Johannes Peter v Hauptzollamt Regensburg.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
ECLIECLI:EU:C:1993:68
Docket NumberC-290/91
Celex Number61991CC0290
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date17 February 1993
EUR-Lex - 61991C0290 - FR 61991C0290

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 17 février 1993. - Johannes Peter contre Hauptzollamt Regensburg. - Demande de décision préjudicielle: Finanzgericht München - Allemagne. - Prélèvement supplémentaire sur le lait - Remise pour des motifs d'équité. - Affaire C-290/91.

Recueil de jurisprudence 1993 page I-02981


Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Le Finanzgericht Muenchen vous demande, dans la présente affaire, si des dispositions nationales permettant une remise de dettes fiscales pour des motifs d' équité fondés sur la situation personnelle de l' intéressé peuvent aussi s' appliquer lorsque la dette en question résulte de la législation communautaire relative aux quotas laitiers.

2. Nous rappellerons que l' article 5 quater du règlement (CEE) n 804/68 du Conseil, introduit par le règlement (CEE) n 856/84 du Conseil, du 31 mars 1984 (JO 1984, L 90, p. 10), a institué un prélèvement supplémentaire perçu sur les livraisons de lait dépassant une certaine quantité de référence ou "quota". Il prévoit que ce prélèvement est versé soit par les producteurs de lait soit, à la discrétion de l' État membre concerné, par les acheteurs auxquels le lait est livré par un producteur. L' article 1er du règlement (CEE) n 857/84, du Conseil, du 31 mars 1984 (JO L 90, p. 13) fixe le montant du prélèvement et l' article 2 détermine la quantité à allouer à titre de quota à chaque producteur ou acheteur concerné. Les quotas sont fixés en fonction de la quantité de lait livrée ou achetée pendant une certaine année. La législation sur les quotas laitiers prévoit aussi des règles particulières pour certaines catégories de cas. Ainsi, l' article 3 du règlement n 857/84 dispose que les producteurs ayant souscrit un plan de développement dans le cadre de la directive 72/159/CEE (JO 1972, L 96, p. 1) peuvent obtenir un quota spécifique dans certains cas, de même que les jeunes agriculteurs installés après le 31 décembre 1980; en outre, les producteurs dont la production a été affectée par des événements exceptionnels pendant l' année de référence ont le droit de la remplacer par une autre année de référence se situant dans la période1981 à 1983. L' article 4 de ce même règlement permet d' allouer des quotas supplémentaires dans certaines circonstances et son nouvel article 3 ter, introduit par le règlement (CEE) n 3880/89 du Conseil, du 11 décembre 1989 (JO 1989, L 378, p. 3), permet d' attribuer des quantités de référence spécifiques ou supplémentaires aux producteurs laitiers nouvellement installés ainsi qu' aux producteurs dont les quotas individuels ne dépassent pas 60 000 kg.

3. Bien que la législation relative aux quotas laitiers permette, comme nous venons de le voir, d' accorder, dans certains cas, des quantités de référence spécifiques ou supplémentaires, un producteur laitier n' obtient pas nécessairement la totalité de la quantité de référence dont il a besoin pour exercer rentablement son activité. L' attribution des quotas peut donc conduire à des difficultés dans certains cas individuels, voire même amener un producteur à ne plus pouvoir exercer son activité. Néanmoins, comme la Cour l' a déclaré, de telles conséquences peuvent être justifiées dans l' intérêt de l' efficacité du système des quotas, qui est lui-même justifié par la nécessité d' une stabilisation du marché dans le secteur laitier: voir affaire 84/87, Erpelding, Rec. 1988, p. 2647, point 30 des motifs de l' arrêt, affaire C-311/90, Hierl, Rec. 1992, p. I-2061, point 14 des motifs de l' arrêt et affaire C-85/90, Dowling, arrêt du 22 octobre 1992, point 23 des motifs. Nous rappellerons que le libre exercice d' une activité professionnelle ou commerciale déterminée n' est pas une prérogative absolue en droit communautaire: voir affaire 44/79, Hauer/Land Rheinland-Pfalz, Rec. 1979, p. 3727, point 32 des motifs de l' arrêt.

4. M. Peter, le demandeur au principal, exploite une entreprise agricole spécialisée dans la production laitière. Il a obtenu une quantité de référence de 9 100 kg pour la campagne 1984/85 dans le cadre de la réglementation allemande qui met en oeuvre le système des quotas (la "Milchgarantiemengenverordnung"). A sa demande, et à la suite d' un recours, une quantité de référence supplémentaire lui a été attribuée pour les campagnes suivantes; toutefois, contrairement à ce qu' il espérait, le quota fixé pour la campagne 1984/85 n' a pas été relevé. Le demandeur devait donc verser un prélèvement sur les quantités de lait qu' il avait livrées en 1984/85 en dépassement du quota qui lui avait été alloué pour cette campagne; le prélèvement dû s' élevait à 2 144,83 DM.

