Grupo Itevelesa SL and Others v OCA Inspección Técnica de Vehículos SA and Generalidad de Cataluña.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:351
Date03 June 2015
Celex Number62014CC0168
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-168/14
62014CC0168

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 3 juin 2015 ( 1 )

Affaire C‑168/14

Grupo Itevelesa SL,

Applus Iteuve Technology,

Certio ITV SL,

Asistencia Técnica Industrial SAE

contre

OCA Inspección Técnica de Vehículos SA

et

Generalidad de Cataluña

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Supremo (Espagne)]

«Directive 2006/123/CE — Services dans le marché intérieur — Directive 2009/40/CE — Contrôle technique des véhicules à moteur — Règles applicables aux services dans le domaine des transports — Liberté d’établissement — Activité confiée à des organismes de droit privé autorisés — Exercice de l’autorité publique — Prescriptions relatives à la situation géographique et à la part de marché»

1.

Le bon fonctionnement du marché intérieur suppose qu’il existe des moyens de transport adéquats, ce qui requiert de faire de la sécurité routière une priorité absolue. Cela est reconnu en matière de politique de l’Union européenne, laquelle fixe un objectif de zéro décès dans les transports routiers d’ici à 2050 ( 2 ).

2.

Le contrôle technique périodique des véhicules à moteur (ci‑après le «contrôle technique des véhicules» ou le «contrôle technique») vise à rendre les transports routiers plus sûrs. Dans la présente affaire, qui concerne notamment la compatibilité avec le droit de l’Union de certaines dispositions catalanes relatives au contrôle technique, ce dernier est effectué par des opérateurs privés et non par des autorités publiques. Dans ce contexte, le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) demande conseil sur un certain nombre de questions relatives à i) l’applicabilité de la directive 2006/123/CE ( 3 ); ii) la notion d’«exercice de l’autorité publique» et iii) la compatibilité avec les règles du droit de l’Union relatives à la libre circulation du système catalan d’autorisation des centres de contrôle technique des véhicules.

3.

Pour résumer, selon moi, ce sont les États membres qui sont les mieux placés pour déterminer si des opérateurs privés peuvent effectuer le contrôle technique des véhicules et comment réglementer cette activité, à condition de respecter le droit de l’Union. Dans la présente affaire, pour les raisons exposées ci‑après, je crains que le droit de l’Union n’ait pas été entièrement respecté.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. La directive «services»

4.

Conformément à l’article 2, paragraphe 1, de la directive «services», intitulé «Champ d’application», celle‑ci s’applique aux services fournis par les prestataires ayant leur établissement dans un État membre, sauf certaines exceptions prévues à l’article 2, paragraphe 2. La directive ne s’applique ni, conformément à l’article 2, paragraphe 2, sous d), aux «services dans le domaine des transports […] qui entrent dans le champ d’application du [titre VI du traité FUE]» ni, conformément à l’article 2, paragraphe 2, sous i), aux «activités participant à l’exercice de l’autorité publique conformément à l’article [51 TFUE]».

5.

L’article 3, paragraphe 3, de la directive «services», intitulé «Relation avec les autres dispositions du droit communautaire», prévoit que «[l]es États membres appliquent les dispositions de la présente directive conformément aux règles du traité régissant le droit d’établissement et la libre circulation des services».

2. La directive 2009/40/CE ( 4 )

6.

La directive 2009/40 a été adoptée sur la base de l’article 71 CE (devenu article 71 TFUE) et a abrogé la directive 96/96/CE ( 5 ).

7.

Les articles 1er, paragraphe 1, et 2 de la directive 2009/40 (qui figurent dans le chapitre «Dispositions générales») prévoient, respectivement, que les véhicules à moteur immatriculés dans un État membre sont soumis à un contrôle technique périodique. Ce contrôle doit être effectué par l’État membre, ou par un organe à vocation publique chargé par lui de cette tâche, ou par des organismes ou des établissements désignés par lui, habilités pour la circonstance et agissant sous sa surveillance directe.

B – Le droit espagnol

8.

En Catalogne, les articles 34 à 38 de la loi no 12/2008 ( 6 ) régissent le contrôle technique périodique. Conformément à l’article 35 de cette loi, les opérateurs des centres de contrôle technique des véhicules ont notamment pour fonctions d’effectuer le contrôle technique des véhicules et d’empêcher l’utilisation des véhicules qui, lors du contrôle, présentent des défauts de sécurité entraînant un danger imminent. L’article 36 de cette loi impose certaines conditions à ces opérateurs et l’article 37 concerne leur autorisation. Ces conditions sont précisées par les décrets du gouvernement de la Generalidad de Cataluña (Généralité de Catalogne) no 30/2010 ( 7 ) et no 45/2010 ( 8 ) (ci‑après les «décrets litigieux»).

9.

En particulier, l’article 73 du décret no 30/2010 prévoit que les centres de contrôle technique doivent se conformer au plan territorial. En outre, l’article 74 de ce décret interdit à toute entreprise autorisée (ou groupe d’entreprises autorisé) ( 9 ) d’avoir une part de marché supérieure à 50 % ( 10 ). De surcroît, l’article 75 de ce même décret fixe des distances minimales autorisées entre centres de contrôle technique autorisés d’une même entreprise ou d’un même groupe d’entreprises ( 11 ).

II – Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

10.

Le 5 mai 2010, OCA Inspección Técnica de Vehículos SA (ci‑après «OCA»), un opérateur de centres de contrôle technique, a introduit un recours auprès du Tribunal Superior de Justicia de Cataluña (Cour supérieure de justice de Catalogne), ayant pour objet un contrôle juridictionnel des décrets litigieux. L’argument principal avancé par OCA était (et est toujours) que les conditions auxquelles est soumis le système d’autorisation des centres de contrôle technique enfreindrait la directive «services» et l’article 49 TFUE.

11.

Quatre autres opérateurs de sites de contrôle technique, Grupo Itelevesa SL (ci‑après «Itelevesa»), Applus Iteuve Technology (ci‑après «Applus»), Certio ITV SL (ci‑après «Certio»), Asistencia Técnica Industrial SAE (ci‑après «ATI») ainsi que la Generalidad de Cataluña ont présenté des observations au soutien de la validité des décrets litigieux.

12.

Par décision du 25 avril 2012, le Tribunal Superior de Justicia a fait droit au recours d’OCA en considérant que le système d’autorisation était incompatible avec la législation espagnole transposant la directive «services». Par conséquent, il a annulé un certain nombre de dispositions du décret no 30/2010, ainsi que le décret no 45/2010 dans son intégralité.

13.

Contrairement aux quatre autres opérateurs de sites de contrôle technique, la Generalidad de Cataluña n’a pas fait appel de cette décision devant la juridiction de renvoi. Elle a, cependant, demandé à la juridiction de renvoi, le 15 janvier 2014, de lui accorder le statut de défendeur dans la procédure d’appel, ce que le Tribunal Supremo a accepté le 20 janvier 2014.

14.

Premièrement, le Tribunal Supremo émet des doutes quant à l’interprétation de la notion de «services dans le domaine des transports». Deuxièmement, il demande si les opérateurs de centres de contrôle technique exercent des activités relevant de l’exercice de l’«autorité publique». Troisièmement, la juridiction de renvoi met en doute la possibilité même de recourir à un système d’autorisation des centres de contrôle technique ainsi que certaines conditions imposées dans le cadre de ce système, relatives, notamment, aux distances minimales et aux parts de marché détenues (ci‑après «les conditions litigieuses»). Dans ces conditions, nourrissant des doutes quant à la compatibilité des décrets litigieux avec le droit de l’Union, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour des questions préjudicielles suivantes:

«1)

L’article 2, paragraphe 2, sous [d]), de la directive 2006/123/CE du Parlement et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur exclut‑il du champ d’application de ladite directive les activités de contrôle technique des véhicules lorsque celles‑ci sont réalisées, conformément aux dispositions nationales, par des entités commerciales privées sous la supervision de l’administration d’un État membre?

2)

En cas de réponse négative à la première question (c’est‑à‑dire si les activités de contrôle technique des véhicules relèvent, en principe, du champ d’application de la directive 2006/123/CE), le motif d’exclusion prévu à l’article 2, paragraphe 2, sous i), de ladite directive pourrait‑il s’appliquer du fait que les entités privées fournissant le service ont le pouvoir, à titre de mesure conservatoire, d’immobiliser les véhicules présentant des défauts de sécurité tels que leur circulation entraînerait un danger imminent?

3)

Si la directive 2006/123/CE est applicable aux activités de contrôle technique des véhicules, son interprétation combinée à celle de l’article 2 de la directive 2009/40/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, relative au contrôle technique des véhicules à moteur et de leurs remorques (ou à la disposition analogue de la directive 96/96/CE l’ayant précédée) permet‑elle, en tout état de cause, de soumettre ces activités à une autorisation administrative préalable? Les considérations faites au point 26 de l’arrêt de la Cour du 22 octobre 2009 (Commission/Portugal, C‑438/08) ont‑elles une incidence sur la réponse?

4)

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