Franz Egenberger GmbH Molkerei und Trockenwerk v Bundesanstalt für Landwirtschaft und Ernährung.
Jurisdiction | European Union |
Date | 01 December 2005 |
Court | Court of Justice (European Union) |
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. L. A. GEELHOED
présentées le 1er décembre 2005 1(1)
Affaire C-313/04
Franz Egenberger GmbH Molkerei und Trockenwerk
contre
Bundesanstalt für Landwirtschaft und Ernährung
[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main (Allemagne)]
«Validité des articles 25, paragraphe 1, et 35, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 2535/2001 de la Commission, du 14 décembre 2001, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 1255/1999 du Conseil en ce qui concerne le régime d’importation du lait et des produits laitiers et l’ouverture de contingents tarifaires – Certificat d’importation pour du beurre néo-zélandais soumis à l’exigence de présentation d’un certificat IMA 1 (Inward Monitoring Arrangement) et pour lequel une demande ne peut être introduite qu’au Royaume‑Uni – Violation des articles 28 CE, 34, paragraphe 2, CE et 82, premier alinéa, CE ainsi que des articles 26, paragraphe 2 CE et 29, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1255/1999 du Conseil – Violation de l’article XVII, paragraphe 1, sous a), du GATT – Violation de l’article 1er, paragraphe 3, de l’accord sur les procédures de licences d’importation»
I – Introduction
1. La présente affaire, un renvoi préjudiciel du Verwaltungsgericht Frankfurt am Main (Allemagne) concerne la validité de certains aspects du règlement (CE) n° 2535/2001 de la Commission, du 14 décembre 2001, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 1255/1999 du Conseil en ce qui concerne le régime d’importation du lait et des produits laitiers et l’ouverture de contingents tarifaires (JO L 341, p. 29). L’affaire soulève un certain nombre d’importantes questions de principe. Premièrement, quel est le niveau approprié de contrôle juridictionnel de la législation de la Commission dans le domaine agricole quant à sa conformité aux normes supérieures de droit communautaire, en particulier celles relatives à la non-discrimination? En termes plus spécifiques, le contrôle juridictionnel devrait-il dans ce domaine être en toutes circonstances limité? Deuxièmement, dans quelle mesure la Commission peut-elle être tenue par les règles de la concurrence de la Communauté, et en particulier l’article 86, paragraphe 1, CE, lorsqu’elle adopte des mesures législatives? Troisièmement, la Cour devrait-elle réexaminer sa propre jurisprudence spécifiant les circonstances dans lesquelles le droit communautaire dérivé peut faire l’objet d’un contrôle juridictionnel quant à sa conformité au droit de l’Organisation mondiale du commerce (OMC)? Cela soulève de nouveau la délicate question des rapports entre l’ordre juridique communautaire et le droit de l’OMC. Nous retournerons à ces questions après avoir décrit le contexte de l’affaire.
II – Contexte historique et juridique du renvoi préjudiciel
A – Contexte historique
2. Avant son adhésion à la Communauté économique européenne en 1973, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord était le marché d’exportation traditionnel pour le beurre de Nouvelle‑Zélande. Afin de préserver ce marché, le protocole n° 18 de l’acte d’adhésion du Royaume de Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni (ci-après le «protocole n° 18») autorisait l’importation au Royaume-Uni de contingents déterminés de beurre et de fromage néo-zélandais à des taux de douane réduits pour une période initiale de cinq ans (2). En vertu de l’article 1er, paragraphe 4, du protocole n° 18, la condition pour ces droits réduits était que les produits importés au Royaume-Uni conformément au protocole ne pouvaient pas faire l’objet d’échanges intracommunautaires ou d’une réexportation vers les pays tiers. Les restrictions initiales au commerce ont été graduellement levées: le beurre néo-zélandais importé pouvait être utilisé pour la transformation (pas seulement pour la consommation directe) au Royaume-Uni à la suite du règlement (CEE) n° 3667/83 du Conseil; il pouvait aussi librement faire l’objet d’échanges au sein de la Communauté (pas seulement au sein du Royaume-Uni) à la suite du règlement (CEE) n° 3841/92 du Conseil (3). Le régime d’importation prévu dans le protocole a été prolongé jusqu’en 1995 par une série de règlements du Conseil adoptés sur la base de l’article 5, paragraphe 2, du protocole n° 18.
