu’il s’agit d’un prêt à tempérament ou d’une autre opération de crédit liés au financement d’une vente de tels objets;

c) lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités.»

9. L’article 16, paragraphe 1, du règlement nº 44/2001 dispose:

«L’action intentée par un consommateur contre l’autre partie au contrat peut être portée soit devant les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel est domiciliée cette partie, soit devant le tribunal du lieu où le consommateur est domicilié.»

B – Convention de Bruxelles

10. L’article 13, premier alinéa, de la convention de Bruxelles dispose:

«En matière de contrat conclu par une personne pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, ci-après dénommée ‘le consommateur’, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice des dispositions de l’article 4 et de l’article 5 paragraphe 5:

1) lorsqu’il s’agit d’une vente à tempérament d’objets mobiliers corporels;

2) lorsqu’il s’agit d’un prêt à tempérament ou d’une autre opération de crédit liés au financement d’une vente de tels objets;

3) pour tout autre contrat ayant pour objet une fourniture de services ou d’objets mobiliers corporels si:

a) la conclusion du contrat a été précédée dans l’État du domicile du consommateur d’une proposition spécialement faite ou d’une publicité

et que

b) le consommateur a accompli dans cet État les actes nécessaires à la conclusion de ce contrat.»

C – Droit autrichien

11. L’article 5j de la loi autrichienne sur la protection des consommateurs (Konsumentenschutzgesetz) (7) dispose:

«Les entreprises qui adressent à un consommateur déterminé des promesses d’attribution de prix ou d’autres messages similaires, libellés de sorte à laisser croire que le consommateur a gagné un prix déterminé, doivent remettre ce prix au consommateur; ce prix peut également être réclamé devant les tribunaux.»

III – Faits, procédure au principal et questions préjudicielles

12. Mme Ilsinger, ressortissante autrichienne domiciliée en Autriche, a, au mois d’août 2002, reçu une enveloppe de la société de vente par correspondance Schlank & Schick GmbH, établie à Aachen (Allemagne). L’enveloppe, sur laquelle figuraient les mentions «documents importants» «à ouvrir immédiatement SVP» et «personnel», renfermait un message qui lui était nominativement adressé, selon lequel elle avait remporté un gain de 20 000 euros. Il ressortait dudit message que Mme Ilsinger toucherait le gain «si elle avait le numéro d’identification qui l’autorisait à toucher le gain», si elle collait sur le certificat de réclamation du gain un coupon revêtu du numéro d’identification et qu’elle le retournait, dans les sept jours, à la société Schlank & Schick. Il ressort également de la notification du gain que le droit à toucher le gain n’était pas subordonné à la commande d’une marchandise. Mme Ilsinger a collé le coupon revêtu du numéro d’identification sur le certificat de réclamation du gain et l’a retourné à la société Schlank & Schick.

13. N’ayant pas obtenu paiement du gain de la part de ladite société, Mme Ilsinger a, au mois de décembre 2002, saisi le Landesgericht St. Pölten, tribunal du lieu de son domicile, d’un recours formé contre la société sur le fondement de l’article 5j de la loi autrichienne sur la protection des consommateurs en liaison avec l’article 16, paragraphe 1, du règlement nº 44/2001, aux fins d’obtenir la remise du gain. Dans le cadre de cette procédure, la société Schlank & Schick a excipé de l’incompétence de la juridiction autrichienne. Par ordonnance du 15 juin 2004, le Landesgericht St. Pölten a, à la fois, rejeté l’exception d’incompétence et débouté la demanderesse au principal de sa prétention.

14. Les deux parties au principal ont interjeté appel du jugement du Landesgericht St. Pölten devant la juridiction de renvoi, l’Oberlandesgericht Wien. Ce dernier affirme dans son ordonnance de renvoi que, dans la jurisprudence relative à l’article 13, premier alinéa, de la convention de Bruxelles, la Cour a déjà jugé que la conclusion effective d’un contrat de vente de biens mobiliers ou de prestations de services était une condition d’application dudit article. Mais, par rapport à l’article 13, premier alinéa, de la convention de Bruxelles, l’article 15, paragraphe 1, du règlement nº 44/2001 est, selon la juridiction de renvoi, conçu de manière plus large; celle-ci se demande donc si l’interprétation que la Cour a développée pour l’article 13, premier alinéa, de la convention de Bruxelles vaut également pour ledit article...

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