5. Le 6 septembre 1989, M. Peter a demandé au bureau des douanes défendeur la remise de ce prélèvement, compte tenu de la précarité de sa situation financière. Il se fondait sur une disposition du droit allemand, à savoir l' article 227 de l' Abgabenordnung 1977 (code des impôts), qui prévoit la possibilité de renoncer à la perception de dettes fiscales pour des motifs d' équité. Toutefois, sa demande a été rejetée au motif que pareille remise de dette serait contraire au droit communautaire dans son cas. Il s' est pourvu contre cette décision devant le Finanzgericht qui a déféré à la Cour la question suivante:

"Le droit communautaire fait-il obstacle à l' application d' une disposition nationale telle que l' article 227 de l' Abgabenordnung (code allemand des impôts) qui habilite les autorités nationales à ne pas percevoir, dans certains cas, pour des motifs d' équité personnels, le prélèvement qui est dû en application de l' article 5 quater du règlement (CEE) n 804/68?"

6. Pour mieux comprendre les problèmes que soulève la question déférée, il sera utile d' analyser brièvement l' effet de l' article 227 de l' Abgabenordnung. Nous examinerons ensuite la question de savoir si des dispositions nationales de cette nature peuvent être invoquées lorsque la dette en cause résulte d' un règlement communautaire et en particulier lorsqu' elle résulte de la réglementation communautaire des quotas laitiers.

L' article 227 de l' Abgabenordnung

7. L' article 1er, paragraphe 1, de l' Abgabenordnung prévoit que les dispositions de ce code sont applicables à tous les prélèvements fiscaux ("Steuern") imposés dans le cadre du droit fédéral allemand ou du droit communautaire.

8. L' article 227 prévoit que les autorités fiscales peuvent accorder une remise totale ou partielle pour toute somme qui leur est due si la perception de ladite somme est inéquitable ("unbillig") dans le particulier; sous les mêmes conditions, elles peuvent rembourser des sommes déjà payées ou accorder un crédit correspondant.

9. Le droit allemand admet deux séries de situations dans lesquelles l' articles 227 est susceptible de s' appliquer; il s' agit, d' une part, des cas dans lesquels il existe des raisons "matérielles" ou "objectives" d' éteindre la dette pour des raisons d' équité ("sachliche Billigkeitsgruende") et, d' autre part, des cas dans lesquels les motifs sont d' ordre "personnel" ou "subjectif" ("persoenliche Billigkeitsgruende"); voir Tipke/Kruse, Abgabenordnung (14ème édition, Cologne 1991), article 227, paragraphes 19 à 40 et 41 à 54. Dans le premier type de situation, le débiteur est libéré de son obligation de payer en raison du fait qu' il entre dans une catégorie de cas pour lesquels le législateur aurait dû légiférer afin de tenir compte de droits fondamentaux ou afin de réaliser sa propre intention législative, mais a omis de le faire. L' application de ce principe d' iniquité "objective" peut donc avoir pour effet de limiter l' éventail des situations dans lesquelles il y a lieu à un paiement et modifier ainsi implicitement la portée des dispositions qui imposent la redevance concernée.

10. Au contraire, les motifs d' équité sont "personnels" ou "subjectifs" lorsque la remise de dette est accordée en raison de la situation personnelle du débiteur. Le critère d' application de ce principe d' iniquité "personnelle" ne fait pas intervenir la question de savoir si le législateur aurait pu ou dû légiférer pour une série de cas englobant celui du débiteur, mais la question de savoir s' il serait injuste de procéder au recouvrement de la somme due, compte tenu de la situation financière dudit débiteur. Au nombre des motifs justifiant ce type de remise de dette peut figurer le cas où la perception de la somme due compromettrait l' aptitude du débiteur à continuer d' exercer son activité: voir Tipke/Kruse, ibidem, paragraphe 45. L' application de ce principe d' iniquité personnelle peut cependant tenir compte du comportement de la personne qui demande la remise de dette, ainsi que de sa situation. Par exemple, une personne qui aurait inconsidérément laissé ses dettes s' accumuler pendant un certain nombre d' années ou qui aurait commis d' autres négligences risque d' avoir des difficultés à obtenir la remise de sa dette; inversement, une personne qui est victime d' une catastrophe naturelle ou d' une maladie, et non de sa propre négligence ou de sa prodigalité...

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