Opinion of Advocate General Tanchev delivered on 29 October 2020.

JurisdictionEuropean Union
Celex Number62019CC0425
ECLIECLI:EU:C:2020:878
Date29 October 2020
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 29 octobre 2020 (1)

Affaire C425/19 P

Commission européenne

contre

République italienne,

Banca Popolare di Bari SCpA, anciennement Tercas-Cassa di risparmio della provincia di Teramo SpA (Banca Tercas SpA),

Fondo interbancario di tutela dei depositi,

Banca d’Italia

« Pourvoi – Aide d’État – Mesure adoptée par un consortium de droit privé entre banques en faveur d’un de ses membres – Notion d’aide d’État – Imputabilité à l’État – Ressources d’État »






Table des matières


I. Le cadre juridique

II. Les antécédents du litige

III. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

IV. La procédure devant la Cour de justice et les conclusions des parties

V. Analyse

A. Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE par le Tribunal et concernant la charge de la preuve qui incombe à la Commission pour établir qu’une mesure d’aide est imputable à l’État et qu’elle est accordée au moyen de ressources d’État

1. Arguments des parties

2. Appréciation

a) Sur la recevabilité

b) Sur le fond

1) Observations liminaires

2) Sur le premier moyen, pris en sa première branche

i) Sur le grief concernant la preuve de l’imputabilité à l’État d’une mesure d’aide

– Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas fixé un standard de preuve plus élevé lorsqu’une mesure d’aide est adoptée par une entité privée et non par une entreprise publique

– Si la Cour devait considérer que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a fixé un standard de preuve plus élevé dans le cas d’une mesure d’aide adoptée par une entité privée, il lui faudrait constater que, ce faisant, le Tribunal a commis une erreur de droit

– Si la Cour devait considérer que le grief concernant la preuve de l’imputabilité à l’État d’une mesure d’aide est fondé, elle n’en devrait pas moins rejeter ce grief comme inopérant

ii) Sur le grief concernant la preuve du financement d’une mesure d’aide au moyen de ressources d’État

3) Sur le premier moyen pris en sa seconde branche

B. Sur le second moyen, tiré de la dénaturation du droit national et des faits

1. Arguments des parties

2. Appréciation

a) Sur la recevabilité

b) Sur le fond

VI. Sur les dépens

VII. Conclusion


1. Par son pourvoi, la Commission européenne demande à la Cour d’annuler l’arrêt du 19 mars 2019, Italie e.a./Commission (ci‑après l’« arrêt attaqué ») (2), par lequel le Tribunal de l’Union européenne a prononcé l’annulation de la décision (UE) 2016/1208 de la Commission, du 23 décembre 2015, concernant l’aide d’État mise à exécution par l’Italie en faveur de Banca Tercas (ci‑après la « décision litigieuse ») (3).

2. Dans la décision litigieuse, la Commission a considéré que l’intervention d’un consortium de droit privé entre banques, le Fondo interbancario di tutela dei depositi (Fonds interbancaire de protection des dépôts, ci‑après le « FITD ») en faveur de Banca Tercas (Cassa di risparmio della Provincia di Teramo SpA) (ci‑après « Tercas »), qui avait fait l’objet, le 7 juillet 2014, d’une autorisation par la banque centrale de la République italienne, Banca d’Italia (ci‑après la « Banque d’Italie »), constituait une aide d’État illégale et incompatible qui devait être récupérée auprès de son bénéficiaire par la République italienne.

3. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli les recours en annulation de la décision litigieuse formés par la République italienne, Banca Popolare di Bari SCpA (ci‑après « BPB ») et par le FITD, au motif que les mesures en cause ne constituent pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Selon le Tribunal, la première des conditions pour qu’une mesure soit qualifiée d’aide d’État n’était pas remplie, dès lors que les mesures prises par le FITD en faveur de Tercas n’étaient ni imputables à l’État ni octroyées au moyen de ressources d’État.

4. Dès lors que l’entité accordant l’aide n’est ni un organisme de l’État ni une entreprise publique, mais une entité de droit privé, à savoir le FITD, la question est de savoir si l’imputabilité à l’État des mesures prises par cette entité ainsi que leur financement au moyen de ressources d’État doivent être appréciées de la même manière que lorsque c’est, notamment, une entreprise publique qui adopte la mesure d’aide, ou si la charge de la preuve incombant à la Commission est plus lourde. Cette question se trouve au cœur du présent pourvoi.

I. Le cadre juridique

5. Aux termes de l’article 96 ter de la loi italienne sur les banques (4) :

« 1. La Banque d’Italie, tenant compte de la protection des épargnants et de la stabilité du système bancaire :

a) reconnaît les systèmes de garantie et approuve leurs statuts, pour autant que ces systèmes ne présentent pas de caractéristiques de nature à entraîner une répartition déséquilibrée des risques d’insolvabilité sur le système bancaire ;

b) coordonne l’activité des systèmes de garantie avec la réglementation des crises bancaires et avec les opérations de supervision ;

[…]

d) autorise les interventions des systèmes de garantie et les exclusions des banques de ces systèmes ; […] ».

