Opinion of Advocate General Tanchev delivered on 18 March 2021.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2021:217
Date18 March 2021
Celex Number62019CC0282
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 18 mars 2021 (1)

Affaire C282/19

YT,

ZU,

AW,

BY,

CX,

DZ,

EA,

FB,

GC,

IE,

JF,

KG,

LH,

MI,

NY,

PL,

HD,

OK

contre

Ministero dell’Istruzione, dell’Università e della Ricerca - MIUR,

Ufficio Scolastico Regionale per la Campania,

en présence de :

Federazione GILDA-UNAMS

[Demande de décision préjudicielle du Tribunale di Napoli (tribunal de Naples, Italie)]

(Renvoi préjudiciel – Travail à durée déterminée – Directive 1999/70/CE – Contrats conclus avec des professeurs de religion catholique du secteur public – Absence de mesures visant à prévenir le recours abusif aux contrats à durée déterminée – Clause 5, point 1, de l’accord-cadre annexé à la directive 1999/70/CE – Raisons objectives justifiant le renouvellement de contrats à durée déterminée – Droit à un recours effectif – Article 17, paragraphe 1, TFUE sur le statut des groupes religieux – Articles 20, 21 et 47 de la charte des droits fondamentaux – Obstacles constitutionnels à l’application du droit de l’Union)






1. Le présent renvoi préjudiciel du Tribunale di Napoli (Tribunal de Naples, Italie, ci‑après la « juridiction de renvoi ») s’inscrit dans le cadre d’une série d’affaires concernant le recours à des contrats d’emploi à durée déterminée dans le secteur public en Italie et concernant les règles nationales qui font obstacle à leur conversion en contrats à durée indéterminée (2). Elle relève d’un sous-groupe de renvois préjudiciels, à savoir ceux qui concernent l’emploi des enseignants dans les écoles publiques (3), bien qu’elle concerne également la question de l’incidence sur l’issue du litige de l’article 17, paragraphe 1, TFUE, en vertu duquel l’Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les églises et les associations ou communautés religieuses dans les États membres. Cette question se pose parce que les requérants dans le litige au principal enseignent la religion catholique dans des écoles publiques italiennes.

2. Je suis arrivé à la conclusion que la situation de fait qui fait l’objet du litige au principal ne relève pas de la protection conférée aux organisations religieuses par l’article 17, paragraphe 1, TFUE eu égard à leur statut en vertu du droit national. Cela étant posé, la solution du litige au principal peut être trouvée dans la jurisprudence constante de la Cour relative à la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (4) (ci‑après l’« accord-cadre »), telle qu’interprétée à la lumière de l’interdiction de toute discrimination fondée sur la religion ou les convictions, consacrée à l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »), et du droit à un recours effectif, en vue de le faire respecter, au titre de l’article 47, paragraphe 1, de cette dernière (5).

3. La juridiction de renvoi a deux préoccupations majeures. Premièrement, elle se demande si les faits du litige au principal font apparaître des « raisons objectives » de justifier le recours aux contrats à durée déterminée, au sens de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre. Deuxièmement, la juridiction de renvoi voudrait savoir si l’interdiction de convertir les contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, prévue par le droit de l’État membre et affirmée par la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle, Italie) (6), est compatible avec la clause 5 de l’accord-cadre ou si elle est, d’une autre façon, incompatible avec le droit de l’Union, y compris l’article 21 de la Charte.

4. Je suis arrivé à la conclusion que les faits du litige au principal ne font apparaître aucune question de nature à affecter le « statut » de l’Église catholique au sens de l’article 17, paragraphe 1, TFUE et qu’il n’existait aucune « raison objective », au sens de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre, de nature à justifier le recours à une succession de contrats à durée déterminée.

5. Étant donné cependant que les conditions pour que la clause 5, point 1, de l’accord-cadre ait un effet direct ne sont pas réunies (7) et qu’il apparaît sans aucune équivoque que la conversion en contrats à durée indéterminée des contrats à durée déterminée des requérants est exclue en vertu du droit de l’État membre (8), l’obligation imposée à la juridiction de l’État membre par la jurisprudence de la Cour d’interpréter les règles pertinentes du droit de manière à assurer l’effet utile de la clause 5 (9) ne va pas jusqu’à exiger une interprétation contra legem du droit de l’État membre qui mettrait en péril la sécurité juridique ou le principe de non rétroactivité (10).

6. La juridiction de renvoi ne sera donc tenue de convertir en contrats à durée indéterminée les contrats à durée déterminée des requérants que si leur droit à ne pas être discriminés sur la base de leur religion ou de leurs convictions, consacré à l’article 21 de la Charte, et leur droit à un recours effectif, pour remédier à cette atteinte à leur droit, au titre de l’article 47 de ladite Charte, ont été enfreints, et cela conformément aux principes établis par la Cour dans son arrêt Egenberger (11). Si une telle violation est établie, le droit de l’Union exige que l’interdiction de convertir les contrats à durée déterminée soit écartée, en l’absence, dans la structure du système juridique national en cause, de l’une ou l’autre voie de droit (12) qui rende possible d’assurer, même indirectement, le respect des droits des requérants consacrés aux articles 21 et 47 de la Charte (13).

I. Cadre juridique

A. Le droit de l’Union

7. L’article 17, paragraphe 1, TFUE indique :

« L’Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les églises et les associations ou communautés religieuses dans les États membres. »

8. La clause 5 de l’accord-cadre est intitulée « Mesures visant à prévenir l’utilisation abusive ». Son paragraphe 1 dispose :

« Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes :

a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail ;

b) la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs ;

c) le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail. »

B. Le droit de l’État membre

9. L’article 3 de la Legge nº 186 – Norme sullo stato giuridico degli insegnanti di religione cattolica degli istituti e delle scuole di ogni ordine e grado (loi nº 186 relative au statut juridique des enseignants de religion catholique des établissements et des écoles de tout type et de tout niveau), du 18 juillet 2003 (GURI nº 170, du 24 juillet 2003, ci‑après la « loi nº 186/2003 ») prévoit, en son paragraphe 3, que les candidats au concours à un poste d’enseignement de la religion catholique doivent être en possession du titre d’aptitude délivré par l’ordinaire diocésain territorialement compétent. En vertu de l’article 3, paragraphe 8, de la même loi, le recrutement des candidats retenus par voie de contrat de travail à durée indéterminée est décidé par le directeur régional, en concertation avec l’ordinaire diocésain territorialement compétent. En vertu du paragraphe 9 du même article, la révocation du titre d’aptitude par l’ordinaire diocésain compétent est un motif de résolution de la relation de travail.

10. L’article 5, paragraphe 4 bis, du Decreto legislativo nº 368 – Attuazione della direttiva 1999/70 relativa all’accordo quadro sul lavoro a tempo determinato concluso dall’UNICE, dal CEEP e dal CES (décret législatif nº 368 portant transposition de la directive 1999/70/CE concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée), du 6 septembre 2001 (GURI nº 235, du 9 octobre 2001, ci‑après le « décret législatif nº 368/2001 ») disposait :

« [...] lorsque, par l’effet d’une succession de contrats à durée déterminée pour l’exercice de fonctions équivalentes, la relation de travail entre le même employeur et le même employé dépasse, globalement, la durée de trente-six mois, y compris les prorogations et les renouvellements, indépendamment des périodes d’interruption entre les contrats, la relation de travail est considérée comme étant à durée indéterminée [...]. » (14)

11. L’article 10, paragraphe 4 bis, du décret législatif nº 368/2001 excluait l’application de l’article 5, paragraphe 4 bis, du même décret aux contrats à durée déterminée conclus pour pourvoir au remplacement de personnel enseignant et du personnel administratif, technique et auxiliaire compte tenu de la nécessité de garantir la continuité du service scolaire et éducatif (15).

12. L’article 36, paragraphe 1, du Decreto legislativo nº 165 – Norme generali sull’ordinamento del lavoro alle dipendenze delle amministrazioni pubbliche (décret législatif nº 165, portant règles générales relatives à l’organisation du travail dans les administrations publiques), du 30 mars 2001 (supplément ordinaire au GURI nº 106 du 9 mai 2001 ; ci‑après le « décret législatif nº 165/2001 ») prévoit que, de façon générale, les administrations publiques recrutent exclusivement par voie de contrats à durée indéterminée. Toutefois, en vertu du paragraphe 2 du même article, les administrations publiques peuvent, afin de répondre à des exigences à caractère temporaire ou exceptionnel, avoir recours à des formes de contrat...

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