Opinion of Advocate General Bobek delivered on 3 December 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:986
Date03 December 2020
Celex Number62019CC0470
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 3 décembre 2020 (1)

Affaire C470/19

Friends of the Irish Environment Ltd

contre

Commissioner for Environmental Information

en présence de :

The Courts Service of Ireland

[demande de décision préjudicielle formée par la High Court (Haute Cour, Irlande)]

« Renvoi préjudiciel – Accès aux informations environnementales détenues par les autorités publiques – Convention d’Aarhus – Directive 2003/4/EC – Notion d’“exercice de pouvoirs judiciaires” »






I. Introduction

1. Friends of the Irish Environment Ltd est une organisation non‑gouvernementale. Elle a demandé à avoir accès, en qualité de tiers, au dossier judiciaire d’une affaire clôturée relative à l’octroi d’un permis de construire en vue de la construction d’éoliennes dans le comté de Cork (Irlande). Cet accès lui a été refusé. La décision de rejet de sa demande indiquait que l’institution détenant le dossier judiciaire, qui était, conformément au droit national, le Courts Service of Ireland, le faisait dans l’exercice de « pouvoirs judiciaires » pour le compte du pouvoir judiciaire. Lorsqu’elle agissait en cette qualité, cette institution n’était pas une « autorité publique » au sens de la directive 2003/4/CE (2).

2. C’est dans ce contexte que la High Court (Haute Cour, Irlande) cherche à déterminer la portée de la notion de « pouvoirs judiciaires » aux fins de la définition de la notion d’« autorité publique » au sens de l’article 2, point 2, de la directive 2003/4. Plus généralement, il se pose la question de savoir dans quelle mesure les juridictions sont soumises aux obligations édictées par cette directive, et, partant, à celles qui sont édictées par la convention d’Aarhus, en matière d’octroi à des particuliers, à leur demande, d’un accès à des informations environnementales.

II. Le cadre juridique

A. Le droit international

3. La convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d'environnement (ci-après la « convention d’Aarhus ») est une convention internationale qui a pour objet d’accorder au public des droits et d’imposer à ses signataires et à leurs autorités publiques des obligations concernant l’accès à l’information, la participation du public et l’accès à la justice en matière d’environnement. Elle a été signée par ce qui était alors la Communauté européenne en 1998 et a par la suite été approuvée par la décision 2005/370/CE du Conseil (3).

4. Le préambule de la convention prévoit, notamment, ce qui suit :

« Cherchant par là à favoriser le respect du principe de l’obligation redditionnelle et la transparence du processus décisionnel et à assurer un appui accru du public aux décisions prises dans le domaine de l’environnement ;

Reconnaissant qu’il est souhaitable que la transparence règne dans toutes les branches de l’administration publique et invitant les organes législatifs à appliquer les principes de la présente convention dans leurs travaux ».

5. L’article 2 de la convention d’Aarhus définit l’expression « autorité publique » en ces termes :

« a) l’administration publique à l’échelon national ou régional ou à un autre niveau ;

b) les personnes physiques ou morales qui exercent, en vertu du droit interne, des fonctions administratives publiques, y compris des tâches, activités ou services particuliers en rapport avec l’environnement ;

c) toute autre personne physique ou morale assumant des responsabilités ou des fonctions publiques ou fournissant des services publics en rapport avec l’environnement sous l’autorité d’un organe ou d’une personne entrant dans les catégories visées aux points a) et b) ci‑dessus ;

d) les institutions de toute organisation d’intégration économique régionale visée à l’article 17 qui est partie à la présente convention.

La présente définition n’englobe pas les organes ou institutions agissant dans l’exercice de pouvoirs judiciaires ou législatifs. »

B. Le droit de l’Union

6. La directive 2003/4 a remplacé la directive 90/313/CEE (4) du Conseil afin d’aligner le droit de l’Union sur le texte de la convention d’Aarhus et de supprimer les disparités entre les dispositions législatives des États membres en matière d’accès aux informations environnementales détenues par les autorités publiques (5).

7. Aux termes de l’article 1er de la directive 2003/4, les objectifs de cette directive sont, premièrement, « de garantir le droit d’accès aux informations environnementales détenues par les autorités publiques ou pour leur compte et de fixer les conditions de base et les modalités pratiques de son exercice » et, deuxièmement, « de veiller à ce que les informations environnementales soient d’office rendues progressivement disponibles et diffusées auprès du public afin de parvenir à une mise à disposition et une diffusion systématiques aussi larges que possible des informations environnementales auprès du public ».

