Viacom Outdoor Srl v Giotto Immobilier SARL.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:676
Docket NumberC-134/03
Celex Number62003CC0134
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeCuestión prejudicial - inadmisible
Date28 October 2004

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 28 octobre 2004 (1)

Affaire C-134/03

Viacom Outdoor Srl

contre

Giotto Immobilier SARL

[demande de décision préjudicielle formée par le Giudice di pace di Genova‑Voltri (Italie)]

«Taxes communales sur la publicité par voie d'affichage – Entreprises publiques (article 86 CE) – Abus de position dominante (article 82 CE) – Aides d'État (articles 87 CE et 88 CE) – Libre prestation de services (articles 49 CE et 50 CE) – Recevabilité d'une demande de décision préjudicielle (article 234 CE






I – Introduction

1. Dans la présente affaire est en cause une réglementation italienne selon laquelle les communes perçoivent des taxes communales sur la publicité, prévoient des dispositions particulières pour la mise en œuvre de publicité sur leur territoire (notamment des règles relatives au nombre et à l'emplacement des espaces publicitaires mis à disposition) et selon laquelle elles exercent également un service communal d'affichage distinct. Il est en substance contesté que les communes opèrent comme des entreprises sur un marché dont elles‑mêmes définissent parallèlement les règles du jeu.

2. Dans ce contexte, le Giudice di pace di Genova-Voltri (Italie) interroge la Cour sur l'interprétation des règles de concurrence du traité (articles 82 CE, 86 CE, 87 CE et 88 CE) et de la libre prestation de services (article 49 CE). Par ses questions préjudicielles, la juridiction de renvoi s'adresse une seconde fois à la Cour après que cette dernière a, par ordonnance du 8 octobre 2002, déclaré (manifestement) irrecevable une première demande de décision préjudicielle dans la même affaire (2).

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

3. Les articles 49 CE, 50 CE, 82 CE, 86 CE, 87 CE et 88 CE forment le cadre juridique communautaire de la présente affaire.

B – Le droit national

Introduction

4. On peut déduire des observations présentées à la Cour que, dans les communes italiennes, il est possible d'effectuer, en principe de trois manières différentes, la publicité par supports publicitaires, par exemple par des affiches. En premier lieu, les personnes privées peuvent apposer leurs supports publicitaires sur des installations privées. En deuxième lieu, les personnes privées ont la possibilité d'utiliser l'espace public (par exemple des rues ou des murs d'édifices publics) pour installer leurs supports publicitaires (privés). Et en troisième lieu, les messages publicitaires peuvent être apposés sur des installations communales, par exemple sur des espaces publicitaires mis à disposition par la commune; dans ce cas, les affiches peuvent être apposées soit par les personnes privées concernées, soit par un service de la commune (ci-après le «service communal d'affichage»).

5. Une taxe communale sur la publicité est toujours due, mais lorsqu'on utilise le service communal d'affichage, cette taxe est déjà comprise dans la redevance à acquitter pour le service d'affichage.

Détails des dispositions nationales

6. D'après le droit italien, il convient de renvoyer en premier lieu au décret législatif n° 446, du 15 décembre 1997 (3) (ci-après le «décret législatif n° 446/97»), dont l'article 52 confère aux provinces et aux communes le pouvoir de réglementer leurs propres recettes par voie réglementaire dans des limites plus précisément définies.

7. En outre, le decreto legislativo n° 507 — Revisione ed armonizzazione dell'imposta comunale sulla pubblicità e del diritto sulle pubbliche affissioni (décret législatif (4) n° 507 du président de la République relatif à la révision et à l'harmonisation de la taxe communale sur la publicité et des droits d'affichages publics) (5), du 15 novembre 1993 (ci‑après le «décret législatif n° 507/93»), est également pertinent pour la publicité dans les espaces publics.

8. L'article 1er du décret législatif n° 507/93 dispose:

«La publicité extérieure et les affichages publics sont assujettis à une taxe ou à une redevance en faveur de la commune sur le territoire de laquelle ils sont effectués».

9. Aux termes de l'article 5, paragraphe 1, du décret législatif n° 507/93:

«La diffusion de messages publicitaires effectuée par le biais de formes de communications visuelles ou acoustiques, distinctes de celles soumises au droit d'affichage, dans des lieux publics ou ouverts au public ou visibles de ces lieux, est soumise à la taxe communale sur la publicité».

D'après les indications fournies par la juridiction de renvoi, la taxe frappe donc tout message publicitaire (privé) diffusé sur le territoire de la commune à laquelle la taxe est versée.

10. Selon l'article 6, paragraphe 1, du décret législatif n° 507/93, est redevable de la taxe «toute personne qui dispose […] du moyen par le biais duquel le message publicitaire est diffusé».

