Michaniki AE v Ethniko Symvoulio Radiotileorasis and Ypourgos Epikrateias.
Jurisdiction | European Union |
Court | Court of Justice (European Union) |
Date | 08 October 2008 |
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. M. Poiares Maduro
présentées le 8 octobre 2008 (1)
Affaire C‑213/07
Michaniki AE
contre
Ethniko Symvoulio Radiotileorasis,
Ypoyrgos Epikrateias,
Elliniki Technodomiki (TEVAE), anciennement Pantechniki AE,
Syndesmos Epicheiriseon Periodikou Typou, Somateio
[demande de décision préjudicielle formée par le Symvoulio tis Epikrateias (Grèce)]
«Marchés publics – Procédure de passation des marchés publics de travaux – Conditions d’exclusion d’un entrepreneur de la participation au marché»
1. Un État membre peut‑il ajouter une cause d’exclusion de la participation aux procédures de passation des marchés publics de travaux à la liste figurant à l’article 24 de la directive 93/37/CEE (2)? À quelles conditions et dans quelles limites? Ces questions qui font, en substance, l’objet du présent renvoi préjudiciel soulèvent la problématique de l’existence et, le cas échéant, de l’étendue du pouvoir normatif dont disposent les États membres lorsqu’existe une harmonisation communautaire. Cette problématique n’est pas inédite. Elle a déjà donné lieu à une jurisprudence fournie. Ce qui fait cependant la singularité de la présente affaire, c’est que la mesure normative nationale en cause est une disposition constitutionnelle. Est‑ce de nature à influer sur la teneur de la réponse à apporter? Tels sont les points qui sont au cœur du présent litige.
I – Cadre juridique
A – La réglementation communautaire
2. L’article 24 de la directive 93/37 énonce les causes d’exclusion de la participation à un marché de travaux publics. Il est libellé comme suit:
«Peut être exclu de la participation au marché tout entrepreneur:
a) qui est en état de faillite, de liquidation, de cessation d’activités, de règlement judiciaire ou de concordat préventif ou dans toute situation analogue résultant d’une procédure de même nature existant dans les législations et réglementations nationales;
b) qui fait l’objet d’une procédure de déclaration de faillite, de règlement judiciaire, de liquidation, de concordat préventif ou de toute autre procédure de même nature existant dans les législations et réglementations nationales;
c) qui a fait l’objet d’une condamnation prononcée par un jugement ayant autorité de chose jugée pour tout délit affectant la moralité professionnelle de l’entrepreneur;
d) qui, en matière professionnelle, a commis une faute grave constatée par tout moyen dont les pouvoirs adjudicateurs pourront justifier;
e) qui n’est pas en règle avec ses obligations relatives au paiement des cotisations de sécurité sociale selon les dispositions légales du pays où il est établi ou celles du pays du pouvoir adjudicateur;
f) qui n’est pas en règle avec ses obligations relatives au paiement de ses impôts et taxes selon les dispositions légales du pays où il est établi ou celles du pays du pouvoir adjudicateur;
g) qui s’est rendu gravement coupable de fausses déclarations en fournissant les renseignements exigibles en application du présent chapitre.
[…]»
B – Le droit national
3. L’article 14, paragraphe 9 de la Constitution grecque de 1975, alinéas 5 et 6 et 7, tel qu’issu de la révision constitutionnelle du 6 avril 2001 dispose:
«La qualité de propriétaire, d’associé, d’actionnaire majeur ou de cadre dirigeant d’une entreprise de médias d’information est incompatible avec la qualité de propriétaire, d’associé, d’actionnaire majeur ou de cadre dirigeant d’une entreprise qui, vis‑à‑vis de l’État ou d’une personne morale du secteur public au sens large, est chargée de l’exécution de travaux, de fournitures ou de prestations de services.
L’interdiction édictée par l’alinéa précédent vise aussi toutes les personnes faisant office d’intermédiaires, telles que conjoints, parents, personnes ou sociétés économiquement dépendantes.
Une loi détermine les modalités, les sanctions qui peuvent être prises, allant jusqu’au retrait de l’autorisation d’une station de radio ou de télévision et jusqu’à l’interdiction de conclure une convention ou l’annulation de la convention concernée, ainsi que les modalités de contrôle et les garanties visant à éviter que les dispositions des alinéas précédents ne soient pas tournées».
4. En application du septième alinéa de l’article 14, paragraphe 9 de la Constitution grecque, la loi n° 3021/2002, relative aux restrictions à la conclusion de marchés publics avec des personnes actives dans des entreprises du secteur des médias d’information énonce, en substance, une interdiction de passation d’un marché public de travaux avec:
– une entreprise de médias d’information ou un entrepreneur de médias d’information (propriétaire, associé, actionnaire majeur ou dirigeant d’une entreprise de médias d’information);
– une entreprise dont les associés, actionnaires majeurs, membres des organes de gestion ou cadres dirigeants sont des entreprises de médias d’information ou des associés, des actionnaires majeurs, membres d’organes de gestion ou cadres dirigeants d’entreprises de médias d’information;
– un entrepreneur (propriétaire, associé, actionnaire majeur ou dirigeant d’une entreprise de travaux) qui serait le conjoint ou le parent du propriétaire, d’un associé, de l’actionnaire majeur ou d’un cadre dirigeant d’une entreprise de médias d’information, à moins que cette personne‑là ne démontre qu’elle jouit d’une autonomie économique vis‑à‑vis de cette personne‑ci.