8. En vertu de l’article 2, point 2, de ladite directive, on entend par :

« “autorité publique” :

a) le gouvernement ou toute autre administration publique, y compris les organes consultatifs publics, au niveau national, régional ou local ;

b) toute personne physique ou morale qui exerce, en vertu du droit interne, des fonctions administratives publiques, y compris des tâches, activités ou services spécifiques en rapport avec l’environnement, et

c) toute personne physique ou morale ayant des responsabilités ou des fonctions publiques, ou fournissant des services publics, en rapport avec l’environnement, sous le contrôle d’un organe ou d’une personne visé(e) au point a) ou b).

Les États membres peuvent prévoir que la présente définition n’inclut pas les organes ou institutions agissant dans l’exercice de pouvoirs judiciaires ou législatifs. Les États membres peuvent exclure ces organes ou institutions si, à la date d’adoption de la présente directive, leurs dispositions constitutionnelles ne prévoient pas de procédure de recours au sens de l’article 6 ».

C. Le droit national

9. Les European Communities (Access to Information on the Environment) Regulations 2007‑2018 (S. I. nº 133 de 2007 et S. I. nº 309 de 2018) (ci‑après les « règlements AIE ») transposent les dispositions de la directive 2003/4 en droit irlandais. L’article 3, paragraphe 1, des règlements AIE transpose en substance l’article 2, point 2, de cette directive.

10. En vertu de l’article 3, paragraphe 2, des règlements AIE, l’Irlande exclut de la définition de l’« autorité publique » « tout organe agissant dans l’exercice de pouvoirs judiciaires ou législatifs ».

III. Les faits, la procédure au principal et la question préjudicielle

11. Le 25 février 2016, la High Court (Haute Cour) a rendu son jugement dans l’affaire Balz & Heubach v An Bord Pleanala ([2016] IEHC 134). Cette affaire portait sur la contestation de la délivrance, par un organisme public, d’un permis de construire en vue de la construction d’éoliennes dans le comté de Cork (Irlande).

12. Le 9 juillet 2016, Friends of the Irish Environment (ci‑après la « requérante ») a écrit au Central Office of the High Court (greffe de la Haute Cour, Irlande) pour demander des copies des mémoires, des déclarations sous serment, des pièces et des observations écrites déposés par toutes les parties ainsi que des ordonnances définitives dans cette affaire (ci‑après le « dossier judiciaire »). Cette demande a été introduite en application de la convention d’Aarhus, de la directive 2003/4 et des règlements AIE. À la date de cette demande, aucun appel dirigé contre le jugement Balz & Heubach v An Bord Pleanala n’était pendant.

13. La gestion du greffe de la High Court (Haute Cour) est confiée à un greffier nommé par le Courts Service of Ireland (Service des juridictions, Irlande). Après consultation du président de la High Court, le Service des juridictions a rejeté la demande de la requérante le 13 juillet 2016. Il a notamment fondé cette décision sur le fait que les règlements AIE ne couvraient pas « les procédures judiciaires ou les documents juridiques produits dans des procédures judiciaires ».

14. Le 18 juillet 2016, la requérante a demandé au Service des juridictions de réexaminer sa décision. N’ayant pas reçu de réponse dans un délai déterminé, la requérante était autorisée à former un recours devant le Commissioner for Environmental Information (commissaire à l’information environnementale, Irlande, ci‑après le « défendeur »). Elle a introduit son recours le 15 septembre 2016.

15. Le 19 juin 2017, le défendeur a écrit à la requérante qu’une décision avait déjà été rendue dans une affaire similaire (affaire CEI/15/0008, An Taisce & The Courts Service). Tout en soulignant que chaque affaire serait examinée sur le fond, le défendeur a demandé à la requérante d’indiquer les éventuelles raisons qui justifieraient une décision différente en ce qui concerne sa demande d’accès au dossier judiciaire dans l’affaire Balz & Heubach v An Bord Pleanala.

16. Dans sa réponse du 26 juillet 2017, la requérante a communiqué les motifs pour lesquels elle maintenait son recours.

17. Le 31 juillet 2017, le défendeur a rejeté le recours. Il a conclu que le Service des juridictions détenait les dossiers demandés, y compris ceux qui étaient afférents à une procédure clôturée, dans le cadre de son action dans l’exercice de pouvoirs judiciaires pour le compte du pouvoir judiciaire. Partant, le Service des juridictions n’était pas une « autorité publique » au sens de l’article 3, paragraphe 1, des règlements AIE.

18. La requérante a attaqué cette décision devant la High Court (Haute Cour). Elle considère que la dérogation en faveur des organes ou institutions agissant dans l’exercice de « pouvoirs judiciaires », qui est prévue à l’article 2, point 2, de la directive 2003/4 et qui a été transposée à l’article 3, paragraphe 1, des règlements AIE, ne couvre pas les dossiers d’affaires clôturées.

19. Éprouvant des...

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