II. Les antécédents du litige

6. Tercas est une banque au capital privé dont les activités se déploient principalement dans la région des Abruzzes en Italie.

7. Le 30 avril 2012, sur proposition de la Banque d’Italie, qui avait relevé des irrégularités au sein de Tercas, le ministère de l’Économie et des Finances italien a décidé de mettre Tercas sous administration extraordinaire. La Banque d’Italie a nommé un commissaire extraordinaire chargé de gérer Tercas pendant l’administration extraordinaire (ci‑après le « commissaire extraordinaire »).

8. En octobre 2013, après avoir évalué différentes options, le commissaire extraordinaire a engagé des négociations avec BPB, société holding d’un groupe bancaire au capital privé dont les activités se déploient principalement dans le sud de l’Italie, qui avait exprimé son intérêt pour la souscription d’une augmentation de capital de Tercas, à condition que soit effectué un audit préalable de Tercas et que le FITD couvre entièrement le déficit patrimonial de cette banque.

9. Comme indiqué au point 2 des présentes conclusions, le FITD est un consortium de droit privé entre banques qui a pour but de garantir les déposants de ses membres. En 1996, suite à la transposition en droit italien de la directive 94/19/CE (5), le FITD a été reconnu par la Banque d’Italie comme l’un des systèmes de garantie des dépôts autorisés à opérer en Italie en application de ces règles.

10. En vertu de l’article 27 des statuts du FITD, dans leur version applicable en l’espèce (ci‑après les « statuts du FITD »), en cas de liquidation administrative forcée d’un de ses membres, le FITD intervient en remboursant les dépôts des déposants effectués auprès de celui‑ci, dans la limite de 100 000 euros par déposant.

11. Par ailleurs, le FITD dispose de la faculté d’intervenir en faveur de ses membres, non seulement au titre de la garantie mentionnée au point précédent (l’intervention obligatoire), mais aussi sur une base volontaire si cette intervention permet de réduire les charges susceptibles de résulter de la garantie des dépôts pesant sur ses membres (les interventions volontaires).

12. Ainsi, en vertu de l’article 28 des statuts du FITD, ce consortium peut, au lieu de procéder au remboursement prévu au titre de la garantie des dépôts des déposants en cas de liquidation administrative forcée de l’un de ses membres, intervenir dans des opérations de cession d’actifs et de passifs concernant ce membre (l’intervention volontaire alternative). De même, en vertu de l’article 29 des statuts du FITD, indépendamment de l’ouverture formelle d’une procédure de liquidation administrative forcée, ce consortium peut décider d’intervenir au moyen de financements, de garanties, de prises de participation ou par le biais d’autres formes techniques pour soutenir un de ses membres placé sous administration extraordinaire, lorsque des perspectives de redressement existent et qu’une charge moins lourde est à prévoir par rapport à celle découlant de l’intervention du FITD dans l’hypothèse d’une liquidation administrative forcée de ce membre (l’intervention volontaire de soutien ou préventive, comme pour Tercas).

13. Le 28 octobre 2013, à la suite d’une demande du commissaire extraordinaire de Tercas faite sur la base de l’article 29 des statuts du FITD, le comité de gestion du FITD a décidé d’aider Tercas pour un montant maximal de 280 millions d’euros. Cette décision a été ratifiée par le conseil du FITD le 29 octobre 2013. Le 4 novembre 2013, conformément à l’article 96 ter, paragraphe 1, sous d), de la loi italienne sur les banques, la Banque d’Italie a approuvé cette intervention de soutien.

14. Cela étant, bien qu’ayant obtenu l’autorisation de la Banque d’Italie, le FITD a décidé de suspendre l’intervention envisagée compte tenu d’incertitudes relatives à la situation économique et patrimoniale de Tercas et au traitement fiscal de cette intervention. En effet, le 18 mars 2014, à l’issue de l’audit sur les actifs de Tercas demandé par BPB, un désaccord était né entre les experts du FITD et de BPB. Ce désaccord a par la suite été réglé à l’issue d’une procédure d’arbitrage. En outre, le FITD et BPB se sont mis d’accord pour répartir les éventuelles charges découlant de l’imposition de l’intervention au cas où l’exonération fiscale envisagée ne serait pas appliquée.

15. À la suite de la suspension de l’intervention du 18 mars 2014 et pour s’assurer que l’intervention en faveur de Tercas était économiquement plus avantageuse que le remboursement des déposants de cette banque, le FITD a eu recours à un cabinet d’audit et de conseil. Au vu des conclusions présentées par ce cabinet dans un rapport du 26 mai 2014, et compte tenu du coût de l’intervention par rapport au coût d’une indemnisation au titre du système de garantie des dépôts en cas de liquidation, le comité...

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