Danfoss A/S and AstraZeneca A/S v Skatteministeriet.

JurisdictionEuropean Union
Date23 October 2008
CourtCourt of Justice (European Union)

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme ELEANOR Sharpston

présentées le 23 octobre 2008 (1)

Affaire C‑371/07

Danfoss A/S

AstraZeneca A/S

contre

Skatteministeriet

[demande de décision préjudicielle formée par le Vestre Landsret (Danemark)]

«TVA –déduction de la taxe payée en amont – Prélèvements – Utilisation pour besoins privés – Repas de cantine fournis à titre gratuit à des relations d’affaires ainsi qu’à des employés dans le cadre de réunions d’affaires – Exclusions du droit à déduction»





1. S’il n’existe pas de déjeuner gratuit, peut-il pour autant exister un déjeuner exempt de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA)? Ce renvoi préjudiciel du Vestre Landsret (Cour régionale de l’Ouest, Danemark) porte sur le statut TVA de repas de cantines d’entreprises servis à des relations d’affaires et au personnel dans le cadre de réunions d’affaires. Cette fourniture de repas doit-elle – lorsqu’elle s’effectue à titre gratuit – être considérée comme une utilisation pour des besoins privés sur laquelle s’applique la TVA en amont, dès lors que la TVA en aval est déductible? Par ailleurs, dans le contexte d’un dispositif assez complexe de mesures nationales administratives et législatives, le Danemark pouvait-il légitimement exclure de telles transactions du droit à la déduction de l’impôt en amont en se fondant sur une clause de «standstill» de la législation communautaire?

La législation communautaire sur la TVA pertinente en l’espèce

2. Les affaires dont est saisie la juridiction nationale portent sur des repas fournis entre 1994 et 2001, de sorte que la disposition communautaire pertinente est la sixième directive TVA (2).

3. D’après l’article 2, point 1, de cette directive (3), sont soumises à la TVA les «livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel». D’après l’article 11, A, paragraphe 1, sous a) (4), la base d’imposition comprend, en principe, tout ce qui constitue la contrepartie obtenue.

4. Cependant, en vertu de l’article 17, paragraphe 2 (5), l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable («taxe en aval») la TVA due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti, dans la mesure où ces biens et ces services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées (en aval). Aux termes de l’article 17, paragraphe 1 (6), le droit à déduction de la taxe en amont prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible (en substance, lors de l’acquisition en amont plutôt que lors de la prestation en aval).

5. Parmi les exceptions à cette règle générale figurent notamment celles des articles 5, paragraphe 6, et 6, paragraphe 2, lesquelles régissent l’utilisation pour des besoins privés – lorsque l’assujetti utilise lui-même des biens ou des services (ouvrant droit à une déduction d’impôt) ou lorsqu’il les offre à titre gratuit. De telles prestations sont considérées comme étant à titre onéreux et sont donc assujetties à la TVA, même si aucune contrepartie n’est perçue en réalité.

6. S’agissant de biens, l’article 5, paragraphe 6 (7), dispose:

«Est assimilé à une livraison effectuée à titre onéreux le prélèvement par un assujetti d’un bien de son entreprise pour ses besoins privés ou ceux de son personnel ou qu’il transmet à titre gratuit ou, plus généralement, qu’il affecte à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien ou les éléments le composant ont ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, ne sont pas visés les prélèvements effectués pour les besoins de l’entreprise pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons.»

7. S’agissant de services, l’article 6, paragraphe 2 (8), dispose:

«Sont assimilées à des prestations de services effectuées à titre onéreux:

a) l’utilisation d’un bien affecté à l’entreprise pour les besoins privés de l’assujetti ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée;

b) les prestations de services à titre gratuit effectuées par l’assujetti pour ses besoins privés ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise.

[…]»

8. Dans de tels cas de figure, en l’absence de toute contrepartie réelle, le montant imposable est constitué, conformément à l’article 11, A, paragraphe 1, sous b) et c) (9):

«b) pour les opérations visées à l’article 5 paragraphes 6 et 7, par le prix d’achat des biens ou de biens similaires ou, à défaut de prix d’achat, par le prix de revient, déterminés au moment où s’effectuent ces opérations;

c) pour les opérations visées à l’article 6 paragraphe 2, par le montant des dépenses engagées par l’assujetti pour l’exécution de la prestation de services».

