Hans-Hermann Mietz v Intership Yachting Sneek BV.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1997:468
Docket NumberC-99/96
Celex Number61996CC0099
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date08 October 1997
EUR-Lex - 61996C0099 - FR 61996C0099

Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 8 octobre 1997. - Hans-Hermann Mietz contre Intership Yachting Sneek BV. - Demande de décision préjudicielle: Bundesgerichtshof - Allemagne. - Convention de Bruxelles - Notion de mesures provisoires - Construction et livraison d'un yacht à moteur. - Affaire C-99/96.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-02277


Conclusions de l'avocat général

1 Le Bundesgerichtshof vous interroge à titre préjudiciel, en vertu de l'article 3 du protocole du 3 juin 1971 (1), sur l'interprétation des articles 13, premier alinéa, points 1 et 3, 24, 28, deuxième alinéa, et 34, deuxième alinéa, de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (2), telle que modifiée par les conventions d'adhésion de 1978 (3) et de 1982 (4) (ci-après la «convention» ou la «convention de Bruxelles»).

Cadre juridique: les dispositions pertinentes de la convention de Bruxelles

2 Rappelons que la convention de Bruxelles met en place un système unifié de détermination des compétences judiciaires (titre II), accompagné d'un mécanisme simplifié de reconnaissance et d'exécution des décisions émanant des autorités judiciaires des États contractants (titre III), rendues dans le champ des matières couvertes par la convention (titre I).

3 On le sait, l'article 2, premier alinéa, attribuant une compétence générale de principe aux juridictions de l'État dans lequel le défendeur a son domicile, ce n'est que par dérogation à ce principe général, dans les cas limitativement énumérés par les sections 2 à 6 du titre II, que le défendeur peut, dans l'hypothèse d'une compétence spéciale, en raison du lien de proximité unissant un tribunal déterminé à un litige (section 2: articles 5 à 6 bis), ou doit, dans l'hypothèse d'une compétence exclusive (section 5: article 16) ou d'une prorogation volontaire de compétence (section 6: articles 17 et 18), être attrait, le cas échéant, devant une juridiction d'un autre État contractant.

4 Les règles contenues dans les sections 3 et 4 du titre II s'inscrivent comme des systèmes de compétence indépendants de celui qui est établi par l'article 2 et ses exceptions (5). Il s'agit de règles protectrices de parties réputées faibles, déterminant respectivement les compétences en matière d'assurances et de contrats conclus par les consommateurs.

5 Le bénéfice des règles protectrices prévues à la section 4 du titre II est subordonné à la réunion de deux conditions cumulatives. D'une part, celui qui les invoque doit être un «consommateur» au sens de l'article 13, premier alinéa, c'est-à-dire une personne ayant agi «pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle». D'autre part, le contrat conclu par le consommateur doit être de ceux énumérés aux points 1 à 3 de cette disposition. Sont visées les hypothèses suivantes:

«1. lorsqu'il s'agit d'une vente à tempérament d'objets mobiliers corporels;

2. lorsqu'il s'agit d'un prêt à tempérament ou d'une autre opération de crédit liés au financement d'une vente de tels objets;

3. pour tout autre contrat ayant pour objet une fourniture de services ou d'objets mobiliers corporels si:

a) la conclusion du contrat a été précédée dans l'État du domicile du consommateur d'une proposition spécialement faite ou d'une publicité;

et que

b) le consommateur a accompli dans cet État les actes nécessaires à la conclusion de ce contrat».

6 Si ces conditions sont réunies, conformément à l'article 14, deuxième alinéa, le consommateur ne peut être attrait que devant les tribunaux de l'État contractant sur le territoire duquel il est domicilié.

7 Dans le cadre de l'énoncé des dispositions pertinentes de la convention en matière de compétence, mentionnons également l'article 18, qui permet la prorogation de compétence découlant de la seule comparution du défendeur. Cet article est ainsi rédigé:

«Outre les cas où sa compétence résulte d'autres dispositions de la présente convention, le juge d'un État contractant devant lequel le défendeur comparaît est compétent. Cette règle n'est pas applicable si la comparution a pour objet de contester la compétence ou s'il existe une autre juridiction compétente en vertu de l'article 16.»

Le principe est donc que la comparution du défendeur a un effet attributif de compétence: une juridiction en principe incompétente devient compétente si le défendeur comparaît.

En revanche, cette disposition ne trouvera pas application dans deux hypothèses. Si le litige porte sur une matière étroitement rattachée au territoire d'un État contractant, telle que les droits réels immobiliers, la compétence exclusive prévue à l'article 16 empêche le jeu de l'article 18. Par ailleurs, la comparution du défendeur n'entraîne pas d'effet attributif de compétence si elle a pour objet de soulever une exception d'incompétence de la juridiction saisie. Tel est le cas si le défendeur comparaît uniquement pour contester la compétence du juge saisi, sans aborder le fond. Tel est également le cas lorsque le défendeur comparaît pour contester et la compétence et le fond (6). Dans cette dernière hypothèse, la défense au fond doit cependant être présentée à titre subsidiaire pour empêcher le jeu de l'article 18 (7).

