Carlo Bagnasco and Others v Banca Popolare di Novara soc. coop. arl. (BNP) (C-215/96) and Cassa di Risparmio di Genova e Imperia SpA (Carige) (C-216/96).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1998:7
Docket NumberC-215/96,C-216/96
Celex Number61996CC0215
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date15 January 1998
EUR-Lex - 61996C0215 - FR 61996C0215

Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 15 janvier 1998. - Carlo Bagnasco e.a. contre Banca Popolare di Novara soc. coop. arl. (BNP) (C-215/96) et Cassa di Risparmio di Genova e Imperia SpA (Carige) (C-216/96). - Demandes de décision préjudicielle: Tribunale civile e penale di Genova - Italie. - Concurrence - Articles 85 et 86 du traité CE - Conditions bancaires uniformes relatives à l'ouverture d'un crédit en compte courant et au cautionnement général. - Affaires jointes C-215/96 et C-216/96.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-00135


Conclusions de l'avocat général

1 La présente affaire a pour origine deux litiges pendants devant le Tribunale di Genova au cours desquels s'est posée la question de la compatibilité avec les articles 85 et 86 du traité CE de certaines conditions générales, appelées conditions bancaires uniformes (ci-après les «CBU») que l'Associazione Bancaria Italiana (ci-après l'«ABI») impose à ses membres lorsque ceux-ci concluent avec leurs clients des contrats d'ouverture de crédit en compte courant et des contrats de cautionnement général (fideiussione omnibus) destinés à garantir l'ouverture de crédits.

Le litige au principal

2 Les demandeurs au principal, M. Carlo Bagnasco, en tant que débiteur principal, et ses cautions, en tant que débiteurs solidaires, se sont pourvus devant le Tribunale di Genova contre deux injonctions à payer, exécutoires par provision, que son président leur avait adressées le 18 juin 1992.

3 Dans le litige qui est à l'origine de l'affaire C-215/96, l'injonction présidentielle faisait ordre à M. Bagnasco et à ses cautions de payer à la Banca Popolare di Novara (ci-après la «BPN») la somme de 222 440 332 LIT pour les motifs suivants:

- 170 440 332 LIT au titre du solde débiteur du compte courant n_ 1360/320/30 ouvert au nom de M. Bagnasco par contrat du 8 octobre 1991, somme majorée d'intérêts à partir du 1er avril 1992 au taux de 17 %;

- 9 400 000 LIT, solde débiteur du compte courant n_ 14336/33E/30 ouvert au nom de M. Bagnasco par contrat du 27 décembre 1991, somme majorée d'intérêts à partir du 1er avril 1992 au taux de 17,50 %;

- 21 600 000 LIT, correspondant au montant de quatre billets à ordre, escomptés à l'époque par la banque et émis par l'entreprise individuelle Fidaurum, de M. Bagnasco, pour lesquels les autres demandeurs ont donné, le 22 janvier 1992, leur aval pour un montant de 5 400 000 LIT, chacun, le total devant être majoré d'intérêts à partir du 22 mai 1992 au taux légal de 10 %, et

- 21 000 000 LIT pour des effets à charge de Mme Sbardella, escomptés et crédités au compte courant, «sous réserve de paiement par le débiteur principal», comme cela résulte des bordereaux signés par M. Bagnasco, et pour la constitution, à titre de gage, toujours à charge de Mme Sbardella, d'effets escomptés par M. Bagnasco. Ce montant doit lui aussi être majoré d'intérêts au taux de 15 % à partir de la date de l'ordonnance en injonction de paiement.

4 Dans le litige qui est à l'origine de l'affaire C-216/96, l'injonction présidentielle faisait ordre à M. Bagnasco et à ses cautions de payer à la Cassa di Risparmio di Genova e Imperia (Carige) Spa (ci-après la «Carige») la somme de 124 119 497 LIT pour les motifs suivants:

- 48 798 664 LIT, solde débiteur du compte n_ 14445/20/106 ouvert au nom de M. Bagnasco par contrat du 28 août 1989, somme majorée d'intérêts à partir du 11 juin 1992 au taux de 17,50 %;

- 75 320 833 LIT au titre d'une «avance bancaire» de 95 000 000 LIT pour laquelle M. Bagnasco avait émis dix-neuf billets à ordre, somme majorée d'intérêts à partir du 11 juin 1992 au taux de 15 %.

5 Les injonctions à payer étaient également adressées aux cautions de M. Bagnasco, en leur qualité de débiteurs solidaires, en raison de l'aval qu'ils avaient donné pour les billets à ordre impayés et du cautionnement général auquel ils avaient souscrit le 7 février 1990 jusqu'à un montant maximum de 300 000 000 LIT (affaire C-215/96) et le 28 novembre 1989 jusqu'à un montant maximum de 195 000 000 LIT (affaire C-216/96).

6 M. Bagnasco et ses cautions ont fait opposition aux injonctions de paiement et demandé à la juridiction de déclarer que les CBU appliquées par les banques italiennes aux contrats d'ouverture de crédit en compte courant et aux contrats de cautionnement général sont incompatibles avec les articles 85 et 86 du traité.

