Varec SA v Belgian State.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:643
Date25 October 2007
Celex Number62006CC0450
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-450/06

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

Mme ELEANOR SHARPSTON

présentées le 25 octobre 2007 1(1)

Affaire C‑450/06

Varec

contre

État belge

«Marché public – Procédure de recours en matière de marchés publics – Pièces contenant des informations confidentielles»





1. Le Conseil d’État belge nous interroge sur le point de savoir si une instance responsable d’une procédure de recours concernant la passation d’un marché public doit garantir la confidentialité de secrets d’affaires tout en demeurant autorisée à prendre en considération des pièces les comprenant.

2. La question met en évidence le conflit susceptible de naître entre le droit d’une partie à exiger la production de pièces pertinentes ainsi que l’accès à ces pièces et celui d’une autre partie à préserver la confidentialité de certaines pièces à l’égard de concurrents.

La réglementation communautaire

3. L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 89/665/CEE (2) impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires, en ce qui concerne les procédures relevant du champ d’application des directives de coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (3), pour garantir que les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs puissent faire l’objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible dans les conditions énoncées aux articles suivants de ladite directive, lorsqu’il est allégué que ces décisions ont violé le droit communautaire en matière de marchés publics ou les règles nationales transposant ce droit.

4. La directive 89/665 énonce ensuite les conditions à respecter dans le cadre de telles procédures de recours en vue d’assurer qu’elles aboutissent à un résultat rapide et efficace, dans le respect du droit communautaire. Cependant, elle n’aborde pas la question du traitement des informations confidentielles figurant dans des documents produits ou demandés à titre de justificatif. Aux termes de l’article 2, paragraphe 8, de la directive 89/665, l’instance responsable de la procédure de recours doit prendre ses décisions «à l’issue d’une procédure contradictoire».

5. Les questions de confidentialité susceptibles de se poser, pour les marchés publics de fournitures, au stade de l’attribution relevaient, au moment de la passation du marché en cause dans la procédure au principal, de la directive 93/36 (4), notamment de son article 15, paragraphe 2, qui disposait que: «les pouvoirs adjudicateurs doivent respecter le caractère confidentiel de tous les renseignements donnés par les fournisseurs». En outre, les articles 7, paragraphe 1, et 9, paragraphe 3, de cette directive imposaient une publicité relative aux marchés attribués, sous réserve de la possibilité, pour les pouvoirs adjudicateurs, du retrait de certaines informations, lorsque leur divulgation, entre autres cas, «porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’entreprises publiques ou privées ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre fournisseurs».

6. La directive 93/36 a été abrogée et remplacée, à compter du 31 janvier 2006, par la directive 2004/18 (5), dont l’article 6 est ainsi libellé:

«Sans préjudice des dispositions de la présente directive, notamment celles relatives aux obligations en matière de publicité sur les marchés attribués et d'information des candidats et des soumissionnaires […] et, conformément au droit national auquel est soumis le pouvoir adjudicateur, ce dernier ne divulgue pas les renseignements que les opérateurs économiques lui ont communiqués à titre confidentiel; ces renseignements comprennent notamment les secrets techniques ou commerciaux et les aspects confidentiels des offres.»

La réglementation nationale

La confidentialité des documents composant une offre

7. L’article 32 de la Constitution belge (6) garantit l’accès du public aux documents administratifs à titre de principe général. Au nombre des exceptions à ce principe figure l’article 6, paragraphe 1, de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration (7), qui permet à une autorité de refuser l’accès si elle a constaté que l’intérêt de la publicité ne l’emporte pas sur la protection, entre autres, du caractère confidentiel des informations d’entreprise ou de fabrication communiquées à l'autorité.

8. L’obligation faite à un pouvoir adjudicateur de respecter la confidentialité des secrets d’affaires contenus dans les documents qui lui sont communiqués est énoncée dans diverses dispositions de la réglementation nationale régissant les procédures de passation de marchés publics, en particulier, au moment de l’attribution du marché en cause dans la procédure au principal, les articles 25, paragraphe 4, 51, paragraphe 4 et 80, paragraphe 4 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 relatif aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services et aux concessions de travaux publics.

