Criminal proceedings against Lars Erik Staffan Lindberg.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:819
Date16 December 2004
Celex Number62003CC0267
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-267/03

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. F. G. JACOBS

présentées le 16 décembre 2004 (1)

Affaire C-267/03

Lars Erik Staffan Lindberg

contre

Riksåklagaren





1. Le problème soulevé dans cette affaire concerne l’obligation faite aux États membres de notifier à la Commission des Communautés européennes (et, par ce biais, aux autres États membres) les projets de normes techniques en application de la directive relative aux normes et réglementations techniques (2). La question est plus précisément celle de savoir si cette obligation s’applique en cas de modification du droit national comportant une interdiction d’organiser des jeux d’argent sur un type particulier de machines de jeu.

I – La directive

2. L’objectif de la directive, tel que décrit dans son préambule (3), est d’empêcher l’adoption de règles ou de normes techniques nationales susceptibles de constituer des entraves aux échanges, à moins qu’elles ne soient nécessaires pour satisfaire à des exigences impératives et qu’elles ne poursuivent un but d’intérêt général dont elles sont la garantie essentielle. Par conséquent, si un État membre envisage d’adopter une telle mesure, la Commission et les autres États membres doivent en être informés et disposer d’un délai suffisant pour proposer des modifications en vue d’éliminer ou de réduire toute entrave éventuelle qu’elle est susceptible de créer à la libre circulation des marchandises ou, en ce qui concerne la Commission, pour proposer ou adopter une directive communautaire dans le même domaine. La Cour de justice a décrit cet objectif comme étant de «protéger, par un contrôle préventif, la libre circulation des marchandises, qui est l’un des fondements de la Communauté» (4).

3. L’article 1er de la directive contient un certain nombre de définitions.

4. Selon l’article 1er, point 9, de la version applicable à l’époque des faits, une «règle technique» recouvre trois types de mesures.

5. Elle inclut d’abord les «spécifications techniques» dont le respect est obligatoire, de jure ou de facto, pour la commercialisation ou l’utilisation d’un produit dans un État membre ou dans une partie importante de cet État. Selon l’article 1er, point 2, une «spécification technique» définit «les caractéristiques requises d’un produit, telles que les niveaux de qualité ou de propriété d’emploi, la sécurité, les dimensions, y compris les prescriptions applicables au produit en ce qui concerne la dénomination de vente, la terminologie, les symboles, les essais et méthodes d’essai, l’emballage, le marquage et l’étiquetage, ainsi que les procédures d’évaluation de la conformité».

6. Elle inclut ensuite les «autres exigences», y compris les dispositions administratives, qui sont obligatoires dans la même mesure. En vertu de l’article 1er, point 3, le terme «autre exigence» signifie «exigence, autre qu’une spécification technique, imposée à l’égard d’un produit pour des motifs de protection, notamment des consommateurs ou de l’environnement, et visant son cycle de vie après mise sur le marché, telle que ses conditions d’utilisation, de recyclage, de réemploi ou d’élimination lorsque ces conditions peuvent influencer de manière significative la composition ou la nature du produit ou sa commercialisation».

7. En troisième lieu, elle inclut les «dispositions législatives, réglementaires ou administratives […] visant l’interdiction de fabrication, d’importation, de commercialisation ou d’utilisation d’un produit».

8. Pour les besoins de ces définitions, on entend par «produit»: «tout produit de fabrication industrielle et tout produit agricole» (article 1er, point 1).

9. Enfin, les «projets de règle technique» sont en principe des textes de règles techniques se trouvant à un stade de préparation où il est encore possible d’y apporter des amendements substantiels (article 1er, point 10).

10. L’article 8, paragraphe 1, exige que les États membres notifient à la Commission tout projet de règles techniques relevant du champ d’application de la directive, à moins qu’il ne s’agisse de la simple transposition du texte complet d’une norme internationale ou européenne, auquel cas une information concernant la norme en question suffit. Si, après la notification, il est apporté au projet, de manière significative, des changements qui, entre autres, en modifient le champ d’application, y ajoutent des spécifications ou rendent celles-ci plus strictes, il doit faire l’objet d’une nouvelle notification.

11. L’article 9 prévoit que les États membres doivent différer l’adoption de projets de règles techniques de plusieurs mois de façon à permettre à la Commission de vérifier s’ils sont compatibles avec le droit communautaire, ou de proposer une directive sur le sujet.

12. L’article 10 prévoit un certain nombre d’exceptions limitées à l’une ou l’autre de ces obligations ou aux deux. En particulier, les articles 8 et 9 ne s’appliquent pas, essentiellement, aux dispositions qui ne font que mettre le droit national en conformité avec le droit communautaire (article 10, paragraphe 1) et l’article 9 ne s’applique pas, notamment, aux règles interdisant la fabrication, lorsqu’elles ne font pas obstacle à la libre circulation des marchandises (article 10, paragraphe 2).

13. On peut noter que cette version de la directive est à présent abrogée et que la situation est actuellement régie par la directive 98/34/CE (5). Celle-ci a été presque aussitôt modifiée par la directive 98/48/CE (6), qui a étendu son champ d’application aux «services de la société de l’information», c’est-à-dire aux «service[s] presté[s] normalement contre rémunération, à distance par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services» (7).

14. La Cour de justice a jugé que la méconnaissance de l’obligation de notification entraîne l’inapplicabilité des règles techniques concernées, de sorte qu’elles ne peuvent pas être opposées aux particuliers, et qu’il incombe aux juridictions nationales d’écarter l’application d’une règle technique nationale qui n’a pas été notifiée conformément à la directive (8).

II – La procédure devant la juridiction nationale et les règles nationales en cause

15. M. Lars Erik Staffan Lindberg est poursuivi pour avoir illégalement organisé, entre janvier 1997 et avril 1998, des jeux d’argent sur des machines à sous interdites en Suède. Le Högsta domstolen (cour suprême, Suède) a été saisi du point de savoir si l’interdiction d’organiser des jeux d’argent publics sur le type de machines en question pouvait être valablement opposée à l’intéressé, dans la mesure où elle équivaudrait à une norme technique qui n’a pas fait l’objet d’une notification conforme à la directive.

16. Les machines en question semblent appartenir au type courant d’appareils de jeu automatiques, qui permettent aux joueurs de gagner un prix dans le cas où certains symboles sont alignés par la machine, ce résultat dépendant en grande partie du hasard. Ce qui les distingue spécifiquement des autres machines du même genre, dans la présente espèce, c’est que ces machines ne versent pas elles-mêmes les gains, sous quelque forme que ce soit. Les gains éventuels doivent être retirés manuellement auprès d’une personne responsable des machines.

17. Le code pénal suédois qualifie de délit le fait d’organiser des jeux publics d’argent fondés sur le hasard si les enjeux ont une valeur économique importante, à moins que, essentiellement, la forme du jeu en question i) ne soit pas interdite par la loi sur les loteries, ou ii) ne soit susceptible d’être autorisée en vertu de cette loi et que l’organisateur n’ait obtenu une autorisation.

18. Antérieurement au 1er janvier 1995, l’exploitation de machines de jeu automatiques était tout simplement interdite, sauf à bord des navires croisant dans les eaux internationales. Depuis cette date, une nouvelle loi sur les loteries, adoptée en 1994 (ci-après la «loi de 1994»), a permis d’autoriser l’exploitation de certaines de ces machines de jeu sur le territoire suédois.

19. La loi de 1994 interdit d’organiser sans autorisation des loteries ouvertes au public. La définition du terme «loterie» recouvre également les «jeux de loto, jeux automatisés, roulettes, dés, cartes, lettres pyramidales et autres jeux analogues» et, dans ces hypothèses, l’interdiction s’étend à tous les cas où le jeu est organisé en vue d’un gain, indépendamment du caractère ouvert au public ou non.

20. Dans la version initiale de la loi, les machines de jeu étaient définies de façon exhaustive comme étant des machines qui versent les gains, sous la forme d’articles, de sommes en numéraire, de bons d’achat, de jetons de jeu ou autres, lorsque la possibilité de gagner est aléatoire, ou qui versent des gains en numéraire lorsque les chances de gagner dépendent de l’adresse du joueur.

21. L’exploitation de telles machines peut être autorisée à certaines conditions, tenant en particulier à la valeur des mises et des prix.

22. L’interprétation de ces dispositions, à l’égard des machines qui ne remettent pas elles-mêmes les prix sous une forme ou une autre, a donné lieu à des divergences. Certaines cours d’appel ont en effet interprété la loi de 1994 comme étant tout bonnement inapplicable à ces machines, si bien que leur exploitation ne se trouverait pas interdite, ni même soumise à autorisation.

23. C’est donc pour combler ce qui semble avoir été une lacune législative involontaire que la loi de 1994 a été modifiée avec effet au 1er janvier 1997 (ci-après la «loi modifiée de 1996»). La définition de la «machine de jeu» a été étendue à toute machine de jeu mécanique ou électronique, mais la possibilité d’autorisation est restée réservée aux catégories qui étaient énumérées antérieurement, c’est-à-dire aux machines qui remettent elles-mêmes le prix gagné. Il en résulte que l’organisation de jeux d’argent ouverts au public sur ce type d’appareils de jeu se trouvait interdite.

24. La loi modifiée de 1996 n’a pas fait l’objet...

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