5. La loi n° 3021/2002 ajoute, en substance, qu’avant de procéder à l’attribution d’un marché public, le pouvoir adjudicateur concerné doit, sous peine de nullité du contrat ou du marché public, demander au Conseil national de la radiotélévision (Ethniko Symvoulio Radiotileorasis; ci‑après, l’«ESR») l’établissement d’un certificat attestant l’absence de toute incompatibilité prévue par ladite loi.
II – Le litige au principal et le renvoi préjudiciel
6. Par décision du 13 décembre 2001, la société Erga, entreprise publique, a lancé un appel d’offres pour la construction des ouvrages de terrassement et des ouvrages techniques d’infrastructure de la nouvelle ligne ferroviaire à deux voies à grande vitesse entre Corinthe et Kiatos, dont le budget s’élève à 51 700 000 euros. Ont pris part à cette procédure de marché, entre autres, la société Michaniki et la société Sarantopoulos.
7. Le 22 mai 2002, l’entité adjudicatrice a attribué le marché à la société Sarantopoulos qui, par la suite, a été absorbée par la société Pantechniki. Au préalable, ladite entité adjudicatrice avait demandé et obtenu de l’ESR un certificat d’absence d’incompatibilité dans le chef de la société Pantechniki, exigé par la loi grecque n° 3021/2002. L’ESR a, en effet, estimé que, bien que M. K. Sarantopoulos, actionnaire majeur et vice‑président du conseil d’administration de Pantechniki, soit un parent (plus exactement le père) de M. G. Sarantopoulos, membre de plusieurs conseils d’administration de sociétés grecques de médias d’information, il ne tombait pas sous le coup des incompatibilités prévues par la législation grecque, étant donné qu’il est économiquement autonome par rapport à M. G. Sarantopoulos.
8. L’entreprise Michaniki, concurrente malheureuse de l’adjudicataire a demandé au Conseil d’État grec l’annulation du certificat d’incompatibilité émis par l’ESR, au motif que les dispositions de la loi n° 3021/2002 sur la base desquelles ledit certificat a été délivré seraient contraires à l’article 14, paragraphe 9 de la Constitution grecque.
9. D’accord avec la requérante au principal, la juridiction de renvoi estime les dispositions législatives contestées, en ce qu’elles permettent à un entrepreneur de travaux publics d’échapper aux incompatibilités qu’elles édictent en démontrant son autonomie économique par rapport à son parent propriétaire, associé, actionnaire ou dirigeant d’une entreprise de médias d’information, contraires à l’article 14, paragraphe 9, de la Constitution, en vertu duquel ledit entrepreneur, quand bien même il serait économiquement autonome par rapport à ce parent, est néanmoins tenu de prouver qu’il n’a pas fait office d’intermédiaire mais a agi de façon autonome, pour son propre compte et dans son propre intérêt.
10. La juridiction de renvoi s’interroge néanmoins sur la compatibilité avec le droit communautaire de ladite disposition constitutionnelle, qui permet d’écarter d’un marché une entreprise de travaux publics au motif que son actionnaire majeur ne serait pas parvenu à infirmer la présomption, pesant sur lui en tant que parent du propriétaire, d’un associé, de l’actionnaire majeur ou d’un dirigeant d’une entreprise de médias d’information, selon laquelle il est intervenu comme intermédiaire de cette entreprise et non pour son propre compte. Il semblerait, en effet, que l’énumération des causes d’exclusion figurant à l’article 24 de la directive 93/37 soit limitative et exclue, par conséquent, l’ajout de motifs d’exclusion tel que celui énoncé par l’article 14, paragraphe 9 de la Constitution grecque. À supposer même que la directive 93/37 n’ait réalisé sur ce point qu’une harmonisation partielle, la légalité au regard du droit communautaire de cas supplémentaires d’exclusion prévus par un État membre serait subordonnée à la poursuite d’un objectif d’intérêt général compatible avec le droit communautaire et au respect du principe de proportionnalité. Enfin, dans le cas où la Cour devrait considérer la liste des causes d’exclusion figurant à l’article 24 de ladite directive comme exhaustive, le juge a quo se demande si la prohibition, qu’il faudrait en déduire, de l’instauration d’un régime d’incompatibilité entre le domaine d’activité des médias d’information et celui des marchés publics ne serait pas attentatoire aux principes liés à la protection du fonctionnement normal du système démocratique, au respect de la transparence dans la passation des marchés publics, au principe d’une concurrence libre et loyale ainsi qu’à celui de subsidiarité.
11. Le juge national...
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