Opinion of Advocate General Campos Sánchez-Bordona delivered on 25 June 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:491
Date25 June 2020
Celex Number62019CC0393
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 25 juin 2020 (1)

Affaire C393/19

Okrazhna prokuratura – Haskovo,

Apelativna prokuratura – Plovdiv

contre

OM

[demande de décision préjudicielle formée par l’Apelativen sad – Plovdiv (Cour d’appel de Plovdiv, Bulgarie)]

« Renvoi préjudiciel – Article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit de propriété – Législation nationale prévoyant la confiscation au profit de l’État d’un véhicule utilisé pour commettre une infraction de contrebande – Véhicule appartenant à un tiers de bonne foi – Décision-cadre 2005/212/JAI – Article 2, paragraphe 1 – Directive 2014/42/UE – Article 6 »






1. Le chauffeur d’un camion de transport international qui faisait le trajet de Turquie en Allemagne, après avoir été arrêté en Bulgarie alors qu’il cachait un trésor numismatique dans ce véhicule, a été accusé et condamné dans ce dernier pays, pour une infraction de contrebande. À la suite de cette condamnation a été ordonnée la confiscation, entre autres biens, du tracteur routier, dont l’entreprise propriétaire, selon la juridiction de renvoi, « ne devait ni ne pouvait non plus savoir, que son employé commettait cette infraction pénale ».

2. Cette juridiction s’interroge sur l’incidence de deux articles de la Charte de droits fondamentaux de l’Union européenne sur les dispositions nationales applicables à l’affaire. En substance, elle doute de la compatibilité de ces dispositions :

– avec l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, dans la mesure où le code pénal bulgare prévoit la confiscation des moyens de transport utilisés pour commettre une infraction de contrebande, même si ceux‑ci appartiennent à un tiers de bonne foi ;

– avec l’article 47 de la Charte, dans la mesure où, conformément au droit procédural bulgare, le tiers de bonne foi, propriétaire du bien confisqué, ne peut pas faire valoir sa position devant la juridiction qui ordonne la confiscation.

3. Sur instruction de la Cour, je me limiterai à l’examen de la première de ces questions.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. La Charte

4. Aux termes de l’article 17, paragraphe 1 :

« Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général ».

2. La décision-cadre 2005/212/JAI (2)

5. L’article 1er (« Définitions ») dispose :

« Aux fins de la présente décision-cadre, on entend par :

[…]

– “instrument” tous objets employés ou destinés à être employés, de quelque façon que ce soit, en tout ou partie, pour commettre une ou des infractions pénales,

– “confiscation” une peine ou une mesure ordonnée par un tribunal à la suite d’une procédure portant sur une ou des infractions pénales, aboutissant à la privation permanente du bien,

[…] ».

6. L’article 2 (« Confiscation ») dispose :

« 1. Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour permettre la confiscation de tout ou partie des instruments et des produits provenant d’infractions pénales passibles d’une peine privative de liberté d’une durée supérieure à un an, ou de biens dont la valeur correspond à ces produits.

2. En ce qui concerne les infractions fiscales, les États membres peuvent recourir à des procédures autres que des procédures pénales pour priver l’auteur des produits de l’infraction ».

7. L’article 4 (« Voies de recours ») prévoit que :

« Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour faire en sorte que les personnes affectées par les mesures prévues aux articles 2 et 3 disposent de voies de recours effectives pour préserver leurs droits ».

3. La directive 2014/42/UE (3)

8. L’article 2 (Définitions) dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[…]

3) “instrument”, tout bien employé ou destiné à être employé, de quelque façon que ce soit, en tout ou en partie, pour commettre une ou des infractions pénales ;

4) “confiscation”, une privation permanente d’un bien ordonnée par une juridiction en lien avec une infraction pénale ;

[…] ».

9. L’article 4 (« Confiscation ») est libellé comme suit :

« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour permettre la confiscation de tout ou partie des instruments et des produits ou des biens dont la valeur correspond à celle de ces instruments ou produits, sous réserve d’une condamnation définitive pour une infraction pénale, qui peut aussi avoir été prononcée dans le cadre d’une procédure par défaut.

2. Lorsqu’il n’est pas possible de procéder à la confiscation sur la base du paragraphe 1, à tout le moins lorsque cette impossibilité résulte d’une maladie ou de la fuite du suspect ou de la personne poursuivie, les États membres prennent les mesures nécessaires pour permettre la confiscation des instruments ou produits dans le cas où une procédure pénale a été engagée concernant une infraction pénale qui est susceptible de donner lieu, directement ou indirectement, à un avantage économique et où ladite procédure aurait été susceptible de déboucher sur une condamnation pénale si le suspect ou la personne poursuivie avait été en mesure de comparaître en justice ».

