Opinion of Advocate General Bobek delivered on 15 November 2018.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
ECLIECLI:EU:C:2018:918
Date15 November 2018
Celex Number62017CC0393
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-393/17
62017CC0393

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 15 novembre 2018 ( 1 )

Affaire C‑393/17

Openbaar Ministerie

contre

Freddy Lucien Magdalena Kirschstein

Thierry Frans Adeline Kirschstein

en présence de

Vlaamse Gemeenschap

[demande de décision préjudicielle formée par le hof van beroep te Antwerpen (cour d’appel d’Anvers, Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Marché intérieur – Directive 2006/123/CE – Champ d’application – Définition des services en droit de l’Union – Services d’intérêt général non économiques – Enseignement supérieur financé par des fonds privés – Pratiques commerciales déloyales – Interdiction faite aux établissements non agréés de délivrer des diplômes conférant le grade de master – Sanctions pénales »

I. Introduction

1.

En vertu de la législation de la Vlaamse Gemeenschap (Communauté flamande), seuls les établissements d’enseignement supérieur ayant obtenu un agrément peuvent délivrer certains diplômes. Délivrer ces diplômes sans agrément est passible de poursuites pénales et peut donner lieu à une peine de prison et/ou à une amende.

2.

MM. Freddy et Thierry Kirschstein (ci-après les « intimés ») dirigent United International Business Schools of Belgium BVBA (ci‑après « UIBS Belgium »), une société établie en Belgique qui fournit des services d’enseignement supérieur. Ils sont poursuivis en justice par les autorités flamandes pour avoir délivré des certificats conférant le grade de « master » à deux reprises au moins, entre 2006 et 2010, sans avoir obtenu l’agrément nécessaire.

3.

Les questions qui sont déférées à la Cour dans le contexte factuel spécifique de cette affaire paraissent assez simples : l’interdiction de délivrer des diplômes de master (et les sanctions pénales en cas de non-respect de cette interdiction) imposée en vertu du droit national aux établissements d’enseignement supérieur non agréés est-elle compatible avec la directive 2006/123/CE ( 2 ) (ci-après la « directive “services” ») et avec la directive 2005/29/CE ( 3 ) relative aux pratiques commerciales déloyales (ci-après la « directive PCD ») ?

4.

Cette affaire soulève toutefois une question préalable relative au champ d’application matériel des deux législations invoquées par la juridiction de renvoi, question à laquelle il est sans doute plus difficile de répondre : les programmes d’enseignement supérieur constituent-ils des services au regard du droit de l’Union ? Et dans l’affirmative, de quels services s’agit-il ? Peuvent-ils relever de la catégorie des services d’intérêt général non économiques que prévoit la directive « services » ?

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. La directive « services »

5.

Le considérant 34 de la directive « services » indique ce qui suit : « Selon la jurisprudence de la Cour de justice, pour déterminer si certaines activités, notamment celles qui sont financées par les pouvoirs publics ou fournies par des entités publiques, constituent un “service”, il convient de les examiner au cas par cas et de tenir compte de toutes leurs caractéristiques, notamment la manière dont elles sont fournies, organisées et financées dans l’État membre concerné. La Cour de justice a estimé que la caractéristique essentielle de la rémunération réside dans le fait que celle-ci constitue la contrepartie économique des services en cause et que cette caractéristique est absente dans le cas des activités qui sont accomplies, sans contrepartie économique, par l’État ou pour le compte de l’État, dans le cadre de ses missions dans les domaines social, culturel, éducatif et judiciaire, tels que les cours dispensés au sein du système d’éducation nationale ou encore la gestion des régimes de sécurité sociale qui n’ont aucune activité de nature économique. Les montants versés par les destinataires à titre de participation aux frais de fonctionnement d’un système, par exemple les frais d’inscription ou de scolarité payés par les étudiants, ne constituent pas en eux-mêmes une rémunération dans la mesure où le service est toujours essentiellement financé par des fonds publics. Ces activités ne sont donc pas couvertes par la définition de “service” à l’article 50 du traité et n’entrent donc pas dans le champ d’application de la présente directive. »

6.

