Edilizia Industriale Siderurgica Srl (Edis) v Ministero delle Finanze.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1998:134
Date26 March 1998
Celex Number61996CC0231
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-231/96
EUR-Lex - 61996C0231 - FR 61996C0231

Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 26 mars 1998. - Edilizia Industriale Siderurgica Srl (Edis) contre Ministero delle Finanze. - Demande de décision préjudicielle: Tribunale di Genova - Italie. - Répétition de l'indu - Délais procéduraux nationaux. - Affaire C-231/96.

Recueil de jurisprudence 1998 page I-04951


Conclusions de l'avocat général

1 Le Tribunale civile di Genova (Italie) pose trois questions préjudicielles relatives à l'incidence du droit communautaire, tel qu'il a été interprété par la Cour de justice, sur certaines conditions d'exercice du droit à la répétition d'impositions indûment perçues par l'administration italienne. Concrètement, il s'agit du remboursement de sommes versées par l'entreprise demanderesse pour acquitter une imposition nationale contraire à la réglementation communautaire.

Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

2 La partie demanderesse est une société à responsabilité limitée inscrite au registre des sociétés du Tribunale civile di Genova; en vertu des dispositions du Decreto del Presidente della Reppublica n_ 641, du 26 octobre 1972 (ci-après le «DPR n_ 641/72»), elle a versé au Trésor public italien, entre 1986 et 1992, la somme de 64 500 000 LIT, au titre de la taxe annuelle de concession gouvernementale sur l'inscription de la société au registre des entreprises.

3 Après l'arrêt que la Cour a prononcé le 20 avril 1993 dans l'affaire Ponente Carni et Cispadana Costruzioni (1) (ci-après l'«arrêt Ponente Carni»), en réponse à diverses questions préjudicielles sur l'interprétation de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (2), le législateur italien a aboli la taxe annuelle et a ramené à 500 000 LIT le montant de la taxe pour la première inscription des sociétés au registre (3).

4 Pour leur part, les juridictions italiennes ont également constaté l'incompatibilité de la taxe annuelle avec le droit communautaire (4) et, par voie de conséquence, le caractère indu des recettes fiscales encaissées à ce titre.

5 Après avoir réclamé sans succès de l'administration italienne le remboursement des taxes indûment payées de 1986 à 1992, la société Edis a saisi le Tribunale civile di Genova le 31 mai 1996 pour qu'il adresse (5) au ministère des Finances italien une injonction de rembourser les 64 500 000 LIT de taxes litigieuses.

6 Avant de statuer sur les conclusions de l'entreprise demanderesse, le président du Tribunale civile di Genova a décidé de saisir la Cour des trois questions préjudicielles suivantes:

«1) Pour compléter et préciser l'arrêt de la Cour du 20 avril 1993, Ponente Carni (C-71/91 et C-178/91), les dispositions du traité doivent-elles être interprétées en ce sens qu'elles font obstacle à l'introduction et/ou au maintien de la part d'un État membre d'une réglementation nationale, telle que celle introduite par le législateur italien par l'article 13, deuxième alinéa, du DPR n_ 641 du 26 octobre 1972, dans le cas où l'application de cette réglementation a pour conséquence de limiter dans le temps les effets d'un arrêt rendu par la Cour de justice?

2) L'article 5 du traité CE, tel qu'interprété par la jurisprudence de la Cour, est-il compatible avec une réglementation nationale (article 13 du DPR n_ 641/72) qui, dans les modalités procédurales des actions judiciaires destinées à garantir le remboursement des taxes payées en violation de la directive 69/335/CEE du Conseil, prévoit un délai de forclusion de trois ans à compter du paiement, forclusion par contre pas prévue par le droit national pour les actions en répétition de l'indu entre particuliers?

3) En cas de réponse affirmative à la question qui précède, est-il incompatible avec le droit communautaire qu'une réglementation nationale prévoie un délai de forclusion qui court (au détriment d'un ressortissant d'un État membre qui invoque les dispositions d'une directive pour obtenir le remboursement d'une taxe indûment versée) avant que cette directive ne soit correctement transposée en droit national?»

La réglementation nationale et son interprétation par les juridictions italiennes

7 J'exposerai en premier lieu les caractéristiques de la taxe ayant fait l'objet du paiement indu, telles qu'elles se trouvent précisées dans l'arrêt Ponente Carni (points 5 à 11):

- La taxe de concession gouvernementale pour l'inscription des sociétés au registre des entreprises (ci-après la «taxe de concession»), instituée par le décret n_ 641 du président de la République italienne, du 26 octobre 1972 (GURI n_ 292, du 11 novembre 1972, supplément n_ 3), s'applique aux inscriptions au registre des sociétés des principaux actes concernant la vie sociale. Ce registre est tenu par les greffes des tribunaux, en attendant la création du registre des entreprises prévu par l'article 2188 du code civil italien.

- En tant qu'elle s'applique à l'inscription au registre de l'acte constitutif d'une société, la taxe de concession a fait l'objet d'une succession de modifications relatives à son montant et à sa périodicité.

- L'article 3, paragraphe 18, du décret-loi n_ 853, du 19 décembre 1984 (GURI n_ 347, du 19 décembre 1984), converti en loi par la loi n_ 17 du 17 février 1985 (GURI n_ 41 bis, du 17 février 1985), a fait passer le montant de la taxe, pour cette inscription, de 81 000 LIT à 5 millions de LIT pour les sociétés anonymes et en commandite par actions, à 1 million de LIT pour les sociétés à responsabilité limitée et à 100 000 LIT pour les autres sociétés.

- Le décret-loi n_ 173, du 30 mai 1988 (GURI n_ 125, du 30 mai 1988) a relevé ces montants. La loi n_ 291, du 26 juillet 1988 (GURI n_ 175, du 27 juillet 1988), qui a converti ce décret en loi, a, en son article 1er, porté le montant de la taxe à 2,5 millions de LIT pour les sociétés à responsabilité limitée et à 500 000 LIT pour les autres sociétés. Pour les sociétés anonymes et en commandite par actions, le texte fixait, selon l'importance du capital social, cinq montants différents allant de 9 à 120 millions de LIT.

- Le décret-loi n_ 69, du 2 mars 1989 (GURI n_ 51, du 2 mars 1989), converti en loi par la loi n_ 154, du 27 avril 1989 (GURI n_ 99, du 29 avril 1989), a fixé, en son article 36, paragraphe 8, le montant de la taxe à 12 millions de LIT pour les sociétés anonymes et en commandite par actions, à 3,5 millions de LIT pour les sociétés à responsabilité limitée et à 500 000 LIT pour les autres sociétés.

- La loi n_ 154/89 précitée, a ajouté un paragraphe 8 bis à l'article 36 du décret-loi du 2 mars 1989, en vertu duquel le montant de la taxe, pour l'année 1988, était fixé à 15 millions de LIT pour les sociétés anonymes et en commandite par actions, à 3,5 millions de LIT pour les sociétés à responsabilité limitée et à 500 000 LIT pour les autres sociétés. Ces dispositions se sont substituées à celles précitées de la loi n_ 291/88.

- Pour ce qui concerne la périodicité de la taxe, le décret-loi n_ 853/84, précité, a prévu qu'elle serait due non seulement lors de l'inscription au registre de l'acte constitutif de la société, mais également le 30 juin de chaque année civile ultérieure.

8 Parmi les normes nationales régissant l'exercice de l'action en remboursement des impositions indûment versées, il y a lieu de considérer en l'espèce les suivantes:

a) L'article 13, deuxième alinéa, du DPR n_ 641/72 dispose que «le contribuable peut, sous peine de forclusion, demander la restitution des taxes payées par erreur dans un délai de trois ans à compter du jour du paiement...».

b) Ce même délai de forclusion de trois ans est applicable aux actions en répétition d'autres recettes des pouvoirs publics, à caractère douanier, conformément aux dispositions combinées de l'article 29, paragraphe 1, de la loi n_ 428/90 et de l'article 91 du texte unique en matière douanière (DPR n_ 43, du 23 janvier 1973). Ce dernier a fixé un délai de forclusion de cinq ans qui, à partir de cette loi, doit être considéré comme applicable à toutes les demandes et actions susceptibles d'être exercées en vue du remboursement de sommes payées à l'occasion d'opérations douanières (6).

9 Selon le droit commun national, l'exercice des actions en répétition de l'indu entre particuliers n'est soumis à aucun délai, sauf la prescription décennale ordinaire prévue à l'article 2946 du code civil italien («sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les droits s'éteignent par prescription passé un délai de dix ans»).

10 Les chambres réunies de la Corte suprema di cassazione ont déclaré, dans un arrêt n_ 3458/96, du 23 février 1996, que la demande de remboursement de la taxe faisant l'objet de l'examen doit être considérée comme régie par l'article 13, paragraphe 2, du DPR n_ 641/72.

11 Le débat tranché par cet arrêt opposait deux points de vue contradictoires:

a) Selon l'un, il y avait lieu d'écarter l'exception de forclusion soulevée au titre de l'article 13, paragraphe 2, du DPR n_ 641/72 en raison de l'absence de «... pertinence de l'hypothèse de l'erreur, le paiement ne pouvant être erroné, étant donné l'absence de fausse représentation de la réalité de fait ou de droit, mais en retenant, en revanche, une absence totale de pouvoir d'imposition de la part de l'État national, eu égard à la législation communautaire préexistante». Telle était la thèse de la juridiction italienne dans la décision faisant l'objet du pourvoi en cassation.

b) Selon l'autre, «... l'article 13 englobe toutes les taxes payées par erreur, quelle que soit la cause du paiement, y compris donc les taxes litigieuses». C'était le point de vue de l'administration fiscale italienne.

12 Le raisonnement de la Corte suprema di cassazione, en faveur de la thèse défendue par l'administration, a été formulé comme suit:

«... Dans le système fiscal actuel, la restitution des...

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