8 La dernière disposition du titre II susceptible d'intéresser la présente affaire est l'article 24, qui autorise un juge qui n'est pas compétent sur le fond à prendre des «mesures provisoires ou conservatoires», dans le champ des matières couvertes par la convention, si le demandeur choisit de s'adresser à lui plutôt qu'au juge d'un autre État contractant, compétent sur le fond. Cet article se lit comme suit:

«Les mesures provisoires ou conservatoires prévues par la loi d'un État contractant peuvent être demandées aux autorités judiciaires de cet État, même si, en vertu de la présente convention, une juridiction d'un autre État est compétente pour connaître du fond.»

9 Le titre III, relatif à la reconnaissance et à l'exécution des décisions, vise à assurer la «libre circulation des jugements» dans le Marché commun (8). Conformément à cet objectif, les articles 31 et suivants instaurent une procédure d'exécution sommaire, simplifiée par rapport aux procédures ordinaires d'exequatur, visant à limiter les exigences auxquelles peut être soumise, dans un État contractant, l'exécution des décisions rendues dans un autre État contractant.

10 Dans cette logique, la première phase de la procédure n'est pas contradictoire (article 34, premier alinéa).

11 En outre, le principe est que l'exequatur est accordé sans que le juge requis puisse procéder à un contrôle de la compétence du juge d'origine (article 28, troisième alinéa) (9).

12 Ce n'est qu'à titre exceptionnel qu'un tel contrôle est maintenu, notamment lorsque sont en cause certaines règles de compétence. C'est ainsi que, conformément à l'article 34, deuxième alinéa, «La requête ne peut être rejetée que pour l'un des motifs prévus aux articles 27 et 28».

En particulier, par application de l'article 28, premier alinéa, l'exequatur ne peut être accordé aux décisions rendues en méconnaissance des dispositions relatives à la compétence en matière d'assurances (section 3: articles 7 à 12 bis), ou en matière de contrats conclus par des consommateurs (section 4: articles 13 à 15), ou encore des règles de compétence exclusives de l'article 16 (section 5).

Dans le cadre de cette appréciation des compétences mentionnées à l'article 28, premier alinéa, «l'autorité requise est liée par les constatations de fait sur lesquelles la juridiction de l'État d'origine a fondé sa compétence» (article 28, deuxième alinéa).

13 Enfin, conformément à l'article 34, troisième alinéa, «En aucun cas la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond».

Cadre factuel et procédural

14 Le litige au principal porte sur l'exécution d'un contrat conclu entre Intership Yachting Sneek BV, la créancière, société de droit néerlandais, dont le siège est à Sneek (Pays-Bas) et M. Mietz, le débiteur, domicilié à Lüchow (Allemagne), où il exploite une entreprise de construction et un commerce de matériaux de construction.

15 Les parties sont convenues que le débiteur se porterait acquéreur d'un bateau Intership modèle 1150 G. Il était prévu que ce bateau fasse l'objet de modifications substantielles (10) avant sa livraison définitive. Le montant total de la transaction, de 250 000 DM, était payable en cinq tranches successives, toutes dues avant ladite livraison (11). Cet accord a été consigné par les parties dans un document écrit, qualifié de «contrat de vente», signé à Sneek (Pays-Bas).

16 Le débiteur ayant laissé en souffrance certains versements, la créancière a obtenu du président de l'Arrondissementsrechtbank de Leeuwarden, juridiction néerlandaise compétente en référé, à l'issue d'une procédure, contradictoire, de «kort geding» (12), un jugement exécutoire par provision, du 12 mai 1993, ordonnant le recouvrement d'une partie de ses créances (soit une somme représentant à peu près les deux tiers du montant total dû).

17 L'exequatur de ce jugement ayant été accordé en Allemagne par le Landgericht de Lüneburg, le débiteur a fait opposition devant l'Oberlandesgericht.

18 A l'appui de ce recours, il a contesté, pour la première fois (13), la compétence du juge d'origine, néerlandais, qui aurait statué en méconnaissance des dispositions protectrices des consommateurs, prévues aux articles 13 et 14 de la convention, attribuant compétence aux juridictions, allemandes, de son domicile. Dès lors, le juge requis, constatant, à l'occasion du contrôle de la compétence du juge d'origine, la violation de ces dispositions, ne pourrait, conformément à l'article 34, deuxième alinéa, opérant un renvoi à l'article 28, premier alinéa, accorder l'exequatur sollicité en Allemagne.

19 Pour prétendre au bénéfice des dispositions...

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