Football Dataco Ltd and Others v Yahoo! UK Ltd and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:848
Date15 December 2011
Celex Number62010CC0604
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-604/10
62010CC0604

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 15 décembre 2011 ( 1 )

Affaire C-604/10

Football Dataco Ltd,

Football Association Premier League Ltd,

Football League Limited,

Scottish Premier League Ltd,

Scottish Football League,

PA Sport UK Ltd

contre

Yahoo! UK Limited,

Stan James (Abingdon) Limited,

Stan James PLC,

Enetpulse APS

[demande de décision préjudicielle formée par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division)(Royaume-Uni)]

«Directive 96/9/CE — Protection juridique des bases de données — Calendrier des championnats de football — Droit d’auteur»

1.

Dans la présente affaire, la Cour est appelée à compléter sa propre jurisprudence s’agissant de la possibilité d’accorder une protection au calendrier d’un championnat de football sur le fondement de la directive 96/9/CE (ci-après la «directive») ( 2 ). En 2004, la Cour a déclaré que de tels calendriers ne peuvent, en principe, pas jouir de la protection sur la base du droit sui generis prévu par la directive. Il y a à présent lieu de vérifier, pour compléter le cadre, si est applicable, et à quelles conditions, la protection conférée par le droit d’auteur.

I – Le cadre normatif

2.

La directive prévoit qu’une base de données peut bénéficier de deux types de protection différents. En premier lieu, la protection garantie par le droit d’auteur, définie dans les termes suivants à l’article 3:

«1. Conformément à la présente directive, les bases de données qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent une création intellectuelle propre à leur auteur sont protégées comme telle par le droit d’auteur. Aucun autre critère ne s’applique pour déterminer si elles peuvent bénéficier de cette protection.

2. La protection des bases de données par le droit d’auteur prévue par la présente directive ne couvre pas leur contenu et elle est sans préjudice des droits subsistant sur ledit contenu.»

3.

L’article 7 de la directive prévoit également un autre type de protection, sui generis, pour les bases de données dont la préparation a nécessité «un investissement substantiel»:

«1. Les États membres prévoient pour le fabricant d’une base de données le droit d’interdire l’extraction et/ou la réutilisation de la totalité ou d’une partie substantielle, évaluée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de celle-ci, lorsque l’obtention, la vérification ou la présentation de ce contenu attestent un investissement substantiel du point de vue qualitatif ou quantitatif.

[…]

4. Le droit visé au paragraphe 1 s’applique indépendamment de la possibilité pour la base de données d’être protégée par le droit d’auteur ou par d’autres droits. En outre, il s’applique indépendamment de la possibilité pour le contenu de cette base de données d’être protégé par le droit d’auteur ou par d’autres droits. La protection des bases de données par le droit visé au paragraphe 1 est sans préjudice des droits existant sur leur contenu.»

4.

L’article 14 de la directive porte sur son application dans le temps. Elle indique notamment, au paragraphe 2, la règle à appliquer pour le cas où une base de données serait protégée par le droit d’auteur avant l’entrée en vigueur de la directive, mais ne répondrait pas aux critères d’éligibilité à la protection sur le fondement de la directive elle-même:

«[…] lorsqu’une base de données qui est protégée par un régime de droit d’auteur dans un État membre à la date de publication de la présente directive ne répond pas aux critères d’éligibilité à la protection au titre du droit d’auteur prévus à l’article 3, paragraphe 1, la présente directive n’a pas pour effet d’abréger dans cet État membre le délai de protection accordé au titre du régime susmentionné restant à courir.»

II – Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

5.

Les sociétés Football Dataco Ltd e.a. organisent le championnat de football anglais et écossais. Dans ce contexte, elles élaborent et rendent publique la liste de toutes les rencontres qui seront disputées chaque année dans le cadre de ces championnats. Les parties défenderesses, Yahoo! UK Limited e.a. (ci-après «Yahoo e.a.») utilisent les calendriers de football en question pour donner des nouvelles ainsi que des informations et/ou organiser des paris.

6.

Football Dataco Ltd e.a. demandent en substance à Yahoo e.a. le paiement de droits pour l’utilisation des calendriers de football qu’elles ont élaborés. Elles revendiquent une protection de leurs calendriers, sur la base de la directive, aussi bien au titre du droit d’auteur qu’au titre du droit sui generis.

7.

