Opinion of Advocate General Bot delivered on 6 February 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:65
Docket NumberC-390/16
Celex Number62016CC0390
CourtCourt of Justice (European Union)
Date06 February 2018
62016CC0390

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 6 février 2018 ( 1 )

Affaire C‑390/16

Procédure pénale

contre

Dániel Bertold Lada

[demande de décision préjudicielle formée par la Szombathelyi Törvényszék (cour de Szombathely, Hongrie)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Article 82, paragraphe 1, TFUE – Principe de reconnaissance mutuelle des jugements et des décisions judiciaires en matière pénale – Décision-cadre 2009/315/JAI et décision 2009/316/JAI – Système européen d’information sur les casiers judiciaires (ECRIS) – Décision-cadre 2008/675/JAI – Prise en compte, à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale, d’une décision de condamnation prononcée antérieurement dans un autre État membre – Procédure nationale de reconnaissance préalable de cette décision conditionnant une telle prise en compte – Obligation d’interprétation conforme – Principe de primauté du droit de l’Union – Obligation de laisser inappliquée une réglementation nationale contraire à une décision-cadre »

1.

La présente demande de décision préjudicielle pose, en substance, le problème de savoir si une décision de condamnation prononcée par une juridiction d’un État membre peut être réexaminée dans le cadre d’une procédure nationale de reconnaissance de cette décision mise en œuvre par la juridiction d’un autre État membre et faire l’objet, dans ce cadre, d’un réexamen pouvant déboucher sur une adaptation de ladite décision – à savoir une requalification de l’infraction et une modification de la peine prononcée – afin de la rendre compatible avec la législation pénale de ce dernier État membre.

2.

Cette demande va conduire la Cour à préciser son arrêt du 9 juin 2016, Balogh ( 2 ). Elle a été présentée dans le cadre de la mise en œuvre en Hongrie d’une procédure ayant pour objet la reconnaissance d’une décision judiciaire définitive rendue par une juridiction autrichienne à l’encontre de M. Dániel Bertold Lada.

3.

Il s’agit là d’une illustration supplémentaire de la pratique suivie par les autorités hongroises à l’égard des jugements étrangers en matière pénale. Selon cette pratique, l’Igazságügyi Minisztérium (ministère de la Justice, Hongrie) demande à la juridiction d’un autre État membre qui a prononcé un jugement condamnant un ressortissant hongrois communication de ce jugement. Cette demande est faite afin de mettre en œuvre une procédure visant à reconnaître l’efficacité dudit jugement en Hongrie. Le jugement concerné, une fois reconnu en Hongrie, sera alors considéré comme étant équivalent à une condamnation nationale qui est inscrite au casier judiciaire.

4.

Dans son arrêt du 9 juin 2016, Balogh ( 3 ), la Cour a dit pour droit que la décision-cadre 2009/315/JAI du Conseil, du 26 février 2009, concernant l’organisation et le contenu des échanges d’informations extraites du casier judiciaire entre les États membres ( 4 ), et la décision du Conseil 2009/316/JAI, du 6 avril 2009, relative à la création du système européen d’information sur les casiers judiciaires (ECRIS), en application de l’article 11 de la décision-cadre 2009/315 ( 5 ), doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à la mise en œuvre d’une réglementation nationale instituant une procédure spéciale nationale de reconnaissance par la juridiction d’un État membre d’une décision judiciaire définitive rendue par une juridiction d’un autre État membre condamnant une personne pour la commission d’une infraction.

5.

Dans le cadre de la présente affaire, la Cour est invitée à compléter ce qu’elle a jugé dans son arrêt du 9 juin 2016, Balogh ( 6 ), concernant la même procédure nationale de reconnaissance, en interprétant cette fois la décision-cadre 2008/675/JAI du Conseil, du 24 juillet 2008, relative à la prise en compte des décisions de condamnation entre les États membres de l’Union européenne à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale ( 7 ). Il s’agira de la seconde interprétation de cette décision-cadre, la première ayant donné lieu à l’arrêt du 21 septembre 2017, Beshkov ( 8 ), lequel a déjà permis à la Cour d’évaluer la conformité au droit de l’Union d’une procédure nationale de reconnaissance des décisions de condamnation prononcées dans d’autres États membres.

6.

Les décisions-cadres 2009/315 et 2008/675 sont intimement liées, dans la mesure où la première vise à faciliter entre les États membres l’échange d’informations relatives au casier judiciaire d’une personne condamnée dans un État membre et la seconde permet, dès lors, de prendre en compte la ou les condamnations ainsi dévoilées. L’amélioration de la communication des informations entre les États membres n’aurait qu’une utilité réduite si ces derniers n’étaient pas en mesure de tenir compte des informations transmises. De plus, pour que la prise en compte de condamnations étrangères dans le cadre de nouvelles procédures pénales soit possible, encore faut-il que les échanges d’informations entre les États membres soient améliorés.

7.

La présente affaire fournit à la Cour l’occasion de préciser les raisons pour lesquelles les États membres ne peuvent pas maintenir des procédures nationales de reconnaissance des décisions de condamnation prononcées dans d’autres États membres, par lesquelles ils réexaminent ces décisions et en modifient, le cas échéant, la substance en vue de les adapter à leur législation pénale. Nous expliquerons notamment les raisons pour lesquelles la prise en compte de tels jugements dans le cadre de nouvelles procédures pénales, qui est requise par la décision-cadre 2008/675, ne peut pas être conditionnée par la mise en œuvre préalable d’une procédure nationale de reconnaissance de ces jugements.

8.

Face aux doutes exprimés par la juridiction de renvoi sur la capacité des décisions-cadres à être invoquées dans le cadre d’une procédure nationale aux fins d’exclure une réglementation nationale qui lui serait contraire, nous serons amenés à indiquer, dans la lignée des conclusions que nous avons présentées dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 juin 2017, Popławski ( 9 ), les raisons pour lesquelles nous considérons que le principe de primauté du droit de l’Union impose de reconnaître que les décisions-cadres bénéficient d’une telle invocabilité d’exclusion.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. La décision-cadre 2009/315

9.

Les considérants 2, 3, 5 et 17 de la décision-cadre 2009/315 énoncent :

« (2)

Le 29 novembre 2000 [...], le Conseil a adopté un programme de mesures destiné à mettre en œuvre le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions pénales [...]. La présente décision-cadre contribue à atteindre les objectifs prévus par la mesure no 3 du programme [...].

(3)

Le rapport final sur le premier exercice d’évaluation consacré à l’entraide judiciaire en matière pénale [...] invitait les États membres à simplifier les procédures de transfert de pièces entre États en recourant, le cas échéant, à des formulaires types afin de faciliter l’entraide judiciaire.

[...]

(5)

En vue d’améliorer les échanges d’informations entre les États membres sur les casiers judiciaires, les projets mis au point dans le but de réaliser cet objectif [...] sont les bienvenus. L’expérience acquise [...] a démontré qu’il importait de continuer à rationaliser les échanges d’informations sur les condamnations entre les États membres.

[...]

(17)

[...] L’amélioration de la compréhension mutuelle passe par la création d’un “format européen standardisé” permettant d’échanger les informations sous une forme homogène, informatisée et aisément traduisible par des mécanismes automatisés. [...] »

10.

Aux termes de l’article 1er de cette décision-cadre, qui définit l’objet de celle-ci :

« La présente décision-cadre a pour objet :

a)

de définir les modalités selon lesquelles un État membre dans lequel est prononcée une condamnation à l’encontre d’un ressortissant d’un autre État membre (ci-après dénommé “l’État membre de condamnation”) transmet les informations relatives à cette condamnation à l’État membre de la nationalité de la personne condamnée (ci-après dénommé “l’État membre de nationalité”) ;

b)

de définir les obligations de conservation qui incombent à l’État membre de nationalité et de préciser les modalités que ce dernier doit respecter lorsqu’il répond à une demande d’informations extraites du casier judiciaire ;

c)

d’établir le cadre qui permettra de constituer et de développer un système informatisé d’échanges d’informations sur les condamnations pénales entre les États membres, en se fondant sur la présente décision-cadre et la décision ultérieure visée à l’article 11, paragraphe 4. »

11.

L’article 4 de ladite décision-cadre, intitulé « Obligations incombant à l’État membre de condamnation », dispose :

« [...]

2. L’autorité centrale de l’État membre de condamnation informe le plus tôt possible les autorités centrales des autres États membres des condamnations prononcées sur son territoire à l’encontre des ressortissants desdits États membres, telles qu’inscrites dans le casier judiciaire.

[...]

3. Les informations relatives à une modification ou à une suppression ultérieure des informations contenues dans le casier judiciaire sont transmises sans délai par l’autorité centrale de l’État membre de condamnation à l’autorité centrale de l’État membre de nationalité.

4. L’État membre qui a fourni les informations en vertu des paragraphes 2 et 3 communique à l’autorité centrale de l’État membre de nationalité, à la demande de ce dernier dans des cas particuliers, copie des condamnations et des mesures...

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