Opinion of Advocate General Bobek delivered on 9 July 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:550
Date09 July 2020
Celex Number62019CC0463
CourtCourt of Justice (European Union)

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 9 juillet 2020 (1)

Affaire C463/19

Syndicat CFTC du personnel de la Caisse primaire d’assurance maladie de la Moselle

contre

Caisse primaire d’assurance maladie de Moselle,

En présence de :

Mission nationale de contrôle et d’audit des organismes de sécurité sociale

(Demande de décision préjudicielle du Conseil de prud’hommes de Metz (France))

« Demande de décision préjudicielle – Politique sociale – Directive 2006/54/EC – Égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail – Congé supplémentaire octroyé par la convention collective à la suite de la période de congé de maternité – Absence de droit au congé supplémentaire pour les salariés hommes – Dispositions relatives à la protection de la femme, notamment en ce qui concerne la grossesse et la maternité »






I. Introduction

1. En vertu de la convention collective française du personnel des organismes de sécurité sociale, la durée du congé de maternité légal peut être prolongée pour une période supplémentaire. Ce congé supplémentaire, exclusivement réservé aux femmes, peut avoir une durée d’un mois et demi à plein traitement, de trois mois à demi‑traitement ou d’un an sans solde. Il est également possible de renouveler le congé supplémentaire, dans certaines circonstances, pour une autre année, sans solde.

2. Dans l’affaire au principal, un syndicat a introduit un recours pour le compte d’un homme salarié d’un organisme de sécurité sociale. Ce salarié, qui est le père d’une petite fille, a demandé à bénéficier du congé supplémentaire. Il lui a été refusé au motif qu’il est un homme. Le syndicat affirme maintenant devant la juridiction nationale qu’un tel refus constitue une discrimination.

3. En 1984, la Cour a statué dans son arrêt Hofmann qu’un État membre peut, après expiration de la période du congé légal de maternité, réserver une période supplémentaire de congé de maternité aux femmes (2). Toutefois, compte tenu des changements substantiels qui se sont produits dans les domaines social et juridique au cours des 40 dernières années, y compris des développements majeurs dans des domaines voisins du droit social et des politiques de l’Union européenne, je suggère dans les présentes conclusions qu’il est nécessaire de fixer des limites à l’ouverture initiale effectuée avec l’affaire Hofmann. Il est temps de procéder à une mise à jour.

II. Le cadre légal

A. Droit de l’Union

4. Le considérant 24 de la directive 2006/54/CE (3) est rédigé comme suit : « [l]a Cour de justice a systématiquement reconnu qu’il était légitime, au regard du principe de l’égalité de traitement, de protéger une femme en raison de sa condition biologique pendant la grossesse et la maternité, de même que de prévoir des mesures de protection de la maternité comme moyen de parvenir à une réelle égalité entre les sexes ». Cette directive devrait donc s’entendre sans préjudice de la directive 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (4). En outre, cette directive devrait s’entendre sans préjudice de la directive 96/34/CE du Conseil, du 3 juin 1996, concernant l’accord‑cadre sur le congé parental conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES (5).

5. En vertu de l’article 1er de la directive 2006/54 :

« La présente directive vise à garantir la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.

À cette fin, elle contient des dispositions destinées à mettre en œuvre le principe de l’égalité de traitement en ce qui concerne :

(b) les conditions de travail, y compris les rémunérations ;

»

6. Aux fins de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/54, on entend par discrimination directe « la situation dans laquelle une personne est traitée de manière moins favorable en raison de son sexe qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable. »

7. En vertu de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2006/54, « Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe est proscrite dans les secteurs public ou privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne :

(c) les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement ainsi que la rémunération, comme le prévoit l’article 141 du traité ;

… »

8. En vertu de l’article 28 de la directive 2006/54 :

« 1. La présente directive ne fait pas obstacle aux dispositions relatives à la protection de la femme, notamment en ce qui concerne la grossesse et la maternité.

2. La présente directive s’entend sans préjudice des dispositions des directives 96/34/CE et 92/85/CEE. »

B. Le droit français

1. Le code du travail

9. L’article L 1225‑17 du Code du travail détermine les dispositions légales applicables au congé de maternité dans des circonstances ordinaires :

« Une salariée a le droit de bénéficier d’un congé de maternité pendant une période qui commence six semaines avant la date présumée de l’accouchement et se termine dix semaines après la date de celui‑ci.

À la demande de la salariée et sous réserve d’un avis favorable du professionnel de santé qui suit la grossesse, la période de suspension du contrat de travail qui commence avant la date présumée de l’accouchement peut être réduite d’une durée maximale de trois semaines. La période postérieure à la date présumée de l’accouchement est alors augmentée d’autant.

Lorsque la salariée a reporté après la naissance de l’enfant une partie du congé de maternité et qu’elle se voit prescrire un arrêt de travail pendant la période antérieure à la date présumée de l’accouchement, ce report est annulé et la période de suspension du contrat de travail est décomptée à partir du premier jour de l’arrêt de travail. La période initialement reportée est réduite d’autant. »

10. Les articles L 1225‑18 à L 1225‑23 du Code du travail adaptent la durée du congé de maternité à différentes circonstances spécifiques.

2. La convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale

11. La section L de la Convention collective nationale de travail du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957, ci‑après : la « CCN ») est intitulée « congés maternité ». Les articles 45 et 46 figurent dans cette section.

12. En vertu de l’article 45 de la CCN « Pendant la durée du congé légal de maternité, le salaire est maintenu aux agents comptant au moins six mois d’ancienneté. Il ne peut se cumuler avec les indemnités journalières dues à l’agent en tant qu’assuré social.

Ce congé n’entre pas en compte pour le droit aux congés de maladie et ne peut entraîner aucune réduction de la durée des congés annuels. »

13. L’article 46 de la CCN dispose comme suit :

« À l’expiration du congé prévu à l’article précédent, l’employée qui élève elle‑même son enfant a droit successivement :

– à un congé de trois mois à demi-traitement ou à un congé d’un mois et demi plein traitement ;

– à un congé sans solde d’un an.

Toutefois, lorsque l’employée est une femme seule ou lorsque son conjoint se trouve privé de ses ressources habituelles (invalidité, maladie de longue durée, service militaire), elle bénéficiera d’un congé de trois mois à plein salaire.

À l’expiration des congés prévus ci‑dessus, la bénéficiaire sera réintégrée de plein droit dans son emploi.

Exceptionnellement, le conseil d’administration pourra accorder le renouvellement pour un an du congé sans solde. Dans ce dernier cas, l’employée ne sera réintégrée que dans la limite des places disponibles pour lesquelles elle conservera une priorité d’embauche, soit dans son organisme, soit dans un organisme voisin, sous réserve des dispositions de l’article 16 ci‑dessus.

Au moment du renouvellement du congé, le conseil d’administration pourra dans des cas particuliers prendre un engagement formel de réintégration immédiate.

Le congé sans solde, visé au présent article, a les mêmes effets à l’égard des dispositions de la présente Convention et du régime de prévoyance que le congé prévu à l’article 40 ci‑dessus ».

III. Les faits, le litige au principal et la question préjudicielle

14. Par acte introductif d’instance du 27/12/2017, le syndicat confédération française des travailleurs chrétiens (ci‑après : la « CFTC ») de la caisse primaire d’assurance maladie de la Moselle (ci‑après : la « CPAM ») a assigné la CPAM devant le Conseil de prud’hommes de Metz (France).

15. La CFTC agit pour le compte d’un salarié de la CPAM, un homme qui est le père d’une petite fille. Il a demandé à bénéficier du congé supplémentaire (6) prévu par l’article 46 de la CCN. Cet avantage lui a été refusé par la CPAM au motif qu’il est réservé aux seules femmes.

16. La CFTC a demandé à la CPAM l’extension de l’article 46 CCN, afin d’inclure les salariés hommes. La CPAM a répondu que « l’application littérale de l’article 46 implique que le congé conventionnel dans le cadre d’une maternité n’est octroyé qu’à la mère (le terme “employée” est au féminin). Le père ne peut donc en bénéficier. Cet article n’est pas discriminatoire dans la mesure où l’article 46 est un accessoire de l’article 45 qui n’est octroyé qu’aux femmes. Un homme ne pouvant bénéficier de l’article 45, il ne peut bénéficier de l’article 46 ».

17. Devant le Conseil de prud’hommes, la CFTC a conclu à ce que le refus de la CPAM d’octroyer à son salarié le congé au titre de l’article 46 de la CCN soit jugé inopposable en raison de son caractère discriminatoire ; à ce que la CPAM soit condamnée à payer la somme de 4 661,83 euros à son salarié à titre d’indemnité ; et à ce que la CPAM soit condamnée à opérer un rattrapage salarial au titre de l’exercice 2016 à l’instar des salariés de l’organisme bénéficiaires de l’article 46 de la CCN.

18. La CPAM a demandé au...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT