European Commission v Republic of Lithuania.
Jurisdiction | European Union |
Date | 22 April 2010 |
Court | Court of Justice (European Union) |
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GENERAL
MME E. SHARPSTON
présentées le 22 avril 2010 1(1)
Affaire C‑350/08
Commission européenne
contre
République de Lituanie
«Recours en manquement – Médicaments à usage humain – Adhésion de nouveaux États – Maintien d’une autorisation nationale d’un médicament similaire issu de la biotechnologie accordée avant l’adhésion – Principe du respect de l’acquis communautaire»
I – Introduction
1. Grasalva est un médicament générique issu de la biotechnologie qui est employé dans le cadre des traitements de chimiothérapie (2). Il est similaire à un autre médicament, Neupogen, qui a déjà été autorisé dans l’Union européenne (3).
2. La République de Lituanie a autorisé Grasalva après la signature du traité d’Athènes (4), mais avant son entrée en vigueur effective, le 1er mai 2004.
3. L’annexe IX de l’acte d’adhésion (5) établit un régime juridique transitoire en ce qui concerne les médicaments déjà autorisés par la République de Lituanie au moment de la signature du traité d’Athènes, de sorte que seuls les 6 151 produits énumérés dans une liste figurant dans cette annexe (ci-après la «liste de l’acte d’adhésion») pouvaient continuer à être commercialisés en Lituanie après le 1er mai 2004, bien qu’uniquement jusqu’à ce que leur autorisation soit renouvelée en conformité avec l’acquis de l’Union ou jusqu’au 1er janvier 2007 si le renouvellement n’avait toujours pas eu lieu à cette date.
4. La liste de l’acte d’adhésion constitue dès lors la base légale permettant, après l’entrée effective dans l’Union, le commerce de médicaments autorisés avant la signature du traité d’Athènes sans que la réglementation de l’Union n’ait été observée, mais l’analyse du présent recours en manquement doit être réalisée en tenant compte de certaines particularités de l’espèce:
– premièrement, la liste de l’acte d’adhésion ne fournit aucune solution en ce qui concerne les produits qui, comme le médicament Grasalva, ont été autorisés durant la période comprise entre la signature du traité d’Athènes et son entrée en vigueur et qui ne pouvaient donc pas figurer dans cette liste, puisque cette dernière fait partie dudit traité;
– deuxièmement, la République de Lituanie a fait preuve d’une diligence exemplaire en transposant (6), avant son intégration à l’Union, la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (7), l’autorisation du médicament Grasalva ayant été délivrée conformément aux dispositions nationales mettant en œuvre cette directive;
– troisièmement, rien n’indique que la République de Lituanie aurait agit contrairement à la bonne foi, compte tenu de l’absence de solutions pour le traitement des demandes d’autorisation entre la signature du traité d’Athènes et le 1er mai 2004.
5. Eu égard à ces circonstances, la Cour doit-elle déclarer le manquement de la République de Lituanie pour le simple fait qu’elle n’a pas retiré le médicament Grasalva du marché le 1er mai 2004?
II – Le cadre juridique
A – Le droit de l’Union
1. L’autorisation des médicaments
6. Le droit de l’Union applicable ratione temporis distingue clairement deux procédures d’autorisation de médicaments.
7. D’une part, il existe une procédure d’autorisation centralisée dans le cadre de laquelle la Commission dispose du pouvoir de décision. Ce mécanisme a été instauré par le règlement (CEE) n° 2309/93 du Conseil, du 22 juillet 1993, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et à usage vétérinaire et instituant une agence européenne pour l’évaluation des médicaments (8), qui a été remplacé par le règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004 (9). Ci-après, je ferai référence à cette procédure sous la dénomination de «régime du règlement».
8. D’autre part, il y a une procédure d’autorisation décentralisée qui confère le pouvoir d’autoriser des médicaments aux États membres sous certaines conditions. Elle est définie par la directive 2001/83 et maintenue, bien qu’avec certaines modifications, par la directive 2003/63/CE (10). Ci-après, je ferai référence à cette procédure sous la dénomination de «régime de la directive», sans préjudice de la nécessaire distinction, eu égard à la succession normative qui entoure la présente affaire, entre la directive 2001/83 et la directive 2001/83, telle que modifiée.
a) Le régime du règlement
9. L’article 2 du règlement n° 726/2004 dispose, notamment, que «le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché de médicaments visés par le présent règlement doit être établi dans la Communauté».
10. Conformément à l’article 3 dudit règlement, l’autorisation de médicaments (tels que Grasalva) technologiquement avancés, notamment obtenus grâce aux biotechnologies, doit faire l’objet d’une procédure communautaire centralisée.
