Criminal proceedings against Markus D. (C-358/13) and G. (C-181/14).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:1927
Date12 June 2014
Celex Number62013CC0358
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑358/13,C‑181/14
62013CC0358

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 12 juin 2014 ( 1 )

Affaires jointes C‑358/13 et C‑181/14

Procédure pénale

contre

D. (C‑358/13),

G. (C‑181/14)

[demandes de décision préjudicielle formées par le Bundesgerichtshof (Allemagne)]

«Médicaments à usage humain — Directive 2001/83/CE — Champ d’application — Interprétation de la notion de ‘médicament par fonction’ — Portée du critère tiré de l’aptitude à modifier des fonctions physiologiques — Produit à base d’herbes aromatiques et de cannabinoïdes de synthèse commercialisé exclusivement à des fins récréatives — Absence de bénéfice médical ou thérapeutique — Inclusion»

1.

Une composition à base d’herbes aromatiques et de cannabinoïdes de synthèse destinés à induire chez l’homme un état d’ébriété comparable à celui provoqué par la consommation de cannabis peut-elle relever de la notion de «médicament», au sens de l’article 1er, point 2, sous b), de la directive 2001/83/CE ( 2 )?

2.

En d’autres termes, la notion de «médicament», visée à cette disposition, est-elle susceptible de recouvrir une substance ou une composition qui est, certes, capable d’engendrer une modification des fonctions physiologiques chez l’homme, mais dont l’administration à celui-ci, à des fins exclusivement récréatives, n’est destinée ni à prévenir ni à guérir une maladie?

3.

Telles sont, en substance, les questions que nous pose le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne).

4.

Ces questions s’inscrivent dans le cadre de deux procédures pénales engagées par le Generalbundesanwalt beim Bundesgerichtshof (procureur général près le Bundesgerichtshof, ci-après le «Generalbundesanwalt») à l’encontre de deux individus, MM. D. et G., lesquels ont commercialisé entre l’année 2010 et l’année 2012, des mélanges d’herbes aromatiques auxquels ont été ajoutés différents cannabinoïdes de synthèse destinés à imiter les effets du cannabis lorsqu’ils sont fumés.

5.

À l’époque des faits des litiges au principal, la législation allemande relative à la lutte contre les stupéfiants ne permettait pas d’appréhender la commercialisation de ces nouvelles substances psychoactives. En l’absence de disposition législative expresse, les juridictions nationales ont donc fait une application de la législation relative aux médicaments, considérant que la vente d’un produit tel que celui en cause relevait de la mise sur le marché d’un médicament douteux et constituait, à ce titre, une infraction.

6.

C’est en application de cette législation que le Landgericht Lüneburg (tribunal régional de Lunebourg, Allemagne) a, dans l’affaire C358/13, condamné M. D. à une peine d’emprisonnement d’un an et neuf mois avec sursis, celui-ci ayant commercialisé ces mélanges de plantes aromatiques et de cannabinoïdes de synthèse sous la forme de parfums d’ambiance et de désodorisants dans son commerce «G. Alles rund um Hanf». Le Landgericht Itzehoe (tribunal régional d’Itzehoe, Allemagne) a, dans l’affaire C181/14, en application de cette même législation, condamné M. G. à une peine d’emprisonnement de quatre ans et demi ainsi qu’au versement d’une amende de 200000 euros en raison de la vente, d’abord seul, par l’intermédiaire de sa boutique en ligne, puis avec un complice, de ces mêmes produits.

7.

C’est dans le cadre du recours en «Revision» introduit par MM. D. et G. que le Bundesgerichtshof s’est interrogé sur la qualification, au regard du droit de l’Union, de ces mélanges de plantes aromatiques et de cannabinoïdes de synthèse. En effet, ainsi qu’il le relève dans ses décisions de renvoi, la responsabilité pénale de ces individus ne peut être retenue que dans la mesure où la préparation en cause peut être qualifiée de «médicament» au sens de l’article 1er, point 2, sous b), de la directive 2001/83.

8.

Aux termes de cette disposition, la notion de «médicament» doit être entendue comme visant «toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou pouvant lui être administrée en vue soit de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique, soit d’établir un diagnostic médical» ( 3 ).

9.

Or, dans les affaires au principal, il est constant que la consommation des cannabinoïdes de synthèse contenus dans ces mélanges d’herbes aromatiques entraîne une modification des fonctions physiologiques chez l’homme en exerçant une action pharmacologique, notamment par l’intermédiaire de ses récepteurs nerveux.

10.

Le Bundesgerichtshof s’interroge donc sur le point de savoir si, malgré les risques que présente la composition en cause pour la santé humaine, son aptitude à modifier des fonctions physiologiques suffit pour la qualifier de «médicament», au sens de l’article 1er, point 2, sous b), de la directive 2001/83, ou s’il est, de surcroît, nécessaire que son administration induise un bénéfice thérapeutique pour l’homme.

11.

