Opinion of Advocate General Szpunar delivered on 21 May 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:433
Date21 May 2019
Celex Number62018CC0094
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-94/18
62018CC0094

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 21 mai 2019 ( 1 )

Affaire C‑94/18

Nalini Chenchooliah

contre

Minister for Justice and Equality

[demande de décision préjudicielle formée par la High Court (Haute Cour, Irlande)]

« Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Directive 2004/38/CE – Droit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire d’un État membre – Bénéficiaires – Ressortissant d’un État tiers conjoint d’un citoyen de l’Union ayant exercé sa liberté de circulation puis étant retourné dans l’État membre dont il possède la nationalité où il purge une peine d’emprisonnement – Applicabilité de la directive 2004/38 à l’éloignement de ce ressortissant d’un État tiers – Champ d’application de l’article 15 et du chapitre VI »

Table des matières

I. Introduction

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

B. Le droit irlandais

III. Les faits à l’origine du litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

IV. Analyse

A. Délimitation de la problématique posée par les questions préjudicielles

B. Examen des questions préjudicielles

1. Sur l’applicabilité de la directive 2004/38 à la situation de Mme Chenchooliah et de son conjoint citoyen de l’Union

a) Observations liminaires

b) La notion de « bénéficiaire » au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38 est-elle statique ou dynamique ?

1) L’arrêt Metock e.a.

2) L’arrêt Lounes

3) Le caractère évolutif de la notion de « bénéficiaire » au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38 : les enseignements à tirer des arrêts Metock e.a. et Lounes

c) Le « cycle de vie » de l’exercice de la liberté de circulation d’un citoyen de l’Union et des membres de sa famille dans le cadre de la directive 2004/38

1) L’application différentielle de la directive 2004/38

2) La différence essentielle existant entre la présente affaire et l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Lounes

3) L’éloignement d’un ressortissant d’un État tiers conjoint d’un citoyen de l’Union continue à relever de la directive 2004/38 lorsque ce citoyen a cessé d’exercer sa liberté de circulation dans l’État membre d’accueil en raison de son retour dans l’État membre dont il possède la nationalité

2. Sur les limitations et les garanties procédurales applicables à l’éloignement des citoyens de l’Union et des membres de leur famille ressortissants d’un État tiers au motif de l’expiration de leur droit de séjour

a) Le champ d’application du chapitre VI de la directive 2004/38

b) Interprétation de l’article 15 de la directive 2004/38

V. Conclusion

I. Introduction

1.

Une ressortissante d’un État tiers, épouse d’un citoyen de l’Union européenne qui a cessé d’exercer son droit de libre circulation dans un État membre en raison de son retour dans l’État membre dont il possède la nationalité, relève‑t‑elle de la directive 2004/38/CE ( 2 ) aux fins de son éloignement du territoire de l’État membre d’accueil ? Le cas échéant, quelles dispositions de cette directive sont applicables à son éloignement ? Cette ressortissante est-elle couverte par les dispositions du chapitre VI ou par celles de l’article 15 de ladite directive concernant les garanties procédurales applicables aux décisions d’éloignement prises pour des raisons autres que d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique ?

2.

Telles sont les questions au cœur de la présente affaire, qui conduiront la Cour à interpréter, pour la première fois, l’article 15, paragraphes 1 et 3, de la directive 2004/38 concernant les garanties procédurales.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

3.

L’article 3 de la directive 2004/38, intitulé « Bénéficiaires », dispose, à son paragraphe 1 :

« La présente directive s’applique à tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu’aux membres de sa famille, tels que définis à l’article 2, point 2), qui l’accompagnent ou le rejoignent. »

4.

Aux termes de l’article 6 de cette directive, intitulé « Droit de séjour jusqu’à trois mois » :

« 1. Les citoyens de l’Union ont le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une période allant jusqu’à trois mois, sans autres conditions ou formalités que l’exigence d’être en possession d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité.

2. Les dispositions du paragraphe 1 s’appliquent également aux membres de la famille munis d’un passeport en cours de validité qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui accompagnent ou rejoignent le citoyen de l’Union. »

5.

L’article 14 de ladite directive, intitulé « Maintien du droit de séjour », énonce, à ses paragraphes 1, 2 et 4 :

« 1. Les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ont un droit de séjour tel que prévu à l’article 6 tant qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil.

2. Les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ont un droit de séjour tel que prévu aux articles 7, 12 et 13 tant qu’ils répondent aux conditions énoncées dans ces articles.

[...]

4. À titre de dérogation aux dispositions des paragraphes 1 et 2 et sans préjudice des dispositions du chapitre VI, les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’une mesure d’éloignement lorsque :

a)

les citoyens de l’Union concernés sont des salariés ou des non salariés, ou

b)

les citoyens de l’Union concernés sont entrés sur le territoire de l’État membre d’accueil pour y chercher un emploi. Dans ce cas, les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ne peuvent être éloignés tant que les citoyens de l’Union sont en mesure de faire la preuve qu’ils continuent à chercher un emploi et qu’ils ont des chances réelles d’être engagés. »

6.

L’article 15 de cette même directive, intitulé « Garanties procédurales », dispose, à ses paragraphes 1 et 3 :

« 1. Les procédures prévues aux articles 30 et 31 s’appliquent par analogie à toute décision limitant la libre circulation d’un citoyen de l’Union ou des membres de sa famille prise pour des raisons autres que d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.

[...]

3. L’État membre d’accueil ne peut pas assortir la décision d’éloignement visée au paragraphe 1 d’une interdiction d’entrée sur le territoire. »

7.

Aux termes de l’article 27 de la directive 2004/38, intitulé « Principes généraux » :

« 1. Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques.

2. Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné. L’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures.

Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues.

[...] »

8.

Aux termes de l’article 30 de cette directive, intitulé « Notification des décisions » :

« 1. Toute décision prise en application de l’article 27, paragraphe 1, est notifiée par écrit à l’intéressé dans des conditions lui permettant d’en saisir le contenu et les effets.

2. Les motifs précis et complets d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique qui sont à la base d’une décision le concernant sont portés à la connaissance de l’intéressé, à moins que des motifs relevant de la sûreté de l’État ne s’y opposent.

3. La notification comporte l’indication de la juridiction ou de l’autorité administrative devant laquelle l’intéressé peut introduire un recours ainsi que du délai de recours et, le cas échéant, l’indication du délai imparti pour quitter le territoire de l’État membre. Sauf en cas d’urgence dûment justifié, ce délai ne peut être inférieur à un mois à compter de la date de notification. »

9.

L’article 31 de ladite directive, intitulé « Garanties procédurales », prévoit, à ses paragraphes 1 et 3 :

« 1. Les personnes concernées ont accès aux voies de recours juridictionnelles et, le cas échéant, administratives dans l’État membre d’accueil pour attaquer une décision prise à leur encontre pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.

[...]

3. Les procédures de recours permettent un examen de la légalité de la décision ainsi que des faits et circonstances justifiant la mesure envisagée. Elles font également en sorte que la décision ne soit pas disproportionnée, notamment par rapport aux exigences posées par l’article 28. »

B. Le droit irlandais

10.

Actuellement, la réglementation irlandaise visant à transposer la directive 2004/38 est contenue dans les European Communities (Free Movement of Persons) Regulations 2015 [règlement relatif aux Communautés européennes (libre circulation des personnes) de 2015] (ci-après le « règlement de 2015 »).

11.

Le règlement de 2015 a remplacé...

To continue reading

Request your trial
2 practice notes
  • Nalini Chenchooliah v Minister for Justice and Equality.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 10 September 2019
    ...en vertu de la directive 2004/38/CE lors de la prise d’une décision d’éloignement dudit ressortissant d’un État tiers » Dans l’affaire C‑94/18, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la High Court (Haute Cour, Irlande), par déci......
  • Conclusiones del Abogado General Sr. M. Szpunar, presentadas el 17 de septiembre de 2020.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 17 September 2020
    ...ai provvedimenti di allontanamento di cui all’articolo 15 di tale direttiva. V., parimenti, le mie conclusioni in tale causa (C‑94/18, EU:C:2019:433). 62 Sentenza del 10 settembre 2019, Chenchooliah (C‑94/18, EU:C:2019:693, punto 84). V., parimenti, sentenze del 12 luglio 2018, Banger (C‑89......
2 cases
  • Nalini Chenchooliah v Minister for Justice and Equality.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 10 September 2019
    ...en vertu de la directive 2004/38/CE lors de la prise d’une décision d’éloignement dudit ressortissant d’un État tiers » Dans l’affaire C‑94/18, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la High Court (Haute Cour, Irlande), par déci......
  • Conclusiones del Abogado General Sr. M. Szpunar, presentadas el 17 de septiembre de 2020.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 17 September 2020
    ...ai provvedimenti di allontanamento di cui all’articolo 15 di tale direttiva. V., parimenti, le mie conclusioni in tale causa (C‑94/18, EU:C:2019:433). 62 Sentenza del 10 settembre 2019, Chenchooliah (C‑94/18, EU:C:2019:693, punto 84). V., parimenti, sentenze del 12 luglio 2018, Banger (C‑89......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT