Union des syndicats de l'immobilier (UNIS) v Ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle et du Dialogue social et Syndicat national des résidences de tourisme (SNRT) and Others and Beaudout Père et Fils SARL v Ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle et du Dialogue social and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:191
Date19 March 2015
Celex Number62014CC0025
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-26/14,C-25/14
62014CC0025

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 19 mars 2015 ( 1 )

Affaires jointes C‑25/14 et C‑26/14

Union des syndicats de l’immobilier (UNIS)

contre

Ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social,

Syndicat national des résidences de tourisme (SNRT) e.a.

et

Beaudout Père et Fils SARL

contre

Ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social,

Confédération nationale de la boulangerie et boulangerie‑pâtisserie française,

Fédération générale agroalimentaire FGA – CFDT e.a.

[demandes de décision préjudicielle formées par le Conseil d’État (France)]

«Article 56 TFUE — Libre prestation des services — Principes d’égalité de traitement et de non‑discrimination — Obligation de transparence — Champ d’application de cette obligation — Conventions collectives nationales — Régime de prévoyance complémentaire — Désignation par les partenaires sociaux d’un organisme assureur unique chargé de la gestion de ce régime — Extension par arrêté ministériel de ce régime à l’ensemble des travailleurs salariés et des employeurs de la branche d’activité concernée»

I – Introduction

1.

Dans les présentes affaires jointes, des partenaires sociaux ont, dans un premier temps, négocié des accords collectifs en vue d’instituer un régime de prévoyance complémentaire aux fins notamment de la prise en charge des frais de santé et désigné, dans ces accords, un organisme assureur unique sans recourir à une procédure de mise en concurrence. Dans un deuxième temps, l’affiliation à ces régimes a été rendue obligatoire pour l’ensemble des salariés et des employeurs de la branche concernée par les pouvoirs publics dans le cadre d’une procédure d’extension.

2.

La principale question juridique soulevée par ces affaires est celle de savoir si la jurisprudence relative à l’interprétation de l’article 56 TFUE ainsi qu’au principe d’égalité de traitement et à l’obligation de transparence qui en découle, que la Cour a développée en particulier dans le domaine des concessions de services, est applicable mutatis mutandis à la procédure d’extension ci‑dessus décrite.

3.

Les présentes demandes de décision préjudicielle, introduites par le Conseil d’État (France), trouvent leur origine dans des recours par lesquels, d’une part, l’Union des syndicats de l’immobilier (UNIS) (ci‑après l’«UNIS»), dans l’affaire C‑25/14, et, d’autre part, Beaudout Père et Fils SARL (ci‑après «Beaudout»), dans l’affaire C‑26/14, demandent l’annulation de deux arrêtés du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé ayant pour objet de procéder à une telle extension des accords collectifs. Elles portent sur la question de savoir si une éventuelle obligation de transparence découlant de l’article 56 TFUE s’applique à une décision d’extension par les pouvoirs publics, par laquelle un droit exclusif ( 2 ) est attribué à un opérateur économique. Ainsi, les présentes affaires s’inscrivent dans la droite ligne de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt AG2R Prévoyance ( 3 ), en ce qu’elles impliquent d’apprécier le même régime, à savoir celui qui fait l’objet de l’affaire C‑26/14, à l’aune des libertés fondamentales, et notamment de la libre prestation des services, et non des règles de concurrence du droit de l’Union.

II – Le cadre juridique français

4.

En France, les frais de soins de santé liés à une maladie ou à un accident exposés par les salariés sont partiellement pris en charge par le régime de base de la sécurité sociale. La partie des frais qui reste à la charge de l’assuré social peut faire l’objet d’un remboursement partiel dans le cadre d’une assurance complémentaire de santé.

5.

Les dispositions pertinentes du droit français figurent dans le code de la sécurité sociale et dans le code du travail.

6.

En vertu de l’article L. 911‑1 du code de la sécurité sociale, les garanties collectives dont bénéficient les travailleurs salariés peuvent être déterminées, notamment, par voie de conventions ou d’accords collectifs, dont les stipulations ne s’imposent, en principe, qu’aux membres des organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs salariés qui les ont négociés et conclus. L’article L. 911‑3 du même code prévoit que ces accords peuvent cependant être étendus par un arrêté du ministre compétent.

7.

Conformément à l’article L. 912‑1 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur du 24 juin 2006 au 25 décembre 2013, «lorsque les accords professionnels ou interprofessionnels mentionnés à l’article L. 911‑1 prévoient une mutualisation des risques dont ils organisent la couverture auprès d’un ou de plusieurs organismes mentionnés à l’article 1er de la loi no 89‑1009 […] ou d’une ou plusieurs institutions mentionnées à l’article L. 370‑1 du code des assurances, auxquels adhèrent alors obligatoirement les entreprises relevant du champ d’application de ces accords, ceux‑ci comportent une clause fixant dans quelles conditions et selon quelle périodicité les modalités d’organisation de la mutualisation des risques peuvent être réexaminées. La périodicité du réexamen ne peut excéder cinq ans» ( 4 ).

8.

La procédure d’extension d’une convention ou d’un accord est régie par le code du travail, en particulier par ses articles L. 2261‑15, L. 2261‑19, L. 2261‑24, L. 2261‑25, L. 2261‑27 et D. 2261‑3. Il en résulte que les conventions de branche ainsi que les accords professionnels ou interprofessionnels conclus en commission paritaire, de même que leurs avenants et annexes, peuvent, sous certaines conditions, faire l’objet d’une extension par arrêté du ministre compétent, dont l’objet est de les rendre obligatoires à l’ensemble des travailleurs salariés et des employeurs compris dans le champ d’application de la convention ou de l’accord concerné. La Commission nationale de la négociation collective doit avoir été consultée au préalable et avoir émis un avis motivé favorable. En cas d’opposition motivée de la part d’au moins deux organisations d’employeurs ou de deux organisations de salariés représentées à cette commission, le ministre peut consulter à nouveau celle‑ci de façon circonstanciée et, ensuite, décider l’extension au vu du nouvel avis.

9.

L’article L. 2261‑25 du code du travail dispose:

«Le ministre chargé du travail peut exclure de l’extension, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective, les clauses qui seraient en contradiction avec des dispositions légales.

Il peut également exclure les clauses pouvant être distraites de la convention ou de l’accord sans en modifier l’économie, mais ne répondant pas à la situation de la branche ou des branches dans le champ d’application considéré.

[…]»

10.

L’article D. 2261‑3 du code du travail prévoit:

«Lorsqu’un arrêté d’extension ou d’élargissement est envisagé, il est précédé de la publication au Journal officiel de la République française d’un avis. Cet avis invite les organisations et personnes intéressées à faire connaître leurs observations. Il indique le lieu où la convention ou l’accord a été déposé et le service auprès duquel les observations sont présentées.

Les organisations et les personnes intéressées disposent d’un délai de quinze jours à compter de la publication de l’avis pour présenter leurs observations.»

11.

L’article 1er de la loi no 89‑1009, du 31 décembre 1989, renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ( 5 ), dispose:

«Les dispositions du présent titre s’appliquent aux opérations ayant pour objet la prévention et la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou des risques d’incapacité de travail ou d’invalidité ou du risque chômage. Seuls sont habilités à mettre en œuvre les opérations de couverture visées au premier alinéa les organismes suivants:

a)

entreprises régies par le code des assurances;

b)

institutions relevant du titre III du livre VII du code de la sécurité sociale;

c)

institutions relevant de la section 4 du chapitre II du titre II du livre VII du code rural;

d)

mutuelles relevant du code de la mutualité.»

III – Les faits, les litiges au principal, la question préjudicielle et la procédure devant la Cour

12.

En ce qui concerne l’affaire C‑25/14, la convention collective nationale de l’immobilier a été conclue le 9 septembre 1988. Un régime obligatoire de prévoyance couvrant les risques décès, incapacité de travail et invalidité et un régime obligatoire de remboursement des frais de santé ont été institués par l’avenant no 48, du 23 novembre 2010, et les avenants nos 49 et 50, du 17 mai 2011, à cette convention collective. L’article 17 de cet avenant no 48 désigne, pour une période de trois ans, l’Institution de prévoyance du groupe Mornay en tant qu’unique organisme assureur des garanties de ces deux régimes.

13.

Par arrêté du 13 juillet 2011, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé a rendu lesdits avenants nos 48 à 50 obligatoires pour l’ensemble des travailleurs salariés et des employeurs de la branche d’activité concernée.

14.

En ce qui concerne l’affaire C‑26/14, la convention collective nationale de la boulangerie‑pâtisserie (entreprises artisanales) a été conclue le 19 mars 1976. Un régime de remboursement complémentaire des frais de soins de santé au profit des salariés de cette branche a été institué par l’avenant no 83, du 24 avril 2006, à ladite convention, sur la base d’une mutualisation des risques couverts et de l’adhésion obligatoire des employeurs. Par ce même avenant...

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