Opinion of Advocate General Szpunar delivered on 12 January 2023.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2023:17
Date12 January 2023
Celex Number62021CC0513
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 12 janvier 2023 (1)

Affaire C513/21 P

DI

contre

Banque centrale européenne

« Pourvoi – Personnel de la Banque centrale européenne (BCE) – Conditions d’emploi – Autorité compétente – Délégation – Procédure disciplinaire – Résiliation du contrat de travail du requérant – Recours en annulation et indemnité »






I. Introduction

1. Par son pourvoi, DI demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 juin 2021, DI/BCE (T‑514/19, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:332), rejetant son recours fondé sur l’article 270 TFUE et l’article 50 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne par lequel DI visait, en premier lieu, à faire annuler la décision de la Banque centrale européenne (BCE) du 7 mai 2019 le licenciant sans préavis pour motif disciplinaire (ci-après la « décision de licenciement ») et la décision de la BCE du 25 juin 2019 refusant de rouvrir la procédure (ci-après, prises ensemble avec la décision de licenciement, les « décisions litigieuses »), en deuxième lieu, à ce que sa réintégration soit ordonnée à compter du 11 mai 2019 et, en troisième lieu, à la réparation du préjudice moral qu’il aurait prétendument subi du fait des décisions litigieuses et en raison de la durée de la procédure disciplinaire.

2. Conformément à la demande de la Cour, les présentes conclusions se limiteront à l’analyse du premier moyen du pourvoi. Ce moyen est tiré d’une erreur de droit que le Tribunal aurait commise en rejetant l’un des moyens du recours en annulation, relatif à l’incompétence de l’auteur des décisions litigieuses.

3. En substance, par son premier moyen, le requérant soutient que, selon la réglementation applicable en l’espèce, les décisions litigieuses auraient dû être prises par un délégataire agissant pour le compte d’un délégant, tandis que, en l’espèce, ces décisions ont été prises par le délégant lui-même. Ce moyen donne à la Cour l’occasion de se pencher sur le système d’habilitation mis en œuvre au sein de la BCE et, de manière plus générale, sur la problématique d’une délégation intra-institutionnelle en matière de gestion du personnel.

II. Le cadre juridique

A. Les statuts du SEBC

4. Le protocole (nº 4) sur les statuts du Système européen de banques centrales (SEBC) et de la BCE, annexé au traité UE et au traité FUE (ci-après les « statuts du SEBC »), dispose, à son article 12.3 :

« Le conseil des gouverneurs adopte un règlement intérieur déterminant l’organisation interne de la BCE et de ses organes de décision. »

5. Aux termes de l’article 36.1 des statuts du SEBC :

« Le conseil des gouverneurs arrête, sur proposition du directoire, le régime applicable au personnel de la BCE. »

B. Les conditions d’emploi

6. Sur le fondement de l’article 36.1 des statuts du SEBC, le conseil des gouverneurs a adopté la décision du 9 juin 1998 relative à l’adoption des conditions d’emploi du personnel de la Banque centrale européenne, modifiée le 31 mars 1999 (2). L’article 44 des conditions d’emploi, dans leur version applicable aux faits litigieux (ci-après les « conditions d’emploi »), prévoit :

« Les sanctions disciplinaires suivantes peuvent être prises, selon le cas, à l’égard de membres du personnel ou d’anciens membres du personnel auxquels les présentes conditions d’emploi sont applicables qui, intentionnellement ou par négligence, manquent à leurs obligations professionnelles :

[...]

ii) le directoire peut en outre imposer une des sanctions suivantes :

[...]

– le licenciement avec ou sans préavis [...] ;

– la suppression totale ou partielle, temporaire ou permanente, du droit d’un membre du personnel bénéficiant d’une pension de retraite ou d’une allocation d’invalidité, à bénéficier d’une telle pension ou allocation [...]

[...] »

C. Le règlement intérieur

7. Sur le fondement de l’article 12.3 des statuts du SEBC, le conseil des gouverneurs a adopté le règlement intérieur de la BCE (ci-après le « règlement intérieur »).

8. L’article 10.2 de ce règlement intérieur prévoit que l’ensemble des services de la BCE sont placés sous la direction du directoire.

9. Sous le titre « Conditions d’emploi », l’article 21 dudit règlement intérieur disposait, dans sa version applicable jusqu’en 2004, qui n'a pas fait l’objet depuis lors de modifications susceptibles d'affecter le raisonnement exposé dans les présentes conclusions :

« 21.1. Les relations de travail entre la BCE et son personnel sont définies par les conditions d’emploi et les règles applicables au personnel.

21.2. Le conseil des gouverneurs, sur proposition du directoire, approuve et modifie les conditions d’emploi. Le conseil général est consulté conformément à la procédure prévue par le présent règlement intérieur.

21.3. Les conditions d’emploi trouvent leur application dans les règles applicables au personnel, qui sont adoptées et modifiées par le directoire.

21.4. Les représentants du personnel sont consultés préalablement à l’adoption de nouvelles conditions d’emploi ou de nouvelles règles applicables au personnel. Leur avis est soumis au conseil des gouverneurs ou au directoire. »

D. Les règles applicables au personnel

10. Sur le fondement de l’article 21.3 du règlement intérieur et de l’article 9, sous a), des conditions d’emploi, le directoire de la BCE a adopté les « European Central Bank Staff Rules » (ci-après les « règles applicables au personnel »), dont l’article 8.3.17 prévoit :

« Le secrétaire général des services, agissant pour le compte du directoire, pour les membres du personnel situés au grade de salaire I ou en dessous, ou le directoire, pour les membres du personnel situés au-dessus du grade de salaire I, décide de la sanction disciplinaire la plus appropriée [...] »

III. Les antécédents du litige

11. Les antécédents du litige ont été exposés aux points 1 à 26 de l’arrêt attaqué dans les termes suivants :

« 1. Le requérant, DI, a rejoint le personnel de la [BCE] en 1999 [...]

2. Par plusieurs notes échelonnées du 13 décembre 2013 au 23 novembre 2015, la société gestionnaire du régime d’assurance santé de la BCE (ci-après la “société A”) a informé celle-ci de deux séries de faits. D’une part, le requérant lui aurait irrégulièrement soumis pour remboursement des factures de physiothérapie, alors que celles-ci auraient été fournies par B, une esthéticienne, et, d’autre part, il lui aurait également demandé le remboursement de faux reçus de frais pharmaceutiques.

[...]

4. Par décision du 21 octobre 2014, le directoire de la BCE a décidé de suspendre le requérant de ses fonctions et de retenir, pour une période maximale de quatre mois, 30 % de son salaire de base à compter du mois de novembre 2014. Cette décision était motivée par les informations fournies par la société A et par la nécessité de préserver l’enquête pénale et les suites disciplinaires.

[...]

6. Après audition du requérant le 3 février 2016, la direction générale (DG) “Ressources humaines, budget et organisation” de la BCE a établi, le 8 septembre 2016, un “rapport sur un éventuel manquement aux obligations professionnelles” (ci-après le “rapport nº 1”), au titre de l’article 8.3.2 des [règles applicables au personnel]. Ce rapport retenait deux séries de faits à la charge du requérant. En premier lieu, du 12 novembre 2009 au 29 septembre 2014, le requérant aurait présenté à la société A 86 factures relatives à des séances de physiothérapie prodiguées par B à son épouse, à leurs enfants, ainsi qu’à lui-même pour un montant de 61 490 euros, dont il aurait obtenu un remboursement à concurrence de 56 041,09 euros, alors que B ne serait pas physiothérapeute mais esthéticienne. En second lieu, entre février 2009 et septembre 2013, le requérant aurait également présenté frauduleusement à la société A des reçus de pharmacies manuscrits pour un montant total de 21 289,08 euros, dont elle aurait remboursé 19 427,86 euros.

[...]

8. Le 18 novembre 2016, le secrétaire général des services de la BCE “agissant [pour le compte] du directoire” a ouvert une procédure disciplinaire contre le requérant pour un manquement présumé à ses obligations professionnelles nécessitant la saisine du comité de discipline et a demandé à ce dernier de rendre un avis conformément à l’article 8.3.15 des règles applicables au personnel. Ouverte au vu du rapport nº 1, cette procédure portait sur les faits relatifs aux factures de physiothérapie et aux reçus de pharmacies.

9. Le comité de discipline a échangé plusieurs courriers avec le requérant et l’a entendu le 13 février 2017.

10. Le 5 septembre 2017, la DG “Ressources humaines, budget et organisation” de la BCE a établi un second “rapport sur un éventuel manquement aux obligations professionnelles” au sens de l’article 8.3.2 des règles applicables au personnel (ci-après le “rapport nº 2”). Ce rapport concernait des factures de soutien scolaire pour les deux enfants du requérant dont celui-ci avait demandé le remboursement au titre de l’article 3.8.4 des règles applicables au personnel en 2010, 2012 et 2014 et, de nouveau, en janvier 2017. Selon ce rapport, il existait un soupçon raisonnable que les factures émises par la répétitrice C au titre du soutien scolaire ne fussent pas sincères et véritables.

11. Au vu du rapport nº 2, le secrétaire général des services, “agissant [pour le compte] du directoire”, a décidé, le 19 septembre 2017, d’étendre à ces faits le mandat du comité de discipline.

[...]

13. Le comité de discipline a entendu le requérant et son épouse le 17 octobre 2017.

[...]

15. Le 11 avril 2018, le comité de discipline a rendu son avis. Tout d’abord, il a considéré que l’inauthenticité des factures de physiothérapie n’était pas suffisamment établie, mais que le requérant savait que B n’était pas une physiothérapeute mais une esthéticienne, ou qu’il aurait à tout le moins dû s’interroger sur sa qualification. Ensuite, le comité de discipline a estimé que les faits à l’origine des reproches...

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