Criminal proceedings against X.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1996:239
Docket NumberC-74/95,C-129/95
Celex Number61995CC0074
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date18 June 1996
61995C0074

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER

présentées le 18 juin 1996 ( *1 )

1.

Les présentes demandes préjudicielles ont été jointes par la Cour après avoir été introduites par la Procura della Repubblica presso la Pretura circondariale di Torino (Italie) et par le Giudice per le indagini preliminari (juge d'instruction) près la même Pretura circondariale.

2.

Les questions posées par le juge d'instruction ne l'ont été qu'à titre subsidiaire, le juge ayant estimé devoir saisir la Cour pour le cas où celle-ci jugerait la demande du ministère public irrecevable.

L'irrecevabilité des questions posées par la Procura della Repubblica

3.

Je dois indiquer d'emblée que le ministère public italien n'est pas une juridiction habilitée à se prévaloir de l'article 177 du traité CE et qu'il faut, en conséquence, déclarer irrecevable la demande préjudicielle qu'il a adressée à la Cour.

4.

La notion de juridiction au sens de l'article 177 du traité a été circonscrite par la Cour, qui a indiqué les critères auxquels un tel organe doit satisfaire, notamment l'origine légale, la permanence, la juridiction obligatoire, la procédure contradictoire et l'application de la règle de droit. La Cour a complété ces critères en soulignant, en particulier, la nécessité de l'indépendance dont doit jouir toute instance juridictionnelle ( 1 ).

5.

S'il est vrai qu'à une certaine époque, le ministère public italien a pu assumer certaines des fonctions caractéristiques des juges d'instruction en sus de ses propres fonctions d'institution de l'État chargée de l'exercice de l'action pénale ( 2 ), il n'en était pas ainsi à la date de l'introduction des demandes préjudicielles (à savoir au mois d'avril 1995).

6.

Aujourd'hui, la Procura della Repubblica italienne n'est plus qu'une partie au procès pénal qui tire sa qualité pour agir de son caractère public et qui exerce l'action pénale. Elle n'a donc pas pour fonction de trancher les litiges, mais uniquement de les soumettre à la connaissance de la juridiction compétente.

7.

Par conséquent, au moins deux des critères de recevabilité de la demande préjudicielle qui ont été définis par la Cour ne sont pas remplis en l'espèce:

a)

la Procura della Repubblica n'est pas un organe investi de juridiction obligatoire puisqu'elle n'est même pas une juridiction au sens strict;

b)

la Procura della Repubblica ne tranche pas les litiges après avoir entendu les parties au cours d'une procédure contradictoire dès lors qu'elle est elle-même partie à la procédure.

8.

Concrètement, il ressort de l'ordonnance rendue par le juge de renvoi le 18 avril 1995 que le rôle que le ministère public a joué au cours de l'instruction dans le cadre de laquelle les présentes questions préjudicielles ont été soulevées a été d'inviter le juge, par demande du 11 avril 1995, à ordonner une expertise que seul celui-ci pouvait ordonner ( 3 ).

9.

Il est donc clair que le rôle que la Procura della Repubblica a joué dans ces devoirs préliminaires est celui d'une simple partie qui demande l'administration de preuves au juge. Cette fonction n'a donc pas un caractère juridictionnel et, partant, elle n'autorise pas celui qui l'exerce à poser des questions préjudicielles à la Cour ( 4 ).

10.

Déclarer irrecevable la demande préjudicielle déférée à la Cour par le ministère public contribuera, au demeurant, à clarifier la notion de « juridiction » à laquelle se réfère l'article 177 du traité et dont l'interprétation dégagée par la Cour devrait peut-être être plus rigoureuse dans certains cas ( 5 ).

Les questions posées par le Giudice per le indagini preliminari

11.

Les questions déférées par la juridiction de renvoi se sont posées au cours de l'instruction d'une procédure pénale qui avait été engagée à l'encontre de personnes non identifiées après l'enquête que les inspecteurs de l'Unità sanitaria locale de Turin avaient menée sur l'utilisation des écrans de visualisation utilisés au siège de la société Telecom Italia.

12.

Soupçonnant l'existence d'infractions à la réglementation sur la protection des travailleurs qui utilisent des écrans de visualisation, le ministère public italien a demandé au Giudice per le indagini preliminari d'ordonner l'expertise à laquelle j'ai fait allusion plus haut.

13.

