Vincenzo Manfredi v Lloyd Adriatico Assicurazioni SpA (C-295/04), Antonio Cannito v Fondiaria Sai SpA (C-296/04) and Nicolò Tricarico (C-297/04) and Pasqualina Murgolo (C-298/04) v Assitalia SpA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:67
Date26 January 2006
Celex Number62004CC0295
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-295/04,C-298/04

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. L. A. Geelhoed

présentées le 26 janvier 2006 (1)

Affaires jointes C-295/04, C-296/04, C-297/04 et C-298/04

Vincenzo Manfredi

contre

Lloyd Adriatico Assicurazioni SpA

et

Antonio Cannito

contre

Fondiaria Sai Assicurazioni SpA

et

Nicolò Tricarico

Pasqualina Murgolo

contre

Assitalia Assicurazioni SpA

[demande de décision préjudicielle formée par le Giudice di pace di Bitonto (Italie)]

«Interprétation de l’article 81 CE – Pratiques concertées entre des compagnies d’assurances italiennes et des compagnies d’assurances étrangères établies en Italie concernant des contrats d’assurance responsabilité civile obligatoire relative aux sinistres causés par des véhicules automobiles, navires et cyclomoteurs – Échange d’informations en vue de pouvoir augmenter les primes d’assurance responsabilité civile dans une mesure qui n’est pas justifiée par les conditions du marché»





I – Introduction

1. Les présentes affaires concernent quatre demandes de décision préjudicielle dans lesquelles le Giudice di pace di Bitonto (Italie) pose cinq questions sur l’interprétation de l’article 81 CE. Ces questions ont été posées à l’occasion de recours introduits à l’encontre d’un certain nombre de compagnies d’assurances, en vue d’obtenir le remboursement des primes excessives qui ont été versées. Ces recours ont été déposés après que l’autorité italienne de contrôle de la concurrence eut constaté que les compagnies d’assurances avaient adopté des comportements concurrentiels prohibés.

2. Les questions ont été soulevées dans des litiges opposant M. Vincenzo Manfredi et Lloyd Adriatico Assicurazioni SpA (affaire C-295/04), M. Antonio Cannito et Fondiaria Sai Assicurazioni SpA (affaire C-296/04), et M. Nicolò Tricarico et Mme Pasqualina Murgolo et Assitalia Assicurazioni SpA (ci‑après «Assitalia») (respectivement affaires C-297/04 et C-298/04).

II – Droit national applicable

3. L’article 2, paragraphe 2, de la loi n° 287 du 10 octobre 1990 (2), la loi italienne relative aux règles de protection de la concurrence et du marché (ci-après la «loi sur la protection de la concurrence»), interdit les ententes entre entreprises qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de limiter ou de fausser le jeu de la concurrence dans le marché national ou sur une partie de celui-ci.

4. En vertu du paragraphe 1 dudit article 2 sont considérés comme des ententes les accords et/ou pratiques concertées entre entreprises, ainsi que les décisions, même adoptées au titre de dispositions statutaires ou réglementaires, de consortiums, d’associations d’entreprises et d’autres organismes similaires.

5. Selon l’article 2, paragraphe 3, de la loi n° 287/90, les ententes interdites sont nulles de plein droit.

6. L’article 33, paragraphe 1, de cette même loi précise que les recours en nullité et en indemnité, ainsi que les recours visant à obtenir l’adoption de mesures d’urgence en ce qui concerne les violations des dispositions visées aux titres I à IV, dont l’article 2, sont intentées devant la Corte d’appello territorialement compétente.

III – Le litige au principal et les questions préjudicielles

7. Le juge de renvoi décrit comme suit le contexte des litiges au principal.

8. Par décisions des 8 septembre 1999, 10 novembre 1999 et 3 février 2000, l’Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato (autorité italienne de contrôle de la concurrence, ci-après l’«AGCM») a ouvert une procédure d’infraction de l’article 2 de la loi n° 287/90 à l’égard de différentes compagnies d’assurances, dont les trois compagnies défenderesses au principal. Il leur est reproché d’avoir mis sur pied une entente interdite ayant pour objet la vente liée de différents produits et l’échange d’informations entre entreprises concurrentes. La présente procédure porte uniquement sur ce dernier aspect.

9. L’AGCM a constaté que, contrairement à ce qui s’est passé dans le reste de l’Europe, les primes des assurances responsabilité civile (RC) auto ont connu une augmentation anormale et exceptionnelle en Italie durant la période allant de 1994 à 1999. La demande portant sur ces assurances n’est pas élastique parce qu’il s’agit d’une assurance obligatoire. Les assurés qui sont confrontés à une augmentation des primes n’ont d’autre choix que d’abandonner leur véhicule ou de payer les primes plus élevées.

10. L’AGCM a encore observé que le marché des polices d’assurance RC auto présente d’importantes barrières à l’entrée, qui ont surtout été érigées en raison de la nécessité de mettre sur pied un réseau efficace de distribution et un réseau de centres affectés à la liquidation des indemnisations pour les sinistres dans l’ensemble du pays.