9. Depuis lors, la loi du 15 juin 2006 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services a été adoptée aux fins de la transposition de la directive 2004/18. Les deux premiers alinéas de l’article 11 de cette loi sont ainsi libellés:

«Le pouvoir adjudicateur et toute personne qui, en raison de ses fonctions ou des missions qui lui ont été confiées, a connaissance de renseignements confidentiels relatifs à un marché ou qui ont trait à la passation et à l'exécution du marché, communiqués par les candidats, soumissionnaires, entrepreneurs, fournisseurs ou prestataires de services, ne divulguent aucun de ces renseignements. Ces renseignements concernent notamment les secrets techniques ou commerciaux et les aspects confidentiels des offres.

Dans le cas d’une procédure de recours, l’instance saisie et le pouvoir adjudicateur veillent au respect du caractère confidentiel des renseignements visés à l’alinéa précédent.»

10. Toutefois, à l’instar de la plupart des autres dispositions de cette loi, son article 11 n’est pas encore entré en vigueur (8).

La procédure devant le Conseil d’État

11. Les recours dirigés contre les décisions en matière de passation de marchés publics ressortissent à la compétence du Conseil d’État. S’agissant du contrôle juridictionnel, la procédure devant cette juridiction est essentiellement régie par l’arrêté du Régent du 23 août 1948 et par les lois coordonnées en date du 12 janvier 1973.

12. L’article 6 de l’arrêté du Régent impose à l’autorité défenderesse de transmettre au greffe le dossier administratif dans les soixante jours de la notification de la requête. Si le dossier ne se trouve pas en possession de cette autorité, il est également prévu que sa communication puisse être réclamée à l’autorité qui le détient.

13. L’article 87 de l’arrêté du Régent prévoit que les parties et leurs conseils peuvent prendre connaissance au greffe du dossier de l’affaire, droit qui est également énoncé par l’article 19 des lois coordonnées.

14. L’article 21 des lois coordonnées permet à la partie requérante de demander que le dépôt du dossier administratif soit ordonné à l’autorité défenderesse. Il prévoit également que, lorsque le dossier n’est pas transmis dans le délai fixé, les faits cités par la partie requérante sont réputés prouvés, à moins qu’ils ne soient manifestement inexacts. Le Conseil d’État indique que cette dernière disposition est d’application, même lorsqu’une partie du dossier n’a pas été transmise.

15. Il ressort de la décision de renvoi que le Conseil d’État a jugé de manière constante que ni la loi du 11 avril 1994 ni l’arrêt royal du 8 janvier 1996 (9) ne pouvaient être utilement invoqués pour soustraire à l’examen du juge de l’excès de pouvoir les documents qui lui seraient indispensables pour apprécier le fondement d’un moyen d’annulation (10).

16. Il apparaît également qu’aucune disposition régissant la procédure devant le Conseil d’État ne permet expressément le traitement confidentiel, à l’égard d’une partie à la procédure, de certaines informations figurant dans les pièces transmises.

Les faits et la procédure au principal

17. Le litige au principal procède d’un avis de marché pour la livraison de maillons de chenille pour chars publié par le ministère belge de la Défense. Deux offres ont été reçues, l’une émanant de la société anonyme Varec (ci-après « Varec »), l’autre de la société Diehl Remscheid GmbH & Co (ci-après « Diehl »). Le 28 mai 2002, le marché a été attribué à Diehl. La décision d’attribution a justifié l’exclusion de l’offre de Varec par un certain nombre de motifs techniques, administratifs et juridiques, mais a conclu que Diehl satisfaisait à toutes les conditions de sélection. Cette conclusion était notamment fondée sur des plans et des éléments annexés à l’offre de Diehl. À la demande de Diehl, ces pièces lui avaient été restituées à l’issue de l’évaluation des offres.

18. Dans son recours introduit devant le Conseil d’État, Varec affirme que l’offre de Diehl ne répondait pas à l’ensemble des exigences de la sélection. Elle estime que l’appréciation de cette allégation implique, tant pour la juridiction saisie du recours que pour la partie à l’origine du recours, la possibilité de consulter les plans et les éléments visés dans le paragraphe précédent.

19. Or, le dossier transmis par le pouvoir adjudicateur, défendeur au principal, ne comporte pas les plans et les éléments en question puisque ceux-ci ont été restitués à Diehl. Diehl, qui est intervenue à la procédure au principal, s’oppose à leur transmission au motif qu’ils contiendraient des informations confidentielles et des secrets commerciaux auxquels elle souhaite que Varec ne puisse pas accéder. L’Auditeur (11) est d’avis que l’absence de transmission d’un dossier complet par le pouvoir adjudicateur équivaut à un défaut de collaboration à la bonne administration de la justice et au procès équitable, de sorte que la seule sanction appropriée consisterait en l’annulation de l’acte administratif contesté.

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