Svenska staten v Anders Holmqvist.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:314
Date03 June 2008
Celex Number62007CC0310
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-310/07

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. Dámaso Ruiz-Jarabo Colomer

présentées le 3 juin 2008 (1)

Affaire C‑310/07

Svenska staten genom Tillsynsmyndigheten i Konkurser

contre

Anders Holmqvist

[demande de décision préjudicielle formée par le Lunds tingsrätt (Suède)]

«Rapprochement des législations – Protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur – Directive 80/987/CEE – Activités réalisées dans deux États membres au moins – Notion»





I – Introduction

1. La directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur continue de susciter des doutes d’interprétation parmi les juridictions nationales (2).

2. J’ai eu l’occasion de me prononcer sur ce texte dans mes conclusions présentées dans l’affaire Everson et Barrass (3), mais il m’appartient, une fois encore, d’analyser le champ d’application de la directive 80/987, lorsque une entreprise en situation d’insolvabilité, exerce des activités dans plusieurs États membres, les critères justifiant l’attribution de compétence à une autorité nationale, ainsi que l’effet direct de certaines de ses dispositions. À la suite de la réforme de la directive intervenue en 2002 (4), les questions soulevées, bien que n’étant pas complètement nouvelles, appellent une réponse de la part de la Cour.

II – Les faits du litige au principal

3. M. Anders Holmqvist, chauffeur pour le compte de la société Jörgen Nilsson Akeri och Spedition AB, fournissait des services d’enlèvement de marchandises en Italie qu’il livrait ensuite en Suède, pays dans lequel l’entreprise opérait habituellement. Tant en Suède qu’en Italie, la responsabilité de M. Holmqvist s’étendait également à la supervision des opérations de chargement et de déchargement. Dans le cadre de ses obligations professionnelles, M. Holmqvist traversait par route le territoire de l’Autriche et de l’Allemagne.

4. L’entreprise avait son centre d’activités dans la ville suédoise de Tjörnarp et ne possédait aucune filiale ni aucune autre sorte de représentation commerciale en dehors de ce pays.

5. L’entreprise a été déclarée en faillite le 10 avril 2006 par le Lunds tingsrätt (juridiction d’arrondissement de Lund). Le 27 juin 2006, le curateur a admis M. Holmqvist au bénéficie de la garantie salariale qui lui revenait, en application de la loi sur la garantie salariale (Lönegarantilagen) de 1992, texte législatif transposant la directive 80/987 dans l’ordre juridique national.

6. Étant en désaccord avec la décision du curateur, la Tillsynsmyndigheten i concursen (autorité de contrôle dans les procédures de faillite, ci-après l’«autorité de contrôle») a intenté une action en justice en soutenant que M. Holmqvist n’avait pas droit à la garantie salariale dans la mesure où il accomplissait ses fonctions dans d’autres États membres, différents de la Suède, et qu’il devait donc faire valoir ses droits dans ces autres États membres.

III – Le cadre juridique

7. La directive 80/987 vise à assurer aux travailleurs salariés un minimum de protection en cas d’insolvabilité de leur employeur, et, à cet effet, elle «oblige les États membres à mettre en place une institution qui garantisse aux travailleurs concernés le paiement des créances impayées des travailleurs» (5). Dans ce but, elle intègre une définition autonome de la notion d’employeur en état d’insolvabilité (6) et certaines mesures concrètes (7).

8. Dans les années 90, la Cour a prononcé deux arrêts préjudiciels afin de pallier les inconvénients décelés dans les procédures d’insolvabilité caractérisées par l’existence de liens transfrontaliers. Les affaires Mosbæk (8) ainsi que Everson et Barrass (9) ont fourni certains critères permettant de déterminer quelle était l’institution de garantie tenue de supporter les créances, dès lors que l’employeur exerçait sa profession dans plus d’un État membre.

9. En 2001, la Commission des Communautés européennes a impulsé une réforme de la directive 80/987 (10) afin de refléter les avancées de la jurisprudence établie par les arrêts Mosbæk ainsi que Everson et Barrass (11), reconnaissant que «l’absence d’une disposition explicite […] qui détermine l’institution de garantie compétente pour le paiement des créances salariales dans des cas d’insolvabilité d’entreprises disposant d’établissements dans différents États membres a été ressentie comme une source d’insécurité juridique» (12). Cette initiative a donné naissance à la directive 2002/74, qui a inséré un nouvel article 8 bis dans la directive 80/987, dont la Cour doit interpréter le paragraphe 1 à l’occasion du présent renvoi préjudiciel.

