Hein Persche v Finanzamt Lüdenscheid.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:561
Date14 October 2008
Celex Number62007CC0318
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-318/07

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 14 octobre 2008 (1)

Affaire C‑318/07

Hein Persche

contre

Finanzamt Lüdenscheid

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesfinanzhof (Allemagne)]

«Libre circulation des capitaux – Impôts sur le revenu – Déductibilité des dons en nature faits à des organismes poursuivant des finalités d’intérêt général ayant leur siège dans un autre État membre – Condition de résidence sur le territoire national»





I – Introduction

1. Dans la présente affaire, la Cour est, en substance, interrogée sur la question de savoir si un don en nature, accordé par un résident d’un État membre à un organisme (2) étranger reconnu d’intérêt général dans son État membre d’origine, relève des dispositions du traité CE relatives à la libre circulation des capitaux et, le cas échéant, si l’État membre de résidence du donateur peut, sans méconnaître les articles 56 CE et 58 CE, réserver la déduction fiscale d’un tel don à la condition qu’il soit réalisé au profit d’un organisme situé sur son territoire.

2. Cette demande a été présentée par le Bundesfinanzhof (Allemagne) dans le cadre d’un litige opposant M. Persche au Finanzamt Lüdenscheid (centre des impôts de Lüdenscheid, ci-après le «Finanzamt») au sujet de la déductibilité fiscale d’un don en nature effectué au profit d’un organisme, situé au Portugal et reconnu d’intérêt général dans cet État membre, dans le cadre de l’imposition des revenus du requérant au principal pour l’année 2003.

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

3. Aux termes de l’article 56, paragraphe 1, CE, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.

4. L’article 58, paragraphe 1, CE dispose:

«L’article 56 ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres:

a) d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis;

b) de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale ou en matière de contrôle prudentiel des établissements financiers, […] ou de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l’ordre public ou à la sécurité publique.»

5. L’article 58, paragraphe 3, CE prévoit que les mesures et les procédures visées audit paragraphe 1 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 56 CE.

6. L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs (3), telle que modifiée par la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise(4), (ci‑après la «directive 77/799»), prévoit:

«Les autorités compétentes des États membres échangent, conformément à la présente directive, toutes les informations susceptibles de leur permettre l’établissement correct des impôts sur le revenu et sur la fortune […].»

7. L’article 2 de la directive 77/799 énonce:

«1. L’autorité compétente d’un État membre peut demander à l’autorité compétente d’un autre État membre de lui communiquer les informations visées à l’article 1er, paragraphe 1, en ce qui concerne un cas précis. L’autorité compétente de l’État requis n’est pas tenue de donner une suite favorable à cette demande lorsqu’il apparaît que l’autorité compétente de l’État requérant n’a pas épuisé ses propres sources habituelles d’information, qu’elle aurait pu, selon les circonstances, utiliser pour obtenir les informations demandées sans risquer de nuire à l’obtention du résultat recherché.

2. En vue de la communication des informations visées au paragraphe 1, l’autorité compétente de l’État membre requis fait effectuer, s’il y a lieu, les recherches nécessaires pour obtenir ces informations.»

8. L’article 8 de la directive 77/799 dispose:

«1. La présente directive n’impose pas l’obligation de faire effectuer des recherches ou de transmettre des informations lorsque la législation ou la pratique administrative de l’État membre qui devrait fournir les informations n’autorisent l’autorité compétente ni à effectuer ces recherches ni à recueillir ou à utiliser ces informations pour les propres besoins de cet État.

[…]

3. L’autorité compétente d’un État membre peut refuser la transmission d’informations lorsque l’État intéressé n’est pas en mesure de fournir une transmission d’informations équivalentes pour des raisons de fait ou de droit.»

B – Le droit fiscal allemand relatif à l’imposition des revenus des personnes physiques

9. En vertu de l’article 10b, paragraphe 1, de la loi relative à l’impôt sur le revenu (Einkommensteuergesetz), les contribuables peuvent déduire du total de leurs revenus, à titre de charges exceptionnelles déductibles et dans certaines limites, les versements effectués au profit d’œuvres ayant un caractère philanthropique, cultuel, religieux, scientifique et des œuvres reconnues d’utilité publique. En vertu du paragraphe 3 du même article, cela vaut également pour les dons en nature.

