CEPSA Estaciones de Servicio SA v LV Tobar e Hijos SL.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:163
Docket NumberC-279/06
Celex Number62006CC0279
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date13 March 2008

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 13 mars 2008 (1)

Affaire C‑279/06

CEPSA, Estaciones de Servicio SA

contre

LV Tobar e Hijos SL

[demande de décision préjudicielle formée par l’Audiencia Provincial de Madrid (Espagne)]

«Concurrence – Ententes −Accords entre entreprises – Article 85 du traité – Articles 10 à 13 du règlement (CEE) n° 1984/83 – Règlement (CE) nº 2790/1999 – Contrats d’achat exclusif entre un exploitant de station‑service et une entreprise pétrolière – Distinction entre vrais et faux agents commerciaux – Exemption»






I – Introduction

1. Par décision du 16 juin 2006, l’Audiencia Provincial de Madrid (Espagne) a soumis à la Cour une demande de décision préjudicielle relative à l’interprétation de l’article 85, paragraphe 1, du traité (devenu article 81, paragraphe 1, CE) et du règlement (CEE) n° 1984/83 de la Commission, du 22 juin 1983, concernant l’application de l’article 85 paragraphe 3 du traité à des catégories d’accords d’achat exclusif (2).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant CEPSA, Estaciones de Servicio SA (ci-après «CEPSA»), demanderesse au principal, à l’exploitant de station-service LV Tobar e Hijos SL (ci-après «Tobar»), défenderesse au principal, au sujet d’une restriction de la concurrence reprochée à CEPSA, qui découlerait du contrat d’achat exclusif conclu entre les parties.

II – Le cadre juridique

3. Le règlement n° 1984/83 exclut du champ d’application de l’article 85, du paragraphe 1, du traité certaines catégories d’accords d’achat exclusif et de pratiques concertées qui remplissent normalement les conditions prévues au paragraphe 3 du même article, au motif qu’elles entraînent, en général, une amélioration de la distribution des produits.

4. Selon l’article 3, sous d), dudit règlement, cette exemption n’est pas applicable lorsque l’accord est conclu pour une durée indéterminée ou pour une durée dépassant cinq ans.

5. Le règlement n° 1984/83 contient, à ses articles 10 à 13, des dispositions particulières pour les accords de station‑service.

6. Aux termes de l’article 10 dudit règlement:

«Conformément à l’article 85, paragraphe 3 du traité et aux conditions énoncées aux articles 11 à 13 du présent règlement, l’article 85, paragraphe 1 dudit traité est déclaré inapplicable aux accords auxquels ne participent que deux entreprises et dans lesquels l’une, le revendeur, s’engage vis-à-vis de l’autre, le fournisseur, en contrepartie de l’octroi d’avantages économiques ou financiers particuliers, à n’acheter qu’à celui-ci, à une entreprise liée à lui ou à une entreprise tierce qu’il a chargée de la distribution de ses produits, dans le but de la revente dans une station-service désignée dans l’accord, certains carburants pour véhicules à moteur à base de produits pétroliers ou certains carburants pour véhicules à moteur et combustibles à base de produits pétroliers spécifiés à l’accord.»

7. L’article 11 dudit règlement dispose:

«Outre l’obligation énoncée à l’article 10, il ne peut être imposé au revendeur aucune autre restriction de concurrence que

a) l’obligation de ne pas revendre dans la station-service désignée dans l’accord des carburants pour véhicules à moteur ou des combustibles fournis par des entreprises tierces;

b) l’obligation de ne pas utiliser dans la station-service désignée dans l’accord des lubrifiants ou des produits pétroliers connexes offerts par des entreprises tierces, lorsque le fournisseur ou une entreprise liée à lui ont mis à la disposition du revendeur, ou financé, un équipement de vidange d’huiles ou d’autres installations de graissage de véhicules à moteur;

c) l’obligation de ne faire de la publicité pour les produits livrés par des entreprises tierces, à l’intérieur et à l’extérieur de la station-service, qu’en proportion de la part que ces produits représentent dans le chiffre d’affaires total de la station-service;

d) l’obligation de ne laisser surveiller que par le fournisseur, ou une entreprise désignée par lui, les installations de dépôt ou de distribution de produits pétroliers qui sont sa propriété, ou qui ont été financées par le fournisseur ou une entreprise qui lui est liée.»

8. L’article 12 du règlement n° 1984/83 énumère les clauses et les engagements contractuels qui font obstacle à l’application de l’article 10 de celui-ci, parmi lesquels la condition que le contrat ne peut pas être conclu pour une durée indéterminée ou dépassant dix ans.

9. L’article 13 de ce même règlement prévoit l’application par analogie de ses articles 2, paragraphes 1 et 3, 3, sous a) et b), 4 ainsi que 5 aux accords de stations-service.

