Servizi Ausiliari Dottori Commercialisti Srl v Giuseppe Calafiori.
Jurisdiction | European Union |
Celex Number | 62003CC0451 |
ECLI | ECLI:EU:C:2005:410 |
Docket Number | C-451/03 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Procedure Type | Reference for a preliminary ruling |
Date | 28 June 2005 |
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. DÁMASO Ruiz-Jarabo Colomer
présentées le 28 juin 2005 (1)
Affaire C-451/03
Servizi Ausiliari Dottori Commercialisti Srl
contre
Giuseppe Calafiori
[demande de décision préjudicielle présentée par la Corte d’appello di Milano (Italie)]
«Article 43 CE – Droit d’établissement – Articles 82 CE et 86 CE – Libre concurrence – Abus de position dominante – Article 87 CE – Aides d’État – Réglementation nationale instituant en faveur de certaines organisations un droit exclusif d’exercer certaines activités de consultation et d’assistance fiscale aux salariés et aux petites entreprises pour la déclaration de l’impôt sur le revenu»
1. L’ordre juridique italien confie à certaines entités déterminées qu’elle rémunère parfois au moyen de fonds publics l’exercice de certaines activités dans la gestion de l’impôt sur le revenu de quelques catégories d’assujettis.
2. La Corte d’appello di Milano (Italie) doute de la compatibilité de ce système avec le droit communautaire, de sorte qu’elle s’est adressée à la Cour de justice en lui posant trois questions pour qu’elle dissipe les doutes en la matière. Elle souhaite savoir si ce régime constitue un abus de position dominante (première question), s’il est contraire aux libertés d’établissement et de prestation de services (deuxième question) et, enfin, s’il comporte de véritables aides d’État (troisième question).
I – Le droit communautaire
A – Sur la libre concurrence
3. Les objectifs énoncés à l’article 2 CE doivent être atteints, d’après les articles 4 CE et 98 CE, par le développement d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre dans le cadre de la coopération loyale évoquée par l’article 10 CE.
4. Conformément à ces objectifs, l’article 86 du traité CE (devenu article 82 CE) interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci.
5. L’article 90 du traité CE (devenu article 86 CE) interdit aux États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, de maintenir ou d’édicter des mesures contraires aux règles du traité CE et, pour ce qui nous importe en l’espèce, à la libre concurrence.
6. L’interdiction, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, d’aides publiques qui «faussent ou qui menacent de fausser la concurrence» en favorisant certaines entreprises ou certaines productions est une condition préalable à cette exigence, formulée à l’article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE). Le paragraphe 2 énumère les aides de cette nature qui sont autorisées par dérogation et le paragraphe 3, celles qui peuvent être considérées comme étant compatibles avec le marché commun.
B – Sur le droit d’établissement et la libre prestation de services
7. L’article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) proclame la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre, qui comporte l’accès aux activités salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, et notamment de sociétés. Cette disposition interdit les restrictions à la liberté précitée, en l’étendant à celles qui affectent la création d’agences, de succursales ou de filiales dans un autre pays communautaire.
8. Sont toutefois exceptées, d’après l’article 55 du traité CE (devenu article 45 CE), les activités participant, même à titre occasionnel, à l’exercice de l’autorité publique, ainsi que, en vertu de l’article 56 du traité CE (devenu article 46 CE), les dispositions internes prévoyant un régime spécial pour les ressortissants étrangers, et justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique.
9. S’agissant des sociétés, l’article 58 du traité CE (devenu article 48 CE) leur garantit ce droit pour autant qu’elles soient constituées en conformité avec la législation d’un État membre et qu’elles aient leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté. À cette fin, on entend par sociétés les sociétés de droit civil ou commercial, les sociétés coopératives et les personnes morales de droit public ou privé, à l’exception des sociétés qui ne poursuivent pas de but lucratif.
10. L’article 59 du traité CE (devenu article 49 CE) protège la libre prestation des services, à savoir, d’après l’article 60 du traité CE (devenu article 50 CE), les prestations fournies contre rémunération et, en particulier, les activités des professions libérales.
II – Le cadre juridique italien
11. La loi nº 413 du 30 décembre 1991 (2) attribue aux travailleurs salariés, pensionnés et assimilés (3) la faculté de satisfaire à leurs obligations fiscales par la présentation d’une déclaration simplifiée (modèle 730) en lieu et place de la déclaration effectuée selon les modalités normales (modèle 740, devenu modèle unique) en permettant aux contribuables d’accéder aux éventuels remboursements à bref délai et directement auprès de l’employeur ou, le cas échéant, de l’entité débitrice des revenus.
12. L’article 78 de la loi précitée a institué les Centres d’assistance fiscale (connus sous le sigle «CAF»), qui ont été régis ultérieurement par le décret législatif n° 241 du 9 juillet 1997 (4), qui réserve la faculté de constituer les entités précitées:
a) aux organisations patronales par secteur d’activité, qui comptent une ancienneté de 10 ans et sont représentées au Conseil national de l’économie, et aux organisations dont l’importance est reconnue par le ministère de l’Intérieur, parce qu’elles représentent au moins 5 % des entrepreneurs inscrits au registre de la chambre de commerce et qu’elles disposent d’établissements dans au moins 30 provinces; le même droit est reconnu à leurs filiales agissant par délégation [article 32, paragraphe 1, sous a), b) et c)]. Cette catégorie (ci-après les «Centres patronaux») assiste les entreprises (article 34, paragraphe 1);
b) aux organisations syndicales de travailleurs et à leurs dépendances territoriales, comptant au moins 50 000 adhérents, les associations de travailleurs ayant fondé des istituti di patronato (institutions de patronage) qui regroupent un nombre au moins aussi élevé de membres, ainsi que les entités comptant le même nombre d’employés et qui versent des revenus salariés soumis à l’impôt (agents chargés du recouvrement de l’impôt) [article 32, paragraphe 1, sous d), f) et e)]. Ces structures (ci-après les «Centres de travailleurs») assistent les personnes qui ne perçoivent pas de revenus tirés d’une activité indépendante ou d’une entreprise (article 34, paragraphe 2), c’est-à-dire les travailleurs salariés et assimilés qui peuvent utiliser le modèle 730 (5).
13. En vertu de l’article 33, les CAF adoptent la forme de sociétés de capitaux qui commencent à exercer leurs activités après avoir obtenu une autorisation du ministère des Finances; leur objet social se limite à l’assistance fiscale conformément aux termes de l’article 34, dont sont chargés un ou plusieurs professionnels désignés à cet effet parmi les membres de l’ordre des comptables ou des experts-comptables, qui sont habilités à exercer leurs fonctions comme employés de l’entité.
14. Le contenu de l’activité qui est exercée à la demande de l’usager est décrit à l’article 34, paragraphes 3 et 4.
15. Les Centres de travailleurs, qui apportent leur aide pour remplir le modèle 730, vérifient l’exactitude des informations fournies, remettent aux contribuables une copie de la fiche d’apurement d’impôt, communiquent le résultat aux agents chargés du recouvrement de l’impôt pour qu’ils procèdent à la compensation des retenues à la source et envoient la déclaration à l’administration fiscale (article 34, paragraphe 4) (6). Le conseiller responsable certifie, à la demande de l’intéressé, la concordance entre les chiffres mentionnés sur le formulaire et ceux figurant dans la documentation annexée (article 35, paragraphe 2). Les Centres de travailleurs perçoivent, pour chaque formulaire 730 traité, une rémunération de 13,98 euros adaptée d’après une procédure préétablie (article 38) (7).
16. Dans l’exercice de leur mission, les Centres patronaux, outre qu’ils remplissent les obligations des Centres de travailleurs, élaborent les déclarations d’impôt et se chargent de la tenue des livres des entreprises qu’ils assistent (article 34, paragraphe 3) en apposant aussi à l’égard de ces éléments le «visa de conformité» (article 35, paragraphe 1). Ils ne sont pas rémunérés au moyen de fonds publics.
III – Les circonstances de fait du litige au principal et les questions préjudicielles
17. La société Servizi Ausiliari Dottori Commercialisti Srl (ci-après «ADC Servizi») a été fondée le 4 juillet 2002 en vue d’offrir des services de conseil comptable et administratif. L’assemblée extraordinaire, qui s’est tenue le 25 février 2003, a étendu l’objet social en y incluant le conseil fiscal aux entreprises et aux travailleurs, conformément au décret législatif n° 241 de 1997.
18. Le notaire Giuseppe Calafiori, chargé de dresser le procès-verbal de la réunion, a refusé d’inscrire au registre des sociétés l’accord modifiant les statuts, parce que l’article 34 du décret législatif précité réserve cette activité aux CAF, statut que ne possède pas ADC Servizi.
19. Cette société a saisi le Tribunale di Milano en demandant l’inscription refusée par le mandataire public; le Tribunale a rejeté la demande le 15 mai 2003 en considérant que le moyen tiré de l’incompatibilité entre la réglementation italienne et le droit communautaire n’était pas fondé.
20. ADC Servizi, rappelant la contrariété entre les deux ordres juridiques, a saisi la Corte d’appello di Milano qui, pour...
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