Empreint de doutes quant à l’interprétation de l’article 1er, point 2, sous b), de la directive 2001/83, le Bundesgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

L’article 1er, point 2, sous b), de la directive 2001/83[...] doit-il être interprété en ce sens que toute substance ou composition, entendue au sens de cette disposition, modifiant simplement les fonctions physiologiques chez l’homme, c’est-à-dire sans les restaurer ni les corriger, ne doit être considérée comme un médicament que lorsqu’elle apporte un bénéfice thérapeutique ou, en tout état de cause, une amélioration des fonctions physiologiques?

2)

Dès lors, toute substance ou composition qui serait consommée uniquement en raison de ses effets psychoactifs provoquant un état d’ébriété, et qui serait en cela de toute façon nocive pour la santé, est-elle exclue de la notion de médicament visée par la directive [2001/83]?»

12.

Dans leurs observations, le Generalbundesanwalt ainsi que les gouvernements allemand, tchèque, estonien, italien, finlandais et norvégien soutiennent que la notion de «médicament», visée à l’article 1er, point 2, sous b), de la directive 2001/83, recouvre l’ensemble des substances ou des compositions capables de modifier les fonctions physiologiques chez l’homme, y compris lorsque celles-ci n’apportent aucun bénéfice thérapeutique. Ils considèrent, par conséquent, qu’une substance ou qu’une composition consommée uniquement en raison de ses effets psychoactifs provoquant un état d’ébriété et qui serait, en tout état de cause, nocive pour la santé, est donc susceptible de relever de cette qualification.

13.

Les gouvernements hongrois et du Royaume-Uni s’opposent à une telle interprétation estimant qu’un produit consommé en raison de ses seuls effets psychoactifs et en dehors de toute finalité thérapeutique doit être exclu de la notion de médicament. De la même façon, la Commission européenne considère, quant à elle, que le critère tiré de l’aptitude à modifier des fonctions physiologiques visé à l’article 1er, point 2, sous b), de la directive 2001/83 n’est pas, à lui seul, déterminant pour qualifier un produit de «médicament». Elle soutient, à cet égard, que les «médicaments par fonction» visés à cette disposition doivent avoir une action qui va au-delà du déclenchement d’un processus chimique ou biologique dans le corps humain, ce processus devant être apprécié au regard de la finalité médicale ou thérapeutique du produit concerné.

14.

Dans les présentes conclusions, nous exposerons les raisons pour lesquelles nous considérons que la notion de «médicament», visée à l’article 1er, point 2, sous b), de la directive 2001/83, n’est pas destinée à recouvrir une composition telle que celle en cause, dont la consommation induit, certes, une modification des fonctions physiologiques de l’homme, mais dont l’administration, à des fins purement récréatives, n’est destinée ni à prévenir ni à guérir une pathologie.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

15.

Aux termes de l’article 1er, point 2, de la directive 2001/83, la notion de «médicament» vise:

«[...]

a)

toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines; ou

b)

toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou pouvant lui être administrée en vue soit de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique, soit d’établir un diagnostic médical».

B – La législation allemande

16.

La notion de «médicament» est définie à l’article 2, paragraphe 1, de la loi relative à la commercialisation des médicaments [Gesetz über den Verkehr mit Arzneimitteln (Arzneimittelgesetz)] ( 4 ).

17.

Aux termes du point 2 de cette disposition, les médicaments sont des substances ou des préparations:

«[...] pouvant être utilisées chez l’homme ou l’animal ou pouvant leur être administrées en vue

a)

soit de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique;

b)

soit d’établir un diagnostic médical.»

18.

L’article 5 de l’AMG interdit de mettre sur le marché ou d’utiliser chez l’homme des médicaments douteux. Sont douteux «les médicaments pour lesquels il existe, en l’état des connaissances scientifiques, un soupçon fondé que ceux-ci, en cas d’utilisation conformément à leur destination, aient des effets nocifs...

To continue reading

Request your trial
1 practice notes
  • Opinion of Advocate General Ćapeta delivered on 7 April 2022.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 7 April 2022
    ...EU:C:2014:2060, punti 37 e 38). V. altresì conclusioni dell’avvocato generale Bot nelle cause riunite D. e G. (C‑358/13 e C‑181/14, EU:C:2014:1927, paragrafo 13). 28 Sentenze del 15 gennaio 2009, Hecht-Pharma (C‑140/07, EU:C:2009:5, punto 42), e del 30 aprile 2009, BIOS Naturprodukte (C‑27/......
1 cases
  • Opinion of Advocate General Ćapeta delivered on 7 April 2022.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 7 April 2022
    ...EU:C:2014:2060, punti 37 e 38). V. altresì conclusioni dell’avvocato generale Bot nelle cause riunite D. e G. (C‑358/13 e C‑181/14, EU:C:2014:1927, paragrafo 13). 28 Sentenze del 15 gennaio 2009, Hecht-Pharma (C‑140/07, EU:C:2009:5, punto 42), e del 30 aprile 2009, BIOS Naturprodukte (C‑27/......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT