Office of Communications v Information Commissioner.
Jurisdiction | European Union |
Date | 10 March 2011 |
Court | Court of Justice (European Union) |
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
Mme Juliane Kokott
présentées le 10 mars 2011 (1)
Affaire C‑71/10
Office of Communications
contre
The Information Commissioner
[demande de décision préjudicielle formée par la Supreme Court of the United Kingdom (Royaume-Uni)]
«Directive 2003/4/CE – Accès à l’information en matière d’environnement – Dérogations – Intérêt public servi par la divulgation – Intérêt servi par le refus – Mise en balance – Cumul d’intérêts»
I – Introduction
1. La Supreme Court of the United Kingdom (Royaume-Uni) pose à la Cour une question apparemment académique dont les retombées ne sont toutefois pas clairement prévisibles.
2. Aux termes de la directive 2003/4/CE (2) (ci-après la «directive sur l’information en matière d’environnement»), les particuliers ont un droit d’accès aux informations intéressant l’environnement. Ce droit peut être réduit lorsque la divulgation aurait des effets néfastes sur un certain nombre d’intérêts dignes de protection. Les dérogations ne jouent toutefois pas lorsque, dans un cas d’espèce, l’intérêt public servi par la divulgation l’emporte sur l’intérêt servi par le refus.
3. Les juridictions du Royaume-Uni sont en désaccord sur la manière de se livrer à cette mise en balance lorsque plusieurs intérêts dignes de protection sont simultanément affectés. Chaque dérogation doit-elle être considérée en elle-même en vérifiant si c’est l’intérêt qu’elle protège qui l’emporte ou l’intérêt public servi par la divulgation (en ce sens, les deux premières juridictions inférieures et une minorité de la Supreme Court)? Ou bien les intérêts protégés par différentes dérogations peuvent-ils se cumuler pour être mis ainsi conjointement en balance avec l’intérêt public servi par la divulgation (en ce sens, la troisième juridiction inférieure et une majorité de la Supreme Court)?
4. Il s’agit donc de savoir si l’on peut se prononcer sur la divulgation d’informations environnementales en cumulant des intérêts affectés isolément, qui chacun à lui seul serait évincé par l’intérêt public servi par la divulgation, pour justifier, le cas échéant conjointement, la confidentialité des informations.
5. Ces questions donnent à la Cour l’occasion d’examiner plus avant, pour la première fois, la façon de mettre en balance ces intérêts servant la confidentialité avec l’intérêt public servi par la divulgation d’informations.
II – Le cadre juridique
A – Le droit international
6. L’Union européenne s’est engagée sur le plan international à garantir l’accès aux informations en matière d’environnement dans la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, qui a été signée le 25 juin 1998 et approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005 (3).
7. Les restrictions possibles au droit d’accès ressortent en particulier de l’article 4, paragraphe 4, de la convention d’Aarhus:
«Une demande d’informations sur l’environnement peut être rejetée au cas où la divulgation de ces informations aurait des incidences défavorables sur:
a) le secret des délibérations des autorités publiques, lorsque ce secret est prévu par le droit interne;
[...]
e) les droits de propriété intellectuelle;
[...]
Les motifs de rejet susmentionnés devront être interprétés de manière restrictive compte tenu de l’intérêt que la divulgation des informations demandées présenterait pour le public et selon que ces informations ont trait ou non aux émissions dans l’environnement.»
B – Le droit de l’Union
8. La directive sur l’information en matière d’environnement transpose la convention d’Aarhus dans l’Union et prévoit à cette fin un droit d’accès aux informations en matière d’environnement à son article 3, paragraphe 1.
9. Les dérogations sont énoncées en particulier à l’article 4, paragraphe 2, de la directive sur l’information en matière d’environnement:
«Les États membres peuvent prévoir qu’une demande d’informations environnementales peut être rejetée lorsque la divulgation des informations porterait atteinte:
[...]
b) aux relations internationales, à la sécurité publique ou à la défense nationale;
[...]
e) à des droits de propriété intellectuelle;
[...]
Les motifs de refus visés aux paragraphes 1 et 2 sont interprétés de manière restrictive, en tenant compte dans le cas d’espèce de l’intérêt que présenterait pour le public la divulgation de l’information. Dans chaque cas particulier, l’intérêt public servi par la divulgation est mis en balance avec l’intérêt servi par le refus de divulguer. Les États membres ne peuvent, en vertu du paragraphe 2, points a), d), f), g) et h), prévoir qu’une demande soit rejetée lorsque elle concerne des informations relatives à des émissions dans l’environnement.