9. Une autre disposition pertinente en l’espèce est celle de l’article 17, paragraphe 6 (10), concernant les exceptions au droit à déduction. Elle est ainsi rédigée:

«Au plus tard avant l’expiration d’une période de quatre ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente directive, le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, déterminera les dépenses n’ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. En tout état de cause, seront exclues du droit à déduction les dépenses n’ayant pas un caractère strictement professionnel, telles que les dépenses de luxe, de divertissement ou de représentation.

Jusqu’à l’entrée en vigueur des règles visées ci-dessus, les États membres peuvent maintenir toutes les exclusions prévues par leur législation nationale au moment de l’entrée en vigueur de la présente directive.»

10. Malgré le premier alinéa de cette disposition, le Conseil n’a jamais déterminé quelles dépenses n’ouvrent pas droit à déduction de la taxe en amont. Dès lors, la clause de «standstill» du second alinéa demeure valide.

Les dispositions danoises sur la TVA pertinentes en l’espèce

11. Sur la base des informations fournies par la juridiction nationale dans l’ordonnance de renvoi, la législation, les mesures administratives et la jurisprudence danoises pertinentes sont les suivantes.

12. La TVA a été introduite au Danemark par la loi sur la TVA (Momslov) de 1967. En vertu de cette loi, les livraisons de biens étaient en règle générale soumises à la TVA, tandis que les prestations de services n’étaient soumises à la TVA que si cela était spécifiquement prévu par la loi. Les prestations de services par les cantines d’entreprises n’étaient pas assujetties à la TVA, si bien que la taxe en amont y afférente n’était pas déductible (11). Par ailleurs, l’article 16, paragraphe 3, sous a) et e), de cette loi précisait que les dépenses pour nourrir le personnel ou de représentation n’ouvraient aucun droit à déduction. Ces exclusions se fondaient sur le raisonnement selon lequel la nourriture achetée par une société en vue de servir des repas à son personnel devait être considérée comme étant destinée à une consommation finale (si l’entreprise, au lieu de faire bénéficier son personnel d’une rémunération en nature, lui versait des salaires plus élevés, le personnel devrait acquitter la taxe à l’achat) et un droit à déduction de l’impôt en amont grevant les frais de représentation et les cadeaux, y compris les déjeuners d’affaires, pouvait favoriser des abus. L’article 11, paragraphe 1, disposait que l’assiette de la TVA comprenait notamment les biens et les services imposables qui étaient utilisés aux fins mentionnées à l’article 16, paragraphe 3.

13. La loi de 1967 a été amendée avec effet au 1er octobre 1978 aux fins de la transposition de la sixième directive TVA. Entre autres, les services ont été, en règle générale, soumis à la taxe. À l’époque, il a été déclaré que cet assujettissement de principe impliquait qu’un certain nombre de services précédemment exonérés et effectués par des entreprises assujetties par ailleurs à la TVA devenaient désormais imposables, notamment «une partie des services qui sont fournis par […] les cantines (de restauration)». Les limitations du droit à déduction pour la nourriture et la représentation, figurant à l’article 16, paragraphe 3, de la loi sur la TVA, et les dispositions relatives aux prélèvements figurant à l’article 11, paragraphe 1, n’ont pas été modifiées.

14. De ce fait, la vente d’aliments et de boissons par les cantines exploitées par des entreprises a été soumise à la TVA. Or, en novembre 1978, le Momsnævn (la commission de la TVA, qui est la plus haute instance administrative en la matière) a décidé que l’assiette de la TVA afférente à de telles ventes devait être égale, au minimum, à la somme du coût d’acquisition des produits bruts et des coûts relatifs à la préparation, à la vente et à l’administration. Les fournitures gratuites de nourriture et de boissons étaient par conséquent assimilées à des prestations à titre onéreux, la contrepartie étant le prix de revient.

15. En 1983, la décision précitée a été reprise dans une circulaire spécifique aux cantines, laquelle précisait en outre que la TVA grevant en amont les produits, le matériel et toute prestation de travail imposable relatifs à la préparation, à la vente et à l’administration devait être entièrement déductible.

16. La loi sur la TVA a de nouveau été amendée en 1994. L’exclusion de la déduction pour la nourriture et la représentation, figurant à l’article 16, paragraphe 3, sous a) et e), de la loi sur la TVA a été reprise sans modification substantielle à l’article 42, paragraphe 1, points 1 et 5, de la loi de 1994, alors même que son article 5, paragraphes 2 et 3, disposait:

«2. Est assimilé à une livraison effectuée à titre onéreux le prélèvement de biens ou de services utilisés à des fins mentionnées à l’article 42, paragraphes...

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