11. Selon l'article 9, paragraphe 7, du décret législatif n° 507/93, des droits spéciaux afférents à l'occupation des sols ainsi que des rétributions particulières (par exemple, un droit de location) peuvent être perçus en plus de la taxe communale sur la publicité lorsque la publicité est effectuée sur des installations publiques.

12. Des dispositions particulières sur le service communal d'affichage, qui doit être obligatoirement instauré dans toutes les communes de plus de 3 000 habitants, figurent aux articles 18 et suivants du décret législatif n° 507/93. L'article 18, paragraphe 1, dudit décret dispose notamment:

«Le service communal d'affichage est destiné à garantir spécifiquement la pose, par la commune, sur des supports destinés à cet effet, d'affiches de tous types […]».

13. L'article 19, paragraphe 1, du décret législatif n° 507/93 prévoit de plus:

«La pose d'affiches publiques est soumise au paiement in solidum par le demandeur du service et par la personne dans l'intérêt de laquelle le service est demandé, d'une redevance, incluant la taxe sur la publicité, en faveur de la commune qui procède à son exécution.»

14. Les articles 3 et 22, paragraphe 1, du décret législatif n° 507/93 obligent les communes, d'une part, à préciser – dans le respect des exigences légales – les taux d'imposition et les modalités de perception de la taxe communale sur la publicité et, d'autre part, à adopter des dispositions sur leur service communal d'affichage. Elles doivent de plus réglementer la mise en œuvre de la publicité, étant entendu qu'elles peuvent, pour des motifs d'intérêt général, limiter ou interdire certaines formes de publicité. Sont à prévoir également des dispositions relatives aux coûts occasionnés, des dispositions régissant l'octroi d'autorisations et un plan général des installations publicitaires. Il convient en outre de définir le rapport dans lequel peuvent être utilisées les infrastructures publiques destinées à la publicité sans portée économique, d'une part, et à la publicité de nature commerciale, d'autre part, puis de déterminer le nombre d'espaces publicitaires mis à disposition pour l'affichage direct par des personnes privées.

15. Le 21 décembre 1998 a été adopté dans la commune de Gênes un règlement communal d'application du décret législatif n° 507/93 (ci‑après le «règlement communal de 1998») (6). Ainsi qu'il ressort du dossier, y figurent entre autres une exigence d'autorisation (article 6), des consignes de sécurité applicables aux routes et voies publiques (article 14), des restrictions tenant à la protection de l'environnement et du patrimoine (articles 18 et 19) ainsi que les modalités relatives à l'acquittement de la taxe communale sur la publicité (articles 23 et suivants) et/ou de la redevance pour utilisation du service communal d'affichage (articles 29 et suivants).

16. Le règlement communal de 1998 a été abrogé avec effet seulement au 1er janvier 2001 et remplacé, à compter de cette date, par une nouvelle réglementation (7).

III – Les faits et la procédure au principal

17. Un litige est pendant devant le Giudice di pace entre la société Viacom Outdoor Srl (8), ayant son siège à Milan (Italie) (ci-après «Viacom»), et la société Giotto Immobilier SARL, ayant son siège à Menton (France) (ci-après «Giotto»). Giotto vend des biens immobiliers sur la Côte d'Azur en France; Viacom fournit pour le compte de ses clients des services publicitaires.

18. Viacom a facturé à Giotto le paiement de la pose d'affiches publicitaires qu'elle avait effectuée pour le compte de Giotto au mois d'octobre 2000 sur le territoire de la commune de Gênes. Dans le cadre de ce paiement, Viacom exige également une somme de 439 385 ITL, soit 226,92 euros, en remboursement de ses dépenses pour la taxe communale sur la publicité qui devait être versée à la commune de Gênes. Seule cette partie du paiement est litigieuse entre Viacom et Giotto.

19. Viacom fonde son droit au paiement sur un contrat conclu entre les parties le 9 septembre 2000. D'après ce contrat, Giotto doit à Viacom une rétribution pour la pose d'affiches publicitaires qui, outre le prix proprement dit de la prestation, comprend également le remboursement de «charges spécifiques et établies» (en italien «oneri specifici e documentati»).

20. Giotto refuse toutefois de rembourser les dépenses correspondantes en alléguant que la taxe communale sur la publicité est contraire au droit communautaire. Selon la juridiction de renvoi, il faudrait rejeter la demande de Viacom si la taxe communale sur la publicité devait se révéler contraire au droit communautaire.

IV – Demande de décision préjudicielle et procédure devant la Cour

21. Par décision du 10 mars 2003, le Giudice di pace di Genova‑Voltri a donc sursis à statuer et déféré à la Cour à titre préjudiciel les questions suivantes:

«1) L’attribution à une entreprise publique (les communes) de la gestion d’une taxe et de droits tels que ceux examinés et relatifs à un marché qui constitue une partie substantielle du marché commun et sur lequel cette entreprise publique opère en position dominante est-elle contraire à:

...

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