Le juge estime qu'avant de se prononcer sur la demande d'expertise que lui a faite le ministère public, il est nécessaire de vérifier si les conditions d'un éventuel délit sont remplies en l'espèce et, en particulier, s'il y a violation, telle que définie dans le decreto legislativo n° 626 ( 6 ), du 19 décembre 1994, des articles 50 à 59 de son titre V qui est consacré à l'utilisation d'équipements à écrans de visualisation.

14.

C'est la raison pour laquelle il a jugé bon d'adresser à la Cour différentes questions préjudicielles sur l'interprétation de la directive 90/270/CEE du Conseil, du 29 mai 1990, concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives au travail sur des équipements à écran de visualisation (cinquième directive particulière au sens de l'article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE) (ci-après la « directive ») ( 7 ).

15.

Le texte des questions posées par le juge est le suivant:

« En particulier, il serait intéressant de connaître son interprétation de l'article 2, sous c), lorsque la directive parle de travailleur ‘qui utilise de façon habituelle et pendant une partie non négligeable de son travail normal un équipement à écran de visualisation’ pour comprendre si cette disposition peut exclure les cas concrets décrits ci-dessus (utilisation toute la semaine mais pas toujours quatre heures consécutives par jour, ou utilisation plus de quatre heures consécutives, mais pas toute la semaine: par exemple plusieurs heures de suite par jour, pendant toute la semaine à l'exception d'un jour).

Par ailleurs, l'article 55 du decreto legislativo n° 626 de 1994 prescrit des contrôles médicaux périodiques uniquement aux travailleurs qui sont jugés aptes sous certaines conditions et à ceux qui ont plus de 45 ans et ne semble prévoir des examens spécialisés qu'à l'issue de la visite médicale préventive, et des contrôles ophtalmologiques qu'à la demande du travailleur. Et comme la demande du ministère public impose au juge de céans d'apprécier si les pauses accordées aux employés de la société Telecom et le contrôle médical dont ils font l'objet sont éventuellement inadaptés, il est également nécessaire de préciser au préalable la portée de l'article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive 90/270 afin de vérifier si le paragraphe 1 prescrit un ‘examen approprié des yeux et de la vue’ pour tous les travailleurs, ou s'il le limite à des catégories déterminées (en le rattachant éventuellement à des données issues du dossier personnel de l'intéressé) et si le paragraphe 2 impose l'examen ophtalmologique non seulement à l'issue de la visite médicale préventive, mais aussi à l'issue de la visite périodique.

Étant donné, enfin, que les résultats des vérifications techniques figurant au dossier mettent en lumière d'éventuels problèmes liés à la luminance et aux données climatiques, imposant d'apprécier si les éléments du délit sont réunis, et que l'article 58 du decreto legislativo précité prescrit que les postes de travail ne doivent être conformes qu'aux prescriptions minimales visées à l'annexe VII, laquelle, ne comportant qu'un paragraphe 1, semble ne régir que les équipements, il y a lieu de se demander si les articles 4 et 5 de la directive 90/270 imposent d'adapter aux prescriptions tout poste de travail [article 2, sous b)] ou seulement ceux utilisés par les travailleurs définis à l'article 2, sous c), et en particulier si cette adaptation doit être comprise comme s'appliquant aussi aux prescriptions contenues dans les paragraphes 2 et 3 de l'annexe à la directive (prescriptions minimales — paragraphe 2: environnement; paragraphe 3: interface ordinateur/homme). »

Le contraste entre la directive et la réglementation interne qui définit les infractions punissables

16.

Comme je l'ai dit plus haut, la réglementation interne applicable en l'espèce est le decreto legislativo n° 626, du 19 septembre 1994, qui, selon l'ordonnance de renvoi, « met en œuvre la directive n°90/270/CEE ».

17.

Cette directive a été adoptée pour satisfaire aux exigences de l'article 118 A du traité, qui fait au Conseil l'obligation d'arrêter, par voie de directive, les prescriptions minimales permettant de promouvoir l'amélioration du milieu de travail afin d'assurer un meilleur niveau de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs.

18.

Concrètement, la directive est une des directives particulières au sens de l'article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ( 8 ).

19.

Après avoir lu les questions du juge de renvoi, j'ai l'impression que, malgré quelques affirmations qui semblent dire le contraire, il ne cherche pas tant à obtenir une interprétation de la directive qu'à souligner les points sur lesquels le decreto legislativo s'écarte de celle-ci et à s'entendre préciser les effets de ces divergences.

20.

En effet, les trois questions préjudicielles partent d'une prémisse commune, à savoir qu'il y aurait des divergences entre la directive et le decreto legislativo, dont les dispositions différeraient en partie sur les points suivants:

a)

la notion...

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