[...]»
10. Le seizième considérant de cette directive expose à cet égard:
«Le droit aux informations signifie que la divulgation des informations devrait être la règle générale et que les autorités publiques devraient être autorisées à opposer un refus à une demande d’informations environnementales dans quelques cas particuliers clairement définis. Les motifs de refus devraient être interprétés de façon restrictive, de manière à mettre en balance l’intérêt public servi par la divulgation et l’intérêt servi par le refus de divulguer. Les motifs de refus devraient être communiqués au demandeur dans le délai fixé par la présente directive.»
C – Le droit interne
11. En droit interne, les dérogations qui nous intéressent ici sont énoncées en des termes largement identiques dans le règlement sur les informations en matière d’environnement de 2004 (Environmental Information Regulations 2004) (4).
III – Les faits et la demande de décision préjudicielle
12. Les informations demandées portent sur la localisation exacte des stations de base de téléphonie mobile au Royaume-Uni.
13. L’Office of Communications (ci-après l’«Ofcom») gère depuis 2003 un site Internet, dénommé «Sitefinder» (localisateur) (5), qui permet de localiser approximativement chaque station de base dans tout secteur. Le site est alimenté par des informations tirées des bases de données des opérateurs de téléphonie mobile mises librement à disposition. Il permet aux particuliers, en introduisant un code postal, un nom de ville ou de rue, de chercher sur une carte quadrillée des informations relatives aux stations de base qui y sont répertoriées. Toutefois, le particulier ne peut pas obtenir la localisation précise, au mètre près, d’une station de base ni des indications précisant si elle a été installée sur la voie publique ou dissimulée à l’intérieur ou en haut d’une structure ou d’un bâtiment.
14. Un gestionnaire d’informations de la Health Protection Scotland (agence de protection de la santé en Écosse) – un département du service national de santé (National Health Service) – a demandé à l’Ofcom les coordonnées de chaque station de base, apparemment à des fins épidémiologiques. L’Ofcom a rejeté à la fois la demande initiale et la demande de réexamen. Ce demandeur a alors saisi l’actuel requérant, l’Information Commissioner, qui a ordonné la divulgation. À la suite du recours formé par l’Ofcom, l’Information Tribunal a, en première instance, confirmé l’ordre de divulgation.
15. L’Information Tribunal a déterminé que la divulgation des informations affecterait la sécurité publique et la protection de la propriété intellectuelle. Les informations pourraient faciliter des déprédations sur les stations de base. En outre, à ses yeux, les opérateurs de téléphonie sont titulaires de droits d’auteur et de droits sur les bases de données. Il se trouve par ailleurs que l’intérêt public servi par la divulgation l’emporte toutefois, en particulier parce que les informations souhaitées pourraient servir aux recherches épidémiologiques sur les effets de la téléphonie mobile. Dans la mise en balance des intérêts, l’Information Tribunal a examiné l’application des deux dérogations séparément et a refusé de les mettre conjointement en balance avec l’intérêt public servi par la divulgation.
16. L’Ofcom a saisi d’un recours l’Administrative Court qui s’est ralliée à la conception de l’Information Tribunal sur ce dernier point. L’appel porté devant la Court of Appeal a toutefois abouti à un résultat inverse.
17. Le recours de l’Information Commissioner devant la Supreme Court porte sur la seule question de savoir si les effets néfastes des deux dérogations en cause doivent être mis conjointement ou séparément en balance avec l’intérêt public servi par la divulgation. À ce stade, la Supreme Court s’écarte par une majorité de trois voix sur deux de la conception de la Court of Appeal. Elle pose dès lors la question préjudicielle suivante à la Cour:
«En vertu de la directive 2003/4/CE du Conseil, lorsqu’une autorité publique détient des informations en matière d’environnement, dont la divulgation porterait préjudice aux différents intérêts protégés par plus d’une dérogation [en l’espèce, l’intérêt à la sécurité publique protégé par l’article 4, paragraphe 2, sous b), et l’intérêt aux droits de propriété intellectuelle protégé par l’article 4, paragraphe 2, sous e)], mais que ce préjudice ne serait pas suffisamment important, si ces dérogations étaient examinées séparément, pour l’emporter sur l’intérêt du public à la divulgation, la directive impose-t-elle un examen supplémentaire consistant à combiner les différents intérêts protégés par les deux dérogations et à les mettre conjointement en balance avec l’intérêt du public à la divulgation?»
18. L’Information Commissioner, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, le Royaume de Suède ainsi que la Commission européenne ont présenté...
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