L’article 1er de la directive « services » dispose :

« 1. La présente directive établit les dispositions générales permettant de faciliter l’exercice de la liberté d’établissement des prestataires ainsi que la libre circulation des services, tout en garantissant un niveau de qualité élevé pour les services.

2. La présente directive ne traite pas de la libéralisation des services d’intérêt économique général, réservés à des organismes publics ou privés, ni de la privatisation d’organismes publics prestataires de services.

3. […]

La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres de définir, conformément au droit [de l’Union], ce qu’ils entendent par services d’intérêt économique général, la manière dont ces services devraient être organisés et financés conformément aux règles relatives aux aides d’État ou les obligations spécifiques auxquelles ils doivent être soumis.

[…]

5. La présente directive n’affecte pas les règles de droit pénal des États membres. Toutefois, les États membres ne peuvent restreindre la libre prestation des services en appliquant des dispositions pénales qui réglementent ou affectent de façon particulière l’accès à une activité de service ou l’exercice d’une telle activité à l’effet de contourner les règles énoncées dans la présente directive.

[...] »

7.

Conformément à l’article 2 de la directive « services » :

« 1. La présente directive s’applique aux services fournis par les prestataires ayant leur établissement dans un État membre.

2. La présente directive ne s’applique pas aux activités suivantes :

a)

les services d’intérêt général non économiques ;

[…]

i)

les activités participant à l’exercice de l’autorité publique conformément à l’article 45 du traité

[...] »

8.

L’article 4, point 1, définit le « service » comme « toute activité économique non salariée, exercée normalement contre rémunération, visée à l’article 50 du traité ».

9.

Selon l’article 4, point 6, de la directive « services », les termes « régime d’autorisation » désignent « toute procédure qui a pour effet d’obliger un prestataire ou un destinataire à faire une démarche auprès d’une autorité compétente en vue d’obtenir un acte formel ou une décision implicite relative à l’accès à une activité de service ou à son exercice ».

10.

L’article 9 de la directive « services », qui figure au chapitre III relatif à la liberté d’établissement des prestataires, est consacré aux régimes d’autorisation. Il dispose :

« 1. Les États membres ne peuvent subordonner l’accès à une activité de service et son exercice à un régime d’autorisation que si les conditions suivantes sont réunies :

a)

le régime d’autorisation n’est pas discriminatoire à l’égard du prestataire visé ;

b)

la nécessité d’un régime d’autorisation est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général ;

c)

l’objectif poursuivi ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle.

[…] »

11.

En vertu de l’article 13, paragraphe 1, de la directive « services », « [l]es procédures et formalités d’autorisation doivent être claires, rendues publiques à l’avance et propres à garantir aux parties concernées que leur demande sera traitée avec objectivité et impartialité ».

2. La directive PCD

12.

L’article 1er de la directive PCD dispose que « [l]’objectif de la présente directive est de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur et d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs en rapprochant les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux pratiques commerciales déloyales qui portent atteinte aux intérêts économiques des consommateurs ».

13.

L’article 2 de la directive PCD énonce les définitions pertinentes :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

a)

“consommateur” : toute personne physique qui, pour les pratiques commerciales relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ;

b)

“professionnel” : toute personne physique ou morale qui, pour les pratiques commerciales relevant de la présente directive, agit à des fins qui entrent dans le cadre de son activité, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, et toute personne agissant au nom ou pour le compte d’un professionnel ;

c)

“produit” : tout bien ou service, y compris les biens immobiliers, les droits et les obligations ;

d)

“pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs” (ci‑après également dénommées “pratiques commerciales”) : toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs ;

e)

“altération substantielle du comportement économique des consommateurs” : l’utilisation d’une pratique commerciale compromettant sensiblement l’aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l’amenant par conséquent à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise...

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