11. Toutefois, l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 726/2004 dispose:
«Un médicament générique d’un médicament de référence autorisé par la Communauté peut être autorisé par les autorités compétentes des États membres conformément aux directives 2001/83/CE et 2001/82/CE [(11)] dans les conditions suivantes:
a) la demande d’autorisation est présentée conformément à l’article 10 de la directive 2001/83/CE ou à l’article 13 de la directive 2001/82/CE;
[…]»
b) Le régime de la directive
i) La directive 2001/83
12. L’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83 dispose:
«Aucun médicament ne peut être mis sur le marché d’un État membre sans qu’une autorisation de mise sur le marché n’ait été délivrée par l’autorité compétente de cet État membre, conformément à la présente directive, ou qu’une autorisation n’ait été délivrée conformément au règlement (CEE) n° 2309/93.»
13. En vertu de l’article 8, paragraphes 1 et 2, de cette directive:
«1. En vue de l’octroi d’une autorisation de mise sur le marché d’un médicament ne relevant pas d’une procédure instituée par le règlement (CEE) n° 2309/93, une demande doit être introduite auprès de l’autorité compétente de l’État membre concerné.
2. Une autorisation de mise sur le marché ne peut être délivrée qu’à un demandeur établi dans la Communauté.»
14. Conformément à l’article 8, paragraphe 3, sous i), de la directive 2001/83, en vue d’obtenir une autorisation de mise sur le marché d’un médicament ne relevant pas du règlement n° 2309/93, les résultats d’une série d’essais physico‑chimiques, biologiques, microbiologiques, toxicologiques, pharmacologiques et cliniques doivent être joints à la demande.
15. Cependant, l’article 10, paragraphe 1, sous a), de la directive 2001/83 dispense de l’obligation de présenter les essais toxicologiques, pharmacologiques ou cliniques lorsqu’il peut notamment être démontré:
«[…]
iii) […] que le médicament est essentiellement similaire à un médicament autorisé, selon les dispositions communautaires en vigueur, depuis au moins six ans dans la Communauté et commercialisé dans l’État membre concerné par la demande; cette période est portée à dix ans lorsqu’il s’agit d’un médicament de haute technologie ayant été autorisé en vertu de la procédure instituée par l’article 2, paragraphe 5, de la directive 87/22/CEE du Conseil; […]
Cependant, dans le cas où le médicament est destiné à un usage thérapeutique différent ou doit être administré par des voies différentes ou sous un dosage différent, par rapport aux autres médicaments commercialisés, les résultats des essais toxicologiques, pharmacologiques et/ou cliniques appropriés doivent être fournis».
16. L’article 126 de la directive 2001/83 prévoit que l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament ne peut être retirée que dans des cas très précis, aucun d’entre eux n’étant pertinent aux fins de la présente procédure.
ii) La directive 2001/83, telle que modifiée
17. La directive 2003/63 adapte certaines exigences de la directive 2001/83 au progrès scientifique et technique, en remplaçant notamment l’annexe I de cette dernière, qui est désormais intitulée «Normes et protocoles analytiques, toxico‑pharmacologiques et cliniques en matière d’essais de médicaments».
18. L’un des changements notables réside dans le fait que la section 4 de la partie II de l’annexe I de la directive 2001/83, qui régit les médicaments biologiques similaires, introduit des exigences supplémentaires pour leur enregistrement:
«Les dispositions de l’article 10, paragraphe 1, point a), point iii), peuvent ne pas suffire dans le cas des médicaments biologiques. Si l’information exigée dans le cas des produits essentiellement similaires (génériques) ne permet pas de démontrer la nature similaire de deux médicaments biologiques, des données supplémentaires, en particulier le profil toxicologique et clinique doivent être fournies.
[…]
Les principes généraux à appliquer sont traités dans une ligne directrice prenant en compte les caractéristiques du médicament biologique concerné publiée par l’Agence. Au cas où le médicament autorisé à l’origine a plus d’une indication, l’efficacité et la sécurité du médicament revendiquées comme étant similaires doivent être justifiées ou, au besoin, démontrées séparément pour chacune des indications revendiquées.»
2. Le traité d’Athènes
19. L’article 2, paragraphe 2, du traité d’Athènes dispose que ce dernier «entre en vigueur le 1er mai 2004, à condition que tous les instruments de ratification aient été déposés avant cette date».
3. L’acte d’adhésion
20. En vertu de son article 2, «[d]ès l’adhésion, les dispositions des traités originaires et les actes pris, avant l’adhésion, par les institutions et la Banque centrale européenne lient les nouveaux États membres et sont applicables dans ces États dans les conditions prévues par ces traités et par le présent acte».
21. Selon son article 54, «[l]es nouveaux États membres mettent en vigueur les mesures qui leur sont...
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