10. Selon l’article 49 du règlement d’application de la loi relative à l’impôt sur le revenu (Einkommensteuer-Durchführungsverordnung), la déductibilité fiscale est limitée aux dons dont le bénéficiaire est soit une personne morale nationale de droit public ou un service public national, soit une personne morale, un groupement de personnes ou une masse de biens au sens de l’article 5, paragraphe 1, point 9, de la loi relative à l’impôt sur les sociétés (Körperschaftsteuergesetz). Cette dernière disposition définit les personnes morales, les groupements de personnes et les masses de biens (ci-après les «organismes») qui sont exonérés de l’impôt sur les sociétés, à savoir ceux qui, en application de leur statut et eu égard à leur gestion effective, poursuivent exclusivement et directement des fins d’intérêt général, philanthropiques ou cultuelles. Toutefois, cette exonération ne s’applique qu’aux organismes établis sur le territoire allemand conformément aux termes de l’article 5, paragraphe 2, point 2, de la loi relative à l’impôt sur les sociétés.

11. En vertu de l’article 50, paragraphe 1, du règlement d’application de la loi relative à l’impôt sur le revenu, les dons au sens de l’article 10b de la loi relative à l’impôt sur le revenu – sous réserve des dispositions spéciales applicables aux dons d’une valeur maximale de 100 euros – ne peuvent être déduits que sur présentation d’un formulaire administratif rempli par l’organisme bénéficiaire.

12. Dans le cadre de l’imposition du donateur au titre de l’impôt sur le revenu, ledit formulaire constitue une preuve suffisante que le bénéficiaire du don remplit les conditions imposées par la loi. Il n’incombe donc pas à l’administration fiscale du donateur de contrôler le respect par l’organisme bénéficiaire des conditions qui ouvrent droit aux avantages fiscaux.

13. Les articles 51 à 68 du code général des impôts allemand (Abgabenordnung, ci‑après l’«AO») définissent les fins qu’un organisme doit poursuivre et la manière dont ces fins doivent être poursuivies pour bénéficier de l’exonération fiscale.

14. Ainsi, l’article 52, paragraphes 1 et 2, point 2, de l’AO prévoit qu’un organisme exerce son activité à des fins d’intérêt général lorsque son activité vise à promouvoir les intérêts de la collectivité, notamment par le soutien de l’aide à l’enfance et aux personnes âgées. Conformément à l’article 55 de l’AO, l’organisme doit agir de manière désintéressée, ce qui signifie, notamment, qu’il doit employer ses moyens en temps utile et exclusivement aux fins fiscalement favorisées et non au profit de ses membres. En vertu de l’article 59 de l’AO, un tel organisme ne peut bénéficier de l’avantage fiscal litigieux que si ses statuts font apparaître qu’il poursuit exclusivement et directement des fins qui réunissent les conditions définies aux articles 52 à 55 de l’AO.

15. Conformément aux articles 193 et suivants de l’AO, la question de savoir si un organisme est effectivement géré de manière conforme à ses statuts et si ses moyens sont employés de manière désintéressée et en temps utile peut être vérifiée par un contrôle sur place. Si l’organisme remplit les conditions ouvrant droit à l’exonération fiscale, celui-ci est en droit de délivrer des reçus pour les dons qui lui sont faits, en utilisant le formulaire administratif précédemment mentionné.

III – Le litige au principal et les questions préjudicielles

16. Dans sa déclaration de revenus pour l’année 2003, M. Persche a demandé la déduction, au titre de charges exceptionnelles déductibles, d’un don en nature de linges de lit et de bain, ainsi que de déambulateurs et d’automobiles miniatures pour enfants. Ce don a été réalisé au profit du Centro Popular de Lagoa (Portugal, ci-après le «Centro Popular») pour une valeur totale de 18 180 euros. Il n’a pas été précisé où le requérant s’est procuré et a payé les objets énumérés. Le Centro Popular est une maison de retraite à laquelle est rattaché un foyer d’enfants, qui se situe dans une localité où le requérant possède un logement qu’il utilise personnellement tous les ans.

17. Le requérant a joint à sa déclaration fiscale un document par lequel le Centro Popular confirme la réception de ce don, ainsi qu’une déclaration du directeur du centre local pour la solidarité et l’assurance sociale de Faro (Portugal), en date du 21 mars 2001, certifiant que le Centro Popular a été enregistré en 1982 auprès de la direction générale de l’action sociale comme organisme...

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