Les juges nationaux ont exclu la protection sur le fondement du droit sui generis, car la Cour s’est déjà prononcée récemment sur ce point et de manière limpide, dans quatre arrêts prononcés par la grande chambre en novembre 2004 ( 3 ). Considérant, en revanche, encore ouverte la problématique relative à une possible protection sur le fondement du droit d’auteur, qui n’avait pas été soulevée dans le cadre des affaires tranchées en 2004, la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni) a sursis à statuer et a déféré les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Qu’entend-on, à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données, par ‘bases de données qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent une création intellectuelle propre à leur auteur’, et plus spécifiquement:

a)

les efforts intellectuels et le savoir-faire mis en œuvre dans la création de données doivent-ils être exclus?

b)

‘[L]e choix ou la disposition’ impliquent-ils un ajout significatif à la donnée préexistante (comme dans le cas de la fixation de la date d’une rencontre de football)?;

c)

La ‘création intellectuelle propre à [l’]auteur’ requiert-elle plus qu’un travail et un savoir-faire significatifs de la part de l’auteur, et, dans l’affirmative, que requiert-elle?

2.

La directive fait-elle obstacle aux droits d’auteur nationaux sur les bases de données, autres que ceux prévus par la directive?»

III – Sur la première question préjudicielle

8.

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande à la Cour de préciser, en substance, à quelles conditions une base de données peut, au sens de la directive, être protégée par le droit d’auteur. Afin de pouvoir répondre de manière appropriée, il convient en premier lieu de récapituler la jurisprudence de la Cour relative aux calendriers de football, puis de vérifier quels sont les rapports entre les deux types de protection envisageables sur le fondement de la directive: le droit d’auteur, d’une part, et le droit sui generis, d’autre part.

A – La jurisprudence de la Cour en la matière

9.

La jurisprudence de la Cour en matière de protection des bases de données, et je me réfère notamment aux arrêts précités du 9 novembre 2004, Fixtures Marketing (C-46/02); The British Horseracing Board e.a.; Fixtures Marketing (C-338/02), ainsi que Fixtures Marketing (C-444/02), a précisé deux points fondamentaux qui doivent être pris en considération dans le cadre de l’examen des présentes questions préjudicielles.

10.

En premier lieu, un calendrier de football, même si constitué d’une simple liste de rencontres, doit être qualifié de base de données au sens de la directive ( 4 ). Ce point est acquis tant pour la juridiction de renvoi que pour tous les sujets qui ont présenté des observations. Partant, il n’y a pas lieu d’y consacrer plus d’attention.

11.

En second lieu, un calendrier de football ne satisfait pas aux critères nécessaires, au sens de l’article 7 de la directive, à la protection d’une base de données par le droit sui generis. En effet, l’élaboration d’un calendrier, c’est-à-dire l’insertion, dans une liste ordonnée, d’une série d’éléments préexistants (les données relatives à chaque rencontre) ne nécessite aucun investissement substantiel aux fins de l’obtention, de la vérification, ou de la présentation des données ( 5 ). Cet aspect également, comme je l’ai indiqué précédemment, a été considéré comme établi par la juridiction de renvoi (bien que certaines parties à l’affaire au principal aient cherché à faire déférer à la Cour des questions relatives également au droit sui generis), qui a donc limité ses questions à la protection sur le fondement du droit d’auteur.

B – La relation entre la protection fondée sur le droit d’auteur et la protection sui generis

12.

Un autre point doit nécessairement être résolu avant l’examen de la première question. Il s’agit de la relation entre les deux types de protection prévus par la directive. On pourrait en effet s’interroger, eu égard aux libellés des dispositions applicables, sur l’existence d’un rapport hiérarchique entre la protection fondée sur le droit d’auteur et la protection sui generis. Une telle interprétation, corroborée par des avis faisant autorité ( 6 ) et invoquée indirectement dans le cadre de certaines observations formulées à l’audience, implique que la protection sui generis serait une protection de second ordre, qui pourrait être reconnue dans le cas où une base de données ne posséderait pas l’originalité nécessaire à la protection par le droit d’auteur. Dans ce cas, le fait que la Cour a exclu, dans ses arrêts précités du 9 novembre 2004, Fixtures Marketing (C-46/02); The British Horseracing Board e.a.; Fixtures Marketing (C-338/02), ainsi que Fixtures Marketing (C-444/02), la protection sui generis (pour ainsi dire «inférieure») pour les championnats de football exclurait automatiquement aussi la...

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