7 Le Tribunale di Genova n'a pas estimé nécessaire d'interroger la Cour sur l'effet direct des articles 85 et 86 ni de lui demander si les CBU constituent une décision d'association d'entreprises au sens de l'article 85. Il est manifeste, en effet, que la réponse est affirmative dans les deux cas. Néanmoins, la juridiction de renvoi conçoit des doutes quant à la compatibilité avec les articles 85 et 86 de certaines clauses des CBU applicables aux contrats d'ouverture de crédit en compte courant et aux contrats de cautionnement général.

8 En ce qui concerne les contrats d'ouverture de crédit en compte courant, le Tribunale di Genova estime que seul importe le mécanisme de fixation du taux d'intérêt, taux qui représente le prix du service fourni. M. Bagnasco considère, quant à lui, que le prix du crédit (c'est-à-dire de l'accès aux facilités de caisse) est fixé selon une procédure qui ne laisse au client aucune marge raisonnable de prévisibilité.

La juridiction nationale a constaté que l'article 2 des contrats que M. Bagnasco a conclus avec la BPN prévoit l'application d'un intérêt annuel de 17 % et de 17,5 % respectivement, intérêts auxquels s'ajoute une commission de 1/8 % sur le solde débiteur maximum pour chaque trimestre ou fraction de trimestre écoulés. Le contrat qu'il a conclu avec la Carige prévoit, quant à lui, un taux d'intérêt annuel de 14 %, auquel s'ajoute une commission de 1/8 % sur le solde débiteur maximum par trimestre. L'une et l'autre banque ont stipulé que les intérêts pourraient être augmentés ou diminués en fonction des variations intervenues sur le marché monétaire. L'article 12 du contrat de la BPN dispose en outre que «les banques ont la faculté de changer les taux d'intérêt à tout moment ... moyennant une communication affichée dans leurs locaux ou de la manière qu'elles considéreront la plus adéquate».

Selon la juridiction italienne, parmi les éléments qui précèdent, seule la détermination initiale du taux débiteur et de la commission à verser sur le solde débiteur maximum est le fruit d'une négociation directe entre les parties. Or, cet élément du contrat voit sa portée largement restreinte par les CBU qui confèrent à la banque le droit d'augmenter les intérêts (à tout moment, la chose étant portée à la connaissance des clients au moyen d'une communication affichée dans leurs agences «ou de la manière qu'elles considéreront la plus adéquate»), «en raison des variations intervenues sur le marché monétaire», c'est-à-dire selon des taux de variation qui ne peuvent pas, ou du moins pas aisément, être prévus par le client moyen. L'article 1284 du code civil italien (ci-après le «CC») fixe à 10 % annuels le taux d'intérêt légal et exige que les taux supérieurs au taux légal soient «stipulés par écrit», à peine d'être remplacés par le taux d'intérêt légal. Ainsi donc, seule la forme écrite garantit la détermination et la quantification concrètes du taux convenu, même si cela ne se traduit pas nécessairement par une indication chiffrée du taux sur lequel les parties se sont mises d'accord, mais intervient éventuellement par un calcul automatique qui devra se faire sur la base de données objectives et accessibles. Or, en l'espèce, ce taux n'a été désigné que par une référence générale aux «variations intervenues sur le marché monétaire» et à un mécanisme qui a pour conséquence de renforcer le pouvoir de la banque de décider du moment où s'effectuent les variations ainsi que des modalités de leur communication au client.

9 En ce qui concerne les contrats de cautionnement général auxquels les clients doivent souscrire lorsqu'ils veulent obtenir l'ouverture d'un crédit, la juridiction nationale estime que les clauses pertinentes des CBU et des contrats qu'elle a examinés dans le cadre des deux litiges pendants devant elle sont celles qui portent sur les points suivants:

- l'engagement à fournir une caution «au taux d'intérêt prévu pour l'opération garantie et, en toute hypothèse, à un taux non inférieur au taux bancaire courant», «pour satisfaire à toute obligation envers la banque, pour toutes opérations bancaires, quelle que soit leur nature, que le débiteur (ou quiconque lui serait subrogé) y ait déjà été autorisé ou doive l'être par la suite», opérations dont la liste est énoncée ensuite; le cautionnement garantit, par ailleurs, «toute autre obligation que le débiteur principal se trouve avoir, à un quelconque moment, envers la banque en raison de garanties qu'il lui a déjà fournies dans l'intérêt des tiers ou qu'il devra lui fournir à l'avenir» (clause qui amorce ainsi un «cautionnement du cautionnement» qui est susceptible d'être étendu, en ce qui concerne les personnes concernées, de manière pratiquement illimitée et incontrôlable);

- l'obligation pour la caution de se tenir au courant de la situation patrimoniale du débiteur et, notamment, de s'informer auprès de celui-ci de l'évolution de ses rapports avec la banque, qui est dispensée de demander à celui qui se porte caution l'autorisation spéciale prévue par l'article 1956 du CC (1);

- l'exonération de l'obligation d'agir dans le délai prévu par l'article 1957 du CC (2) que la caution accorde à la banque de manière à demeurer tenue par dérogation à la disposition précitée «même si la banque n'a pas introduit d'action contre le débiteur et les co-débiteurs éventuels et n'a pas poursuivi cette action avec diligence», la caution demeurant ainsi tenue solidairement «jusqu'à l'extinction totale de la dette...

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