11. Il ressort par ailleurs de la documentation détaillée récoltée par l’AGCM que de nombreuses compagnies d’assurances qui proposent des assurances RC auto ont échangé, dans une mesure considérable, des informations sur tous les aspects de cette activité, à savoir les prix, les ristournes, les encaissements, les coûts des sinistres et de la distribution, etc.

12. L’enquête a finalement débouché sur la décision du 28 juillet 2003 (3). Dans cette décision, l’AGCM a constaté que les compagnies d’assurances concernées avaient conclu un accord interdit, contraire aux règles sur les ententes, sur l’échange d’informations relatives au secteur des assurances, qui leur permettait de coordonner et de fixer les primes de l’assurance RC auto et d’imposer de façon cohérente aux usagers des augmentations des primes qui n’étaient pas justifiées par les conditions du marché et auxquelles les consommateurs ne pouvaient pas se soustraire.

13. La décision de l’AGCM a été attaquée par les compagnies d’assurances. Cette décision a toutefois été confirmée par le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio et par le Consiglio di Stato.

14. Les requérants au principal ont introduit des recours devant le Giudice di pace di Bitonto contre les compagnies d’assurances concernées en demandant le remboursement des majorations de primes qu’ils ont dû payer en raison de l’entente interdite constatée par l’AGCM. D’après la décision de renvoi, la période pour laquelle les remboursements sont demandés au titre des dommages subis s’étend de 1997 à 2001.

15. Les pièces versées au dossier révèlent que les primes étaient en moyenne de 20 % supérieures à celles qui auraient été appliquées en l’absence d’accord entre les compagnies d’assurances.

16. Les compagnies d’assurances ont fait valoir au cours de la procédure nationale que le Giudice di pace di Bitonto était incompétent en vertu de l’article 33 de la loi sur la protection de la concurrence et que droit à la restitution et/ou à l’indemnisation du préjudice était prescrit.

17. Étant donné que des compagnies d’assurances d’autres États membres opéraient aussi en Italie et qu’elles ont participé à l’accord constaté par l’AGCM, le juge de renvoi estime que l’accord litigieux méconnaît aussi l’article 81 CE. Ce type d’accord est donc nul en vertu de l’article 81, paragraphe 2, CE.

18. Le juge de renvoi considère que tout tiers, dont le consommateur et l’utilisateur final d’un service, est en droit d’invoquer la nullité d’une entente interdite en vertu de l’article 81, paragraphe 1, CE et de demander à être indemnisé s’il existe un lien de causalité entre le préjudice subi et l’accord interdit.

19. Dans ce cas, une disposition comme l’article 33 de la loi 287/90 est réputée contraire au droit communautaire. En effet, une procédure devant la Corte d’appello est plus longue et plus onéreuse qu’une procédure devant le Giudice di pace, ce qui serait susceptible d’affecter l’efficacité de l’article 81 CE.

20. Le juge de renvoi a aussi des doutes sur le point de savoir si les délais de prescription auxquels sont soumis les recours en indemnité et le montant des indemnités à verser, tels qu’ils sont fixés par le droit national, sont compatibles avec l’article 81 CE.

21. Dans ces circonstances, le Giudice di pace di Bitonto a décidé de poser les questions suivantes:

– «L’article 81 CE doit-il être interprété en ce sens qu’il déclare nulle une entente ou une pratique concertée entre compagnies d’assurances consistant en un échange réciproque d’informations susceptible de permettre une augmentation des primes des polices d’assurance RC auto, qui n’est pas justifiée par les conditions du marché, compte tenu notamment de la participation à l’accord ou à la pratique concertée d’entreprises appartenant à différents États membres?» (4).

– «L’article 81 CE doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’application d’une règle nationale ayant une teneur analogue à celle de l’article 33 de la loi italienne n° 287/90, d’après lequel la demande d’indemnisation pour violation des dispositions communautaires et nationales relatives aux ententes anticoncurrentielles doit aussi être formée par les tiers devant un juge autre que celui ordinairement compétent pour les demandes de même valeur, entraînant ainsi une augmentation sensible des coûts et des délais de jugement?» (5).

– «L’article 81 CE doit-il être interprété en ce sens qu’il permet aux tiers titulaires d’un intérêt juridiquement pertinent de faire valoir la nullité d’une entente ou d’une pratique prohibée par cette disposition communautaire et de demander l’indemnisation du préjudice subi lorsqu’il existe un lien de causalité entre l’entente ou la pratique concertée et le préjudice?» (6).

– «L’article 81 CE doit-il être interprété en ce sens qu’il faut considérer que le délai de prescription de la demande d’indemnisation fondée sur cet article court à compter du jour où l’entente ou la pratique concertée a été mise en œuvre ou à compter du jour où l’entente ou la pratique concertée a pris fin?» (7).

– «L’article 81 CE doit-il être interprété en ce sens que le juge national, lorsqu’il s’aperçoit que l’indemnisation pouvant être liquidée en vertu du droit national est en toute hypothèse inférieure à...

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