«Article 8 bis

1. Lorsqu’une entreprise ayant des activités sur le territoire d’au moins deux États membres se trouve en état d’insolvabilité au sens de l’article 2, paragraphe 1, l’institution compétente pour le paiement des créances impayées des travailleurs est celle de l’État membre sur le territoire duquel ils exercent ou exerçaient habituellement leur travail.

2. L’étendue des droits des salariés est déterminée par le droit régissant l’institution de garantie compétente.

3. Les États membres prennent les mesures nécessaires afin d’assurer que, dans les cas visés au paragraphe 1, les décisions prises dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité visée à l'article 2, paragraphe 1, dont l’ouverture a été demandée dans un autre État membre, sont prises en compte pour déterminer l’état d’insolvabilité de l’employeur au sens de la présente directive.»

10. La Suède a adapté son ordre juridique à la directive 2002/74 par le biais de la loi sur la garantie salariale (déjà citée), en attribuant à l’État la responsabilité du paiement des créances d’un travailleur, lorsque son employeur «fait l’objet […] d’une procédure d’insolvabilité au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur […]» (article 1er, paragraphe 3).

11. L’article 2, sous a), de la loi sur la garantie salariale reprend expressément la solution prévue à l’article 8 bis de la directive 2002/74, relatif aux situations transfrontalières, en ces termes:

«Dans le cas visé à l’article 1er, paragraphe 3, le paiement au titre de la garantie n’a lieu que si le travailleur salarié effectue, ou a effectué, son travail pour le compte de l’employeur principalement en Suède.

Si l’employeur a été déclaré en faillite en Suède et que le travailleur salarié effectue, ou a effectué, son travail pour le compte de l’employeur principalement dans un autre pays de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen, aucun paiement au titre de la garantie n’a lieu».

IV – La procédure préjudicielle

12. Par décision du 28 juin 2007, le Lunds tingsrätt a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes dans le cadre du procès intenté par l’autorité de garantie contre Anders Holmqvist:

«1) L’article 8 bis de la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur, modifiée en dernier lieu par la directive 2002/74/CE du Parlement européen et du Conseil, signifie-t-il qu’il faut qu’une entreprise dispose d’une filiale ou d’un centre d’activité permanent dans un État membre pour qu’elle soit considérée comme ayant des activités sur son territoire?

2) Dans la négative, quels sont les conditions requises pour qu’une entreprise soit considérée comme ayant des activités dans plusieurs États membres?

3) Si l’entreprise doit être considérée comme ayant des activités sur le territoire de plusieurs États membres et qu’un travailleur exerce son travail pour le compte de celle-ci dans plusieurs de ces États membres, selon quels critères est déterminé le lieu où le travail est exercé habituellement?

4) L’article 8 bis de la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur, modifiée en dernier lieu par la directive 2002/74/CE du Parlement européen et du Conseil, a-t-il un effet direct?»

13. Les parties requérante et défenderesse dans le litige au principal, les gouvernements du Royaume-Uni, italien, néerlandais, hellénique et suédois, ainsi que la Commission, ont présenté des observations dans le délai indiqué à l’article 20 du statut de la Cour de justice.

14. À l’audience, ont comparu et ont été entendus en leurs plaidoiries le conseil de M. Holmqvist, ainsi que les agents des gouvernements italien et hellénique ainsi que de la Commission européenne.

V – Les première et deuxième questions préjudicielles

15. Par sa première question, la juridiction nationale fait part de ses doutes au sujet du champ d’application de l’article 8 bis de la directive 80/987. Cette disposition communautaire renferme une règle de compétence en vue de déterminer l’État auquel incombe la responsabilité de la garantie salariale, pour autant qu’il y ait des «activités sur le territoire d’au moins deux États membres».

16. En somme, le Lunds tingsrätt souhaite savoir dans quel cas peut-on parler d’une activité transfrontalière au sens dudit article 8 bis et sollicite, par sa deuxième question, des règles d’interprétation à cet égard.

17. Les deux questions préjudicielles sont intimement liées, puisque la deuxième s’avère indispensable pour répondre à la première, raison pour laquelle il convient, me semble-t-il, de les traiter conjointement.

18. Les points de vue des gouvernements ayant déposé des observations dans le présent renvoi préjudiciel, de la Commission et de la partie défenderesse dans la procédure au...

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