10. L’article 5 (« Confiscation élargie ») dispose :

« 1. Les États membres adoptent les mesures nécessaires pour permettre la confiscation de tout ou partie des biens appartenant à une personne reconnue coupable d’une infraction pénale susceptible de donner lieu, directement ou indirectement, à un avantage économique, lorsqu’une juridiction, sur la base des circonstances de l’affaire, y compris les éléments factuels concrets et les éléments de preuve disponibles, tels que le fait que la valeur des biens est disproportionnée par rapport aux revenus légaux de la personne condamnée, est convaincue que les biens en question proviennent d’activités criminelles.

2. Aux fins du paragraphe 1 du présent article, la notion d’“infraction pénale” inclut au moins les infractions suivantes :

[…]

b) les infractions relatives à la participation à une organisation criminelle telles que prévues à l’article 2 de la décision-cadre 2008/841/JAI, à tout le moins dans les cas où l’infraction a donné lieu à un avantage économique ;

[…]

e) une infraction pénale sanctionnée, conformément à l’instrument applicable prévu à l’article 3 ou, lorsque l’instrument en question ne contient pas de seuil de peine, conformément au droit national applicable, par une peine privative de liberté d’une durée maximale d’au moins quatre ans ».

11. Selon l’article 6 (« Confiscation des avoirs de tiers ») :

« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour permettre la confiscation de produits ou de biens dont la valeur correspond à celle des produits qui ont été transférés, directement ou indirectement, à des tiers par un suspect ou une personne poursuivie ou qui ont été acquis par des tiers auprès d’un suspect ou d’une personne poursuivie, au moins dans les cas où ces tiers savaient ou auraient dû savoir que la finalité du transfert ou de l’acquisition était d’éviter la confiscation, sur la base d’éléments ou de circonstances concrets, notamment le fait que le transfert ou l’acquisition a été effectué gratuitement ou en échange d’un montant sensiblement inférieur à la valeur marchande.

Le paragraphe 1 ne porte pas atteinte aux droits de tiers de bonne foi ».

4. Le droit bulgare, le Nakazatelen kodeks (4)

12. L’article 53, paragraphe 1, est rédigé comme suit :

« 1) Indépendamment de la responsabilité pénale, sont confisqués au profit de l’État :

a) les choses appartenant au coupable destinées à être utilisées ou utilisées pour commettre une infraction pénale intentionnelle […] ;

b) les choses appartenant au coupable qui ont fait l’objet d’une infraction pénale intentionnelle – dans les cas expressément prévus dans la partie spéciale du présent code.

2) Sont également confisqués au profit de l’État :

a) les choses, objet ou de l’infraction pénale, dont la détention est interdite, et

b) les choses acquises grâce à l’infraction pénale, si elles ne doivent pas être remboursées ou restituées. Lorsque les choses acquises ont disparu ou ont été cédées, est confisqué un montant correspondant à leur valeur ».

13. L’article 242, paragraphe 8, prévoit la confiscation au profit de l’État du moyen utilisé pour le transport les biens objet de la contrebande, même si celui‑ci n’est pas la propriété de l’auteur de l’infraction, sauf si sa valeur ne correspond manifestement pas à la gravité de l’infraction.

II. Les faits du litige (selon la juridiction de renvoi) et les questions préjudicielles

14. OM travaillait pour une société turque de transports internationaux de marchandises à laquelle appartenait véhicule articulé qu’il conduisait pour un trajet prévu à travers différents pays de l’Union.

15. Au début du mois de juin 2018, un inconnu a contacté OM et lui a proposé, moyennant rémunération, de transporter en contrebande en Allemagne 2 940 pièces de monnaie anciennes (5), en profitant d’un trajet qu’il devait effectuer de la ville turque d’Istanbul à la ville allemande de Delmenhorst.

16. OM a accepté et, après avoir reçu les pièces de monnaie, les a placées dans un espace destiné à des bagages, outils et autres accessoires, qui est monté en série sous le siège du chauffeur, où il les a dissimulées entre différents objets.

17. Le matin du 12 juin 2018, OM a passé le poste frontière turc de « Kapakule » et est entré sur le territoire bulgare par le poste frontière « Kapitan Andreevo ». À ce poste frontière, le camion a été inspecté et la police des frontières à découvert les pièces de monnaie.

18. Les pièces de monnaie anciennes, le tracteur routier, la semi‑remorque, la clé de contact du véhicule...

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