Opinion of Advocate General Mengozzi delivered on 13 July 2016.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:552
Docket NumberC-307/15,C-154/15
Celex Number62015CC0154
CourtCourt of Justice (European Union)
Date13 July 2016
62015CC0154

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 13 juillet 2016 ( 1 )

Affaires jointes C‑154/15, C‑307/15 et C‑308/15

Francisco Gutiérrez Naranjo

contre

Cajasur Banco S.A.U. (C‑154/15),

et

Ana María Palacios Martínez

contre

Banco Bilbao Vizcaya Argentaria SA (C‑307/15),

et

Banco Popular Español SA

contre

Emilio Irles López,

Teresa Torres Andreu (C‑308/15)

[demandes de décision préjudicielle formées par le Juzgado de lo Mercantil no 1 de Granada (tribunal de commerce no 1 de Grenade, Espagne) (affaire C‑154/15) et par l’Audiencia Provincial de Alicante (cour provinciale d’Alicante, Espagne) (affaires C‑307/15 et C‑308/15)]

«Renvoi préjudiciel — Contrats conclus avec les consommateurs — Clauses abusives — Pouvoirs du juge national — Déclaration de nullité — Effets — Obligation de restitution des sommes perçues sur le fondement d’une clause déclarée abusive — Non-rétroactivité — Conformité à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE»

Table des matières

I – Le cadre juridique

A – La directive 93/13

B – Le droit espagnol

1. Les dispositions normatives

2. La jurisprudence du Tribunal Supremo (cour suprême)

a) L’arrêt du 9 mai 2013

b) Les arrêts du 25 mars 2015 et du 29 avril 2015

II – Les faits, les litiges au principal et les questions préjudicielles

A – L’affaire C‑154/15

B – Les affaires C‑307/15 et C‑308/15

1. L’affaire C‑307/15

2. L’affaire C‑308/15

3. Les questions préjudicielles dans les affaires C‑307/15 et C‑308/15

III – La procédure devant la Cour

A – Sur la demande de traitement accéléré des affaires C‑307/15 et C‑308/15

B – Sur le déroulement de la procédure écrite et de la procédure orale

IV – Analyse juridique

A – Sur les questions préjudicielles, envisagées conjointement, de l’affaire C‑154/15 et sur la première question commune aux affaires C‑307/15 et C‑308/15

1. Sur le niveau de protection offert aux consommateurs par la jurisprudence du Tribunal Supremo (cour suprême) par rapport à celui offert par la directive 93/13

2. Sur la portée de l’obligation faite aux États membres par l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13

a) Une interprétation littérale peu éclairante

b) Retour sur la jurisprudence

c) Application aux cas d’espèce

B – Sur les autres questions préjudicielles

V – Conclusion

1.

Les juridictions espagnoles ont contribué de manière significative au développement de la jurisprudence relative à la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ( 2 ) en saisissant la Cour, à de nombreuses reprises, de questions préjudicielles amenant cette dernière à en préciser l’interprétation. C’est aujourd’hui le contentieux relatif aux clauses « plancher » insérées dans les contrats de prêts conclus avec les consommateurs qui occupent les prétoires espagnols et, incidemment, celui de la Cour ( 3 ). Ces clauses prévoient que l’établissement bancaire qui octroie un prêt hypothécaire à taux variable applique une limite inférieure à la variation du taux d’intérêt de telle sorte que, même si le taux d’intérêt applicable est inférieur à un certain seuil (ou « plancher »), le consommateur continue de payer des intérêts minimaux, équivalents à ce seuil.

2.

Les présentes affaires soulèvent une question de principe qui ne porte pas tant sur les clauses « plancher » en elles-mêmes que sur les effets qui doivent accompagner la constatation du caractère abusif de telles clauses. Le contexte dans lequel se pose cette question est particulier en ce qu’il met en présence une série d’arrêts rendus par le Tribunal Supremo (cour suprême) par lesquels ce dernier a jugé que les consommateurs ne peuvent obtenir le remboursement des sommes qu’ils ont versées aux organismes financiers sur le fondement des clauses « plancher » qu’à compter de la date de son premier arrêt rendu ayant constaté la nullité desdites clauses en raison de leur caractère abusif, à savoir le 9 mai 2013.

I – Le cadre juridique

A – La directive 93/13

3.

Il ressort du quatrième considérant de la directive 93/13 « qu’il incombe aux États membres de veiller à ce que des clauses abusives ne soient pas incluses dans les contrats conclus avec les consommateurs ».

4.

Le douzième considérant de la directive 93/13 énonce que, « en l’état actuel des législations nationales, seule une harmonisation partielle est envisageable ; […] qu’il importe de laisser la possibilité aux États membres, dans le respect du traité, d’assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur au moyen de dispositions nationales plus strictes que celles de la présente directive ».

5.

Au seizième considérant de la directive 93/13, le législateur de l’Union a précisé que « l’appréciation, selon les critères généraux fixés, du caractère abusif des clauses […] nécessite d’être complétée par un moyen d’évaluation globale des différents intérêts impliqués ; que ceci constitue l’exigence de bonne foi, que, dans l’appréciation de la bonne foi ; il faut prêter une attention particulière à la force des positions respectives de négociation des parties […] ; l’exigence de bonne foi peut être satisfaite par le professionnel en traitant de façon loyale et équitable avec l’autre partie dont il doit prendre en compte les intérêts légitimes ».

6.

Le dix-huitième considérant de la directive 93/13 affirme que « la nature des biens ou services doit avoir une influence sur l’appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles ».

7.

Le vingtième considérant de la directive 93/13 exige que « les contrats doivent être rédigés en termes clairs et compréhensibles ; […] le consommateur doit avoir effectivement l’occasion de prendre connaissance de toutes les clauses, et […] en cas de doute, doit prévaloir l’interprétation la plus favorable au consommateur ».

8.

Le vingt-et-unième considérant de la directive 93/13 prévoit que « les États membres doivent prendre les mesures nécessaires afin d’éviter la présence de clauses abusives dans des contrats conclus avec des consommateurs par un professionnel ; […] si, malgré tout, de telles clauses venaient à y figurer, elles ne lieront pas le consommateur, et le contrat continuera à lier les parties selon les mêmes termes s’il peut subsister sans les clauses abusives ».

9.

Le vingt-quatrième considérant de la directive 93/13 énonce que « les autorités judiciaires […] doivent disposer de moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’application de clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ».

10.

Selon l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 93/13 :

« 1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat.

2. Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion ».

11.

L’article 4 de la directive 93/13 est libellé comme suit :

« 1. Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

2. L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible ».

12.

L’article 5 de la directive 93/13 affirme que, « [d]ans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut ».

13.

L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose que « [l]es États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives ».

14.

L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 énonce que « [l]es États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel ».

15.

L’article 8 de la directive 93/13 prévoit que « [l]es États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au...

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