10. Le treizième considérant dudit règlement prévoit:

«[…] ces accords sont en général caractérisés par le fait que, d’une part, le fournisseur concède au revendeur des avantages économiques et financiers particulièrement importants, en lui versant des sommes d’argent à fonds perdus, en lui accordant ou en lui procurant des prêts à des conditions avantageuses, en lui concédant un terrain ou des locaux pour l’exploitation […] de la station-service, en mettant à sa disposition des installations techniques ou d’autres équipements ou en effectuant d’autres investissements en faveur du revendeur, et que, d’autre part, le revendeur contracte vis-à-vis du fournisseur une obligation d’achat exclusif de longue durée, généralement assortie d’une interdiction de concurrence».

11. Le règlement n° 1984/83 a été abrogé par le règlement (CE) n° 2790/1999 de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées (3), qui est entré en vigueur le 1er janvier 2000.

12. L’article 4, sous a), du règlement n° 2790/1999 prévoit que l’exemption de l’interdiction énoncée à l’article 81, paragraphe 1, CE ne s’applique pas aux accords verticaux qui, directement ou indirectement, isolément ou cumulés avec d’autres facteurs sous le contrôle des parties, ont pour objet la «restriction de la capacité de l’acheteur de déterminer son prix de vente, sans préjudice de la possibilité pour le fournisseur d’imposer un prix de vente maximal ou de recommander un prix de vente, à condition que ces derniers n’équivalent pas à un prix de vente fixe ou minimal à la suite d’une pression exercée par l’une des parties ou de mesures d’incitation prises par elle».

13. Selon l’article 5 dudit règlement, l’exemption prévue à l’article 2 ne s’applique pas à toute obligation directe ou indirecte de non‑concurrence, dont la durée est indéterminée ou dépasse cinq ans. Une obligation de non-concurrence tacitement renouvelable au-delà d’une période de cinq ans doit être considérée comme ayant été conclue pour une durée indéterminée.

14. Aux termes de l’article 12 du règlement n° 2790/1999, l’interdiction énoncée à l’article 81, paragraphe 1, CE ne s’applique pas, pendant la période allant du 1er juin 2000 au 31 décembre 2001, aux accords déjà en vigueur au 31 mai 2000 qui ne remplissent pas les conditions d’exemption prévues par le présent règlement, mais qui remplissent celles prévues, entre autres, par le règlement n° 1984/83.

III – Le litige au principal et les questions préjudicielles

15. Les parties au principal ont conclu, le 7 février 1996, un «contrat conférant le droit de porter l’enseigne et d’utiliser l’image, d’assistance technique et commerciale, et d’approvisionnement sous le régime d’exploitant-commissionnaire d’une station-service».

16. Il ressort de la décision de renvoi que la relation contractuelle entre CEPSA et Tobar se caractérise, en substance, par trois types de clauses, à savoir, premièrement, une clause d’achat exclusif, également désignée par la juridiction de renvoi sous la dénomination «clause de non-concurrence» (4), deuxièmement, des clauses sur la répartition des frais et des risques ainsi que, troisièmement, des clauses relatives au paiement des carburants et des combustibles.

17. S’agissant de la clause d’achat exclusif ou de non-concurrence, Tobar s’est engagée à acheter exclusivement auprès de CEPSA des combustibles, y compris des carburants, ainsi que des lubrifiants et d’autres produits connexes, en vue de leur revente dans la station‑service aux prix fixés pour la vente publique et dans le respect des conditions et techniques de vente et d’exploitation établies par ledit fournisseur. Cette obligation a été conclue pour une durée de dix ans, prorogeable par périodes successives de cinq ans, moyennant consentement exprès donné par écrit avec un préavis minimal de six mois. Il est aussi fait interdiction à Tobar de procéder à des opérations de vente ou de promotion de produits concurrents ou de participer à de telles opérations, aussi bien dans l’enceinte de la station‑service qu’aux alentours de celle-ci.

18. Quant aux clauses sur la répartition des frais et des risques, Tobar est tenue, en premier lieu, d’assumer les risques sur les produits à compter de leur livraison par le fournisseur dans la cuve de stockage et de les conserver dans les conditions requises pour éviter toute perte ou détérioration de ceux-ci. En deuxième lieu, Tobar est responsable, tant à l’égard du fournisseur que des tiers, de toute perte, contamination ou de tout mélange susceptible de porter atteinte auxdits produits, ainsi que de tout dommage susceptible d’être occasionné par ces mêmes produits (5). En troisième lieu, bien que Tobar n’assume pas le risque sur les dettes impayées résultant de l’utilisation de la carte de crédit CEPSA CARD, elle garantit toutefois et est responsable des clients qui ont adhéré par son intermédiaire à l’utilisation de cette carte ou auxquels elle a directement consenti un crédit. Tobar participe également au financement d’une petite partie des frais afférents à l’utilisation de la carte de fidélisation de CEPSA. En revanche, CEPSA prend en charge le coût du transport des produits ainsi que les frais...

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