3. À partir du 1er juillet 1995, les contingents tarifaires pour le lait et les produits laitiers ont été régis par l’accord sur l’agriculture conclu dans le cadre du cycle de l’Uruguay des négociations commerciales multilatérales du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade – accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) et l’OMC. En ce qui concerne les Communautés européennes, l’accord incluait des concessions tarifaires pour certains produits laitiers destinés à être importés dans la Communauté à des taux réduits qui sont exposés dans la forme pertinente pour la présente affaire dans l’annexe CXL établie à la suite des négociations conduites en vertu de l’article XXIV, paragraphe 6, du GATT (ci‑après l’«annexe CXL»). Les contingents tarifaires prévus par cet accord pour l’importation de beurre néo-zélandais dans la Communauté ont été mis en œuvre en droit communautaire par des règlements de la Commission (4).
B – Droit communautaire applicable
Règlement (CE) n° 1255/1999 du Conseil
4. Le règlement (CE) n° 1255/1999 (5), adopté sur la base de l’article 37 CE, pose le régime régissant l’organisation commune du marché pour le lait et les produits laitiers. Ce régime prévoit un marché intérieur communautaire du lait et des produits laitiers fondé sur un principe d’intervention (titre I dudit règlement) ainsi qu’un régime unique des échanges de ces produits avec les pays tiers (titre II). D’après le dix-septième considérant du préambule du règlement n° 1255/1999, ce régime des échanges est basé sur les engagements pris par la Communauté dans le cadre des négociations commerciales multilatérales du cycle de l’Uruguay.
5. L’article 26, paragraphe 1, du règlement n° 1255/1999 dispose que «[t]oute importation dans la Communauté des produits visés à l’article 1er est soumise à la présentation d’un certificat d’importation. Toute exportation hors de la Communauté de ces produits peut être soumise à la présentation d’un certificat d’exportation». En vertu de l’article 26, paragraphe 2, «[l]e certificat est délivré par les États membres à tout intéressé qui en fait la demande, quel que soit le lieu de son établissement dans la Communauté, sans préjudice des dispositions prises pour l’application des articles 29, 30 et 31. Le certificat est valable dans toute la Communauté […]». L’article 26, paragraphe 3, du règlement n° 1255/1999 dispose que la Commission adopte la liste des produits pour lesquels des certificats d’exportation sont exigés, la période de validité des certificats et les autres modalités d’application de l’article, conformément à la procédure posée à l’article 42. L’article 29, paragraphe 1, du règlement n° 1255/1999 dispose que «[l]es contingents tarifaires pour les produits visés à l’article 1er découlant des accords conclus en conformité avec l’article 300 du traité ou de tout autre acte du Conseil sont ouverts et gérés selon les modalités fixées selon la procédure prévue à l’article 42». Les méthodes possibles de gestion des contingents sont exposées à l’article 29, paragraphe 2, qui spécifie que ces méthodes «évitent toute discrimination entre les opérateurs intéressés» (6). En vertu de l’article 44 du règlement n° 1255/1999, le règlement «doit être appliqué de telle sorte qu’il soit tenu compte, parallèlement et de manière appropriée, des objectifs prévus aux articles 33 et 131 du traité».
Règlement n° 2535/2001 de la Commission
6. Le règlement n° 2535/2001, adopté sur la base des articles 26, paragraphe 3, et 29, paragraphe 1, du règlement n° 1255/1999, pose les règles pour la mise en œuvre du régime d’importation du lait et des produits laitiers et l’ouverture des contingents tarifaires. Le titre 2 du règlement n° 2535/2001 prévoit des règles spécifiques relatives aux importations à droit réduit. Ce titre pose trois régimes d’importation alternatifs, chacun s’appliquant à certains produits définis et entraînant un droit réduit.
7. Le premier régime possible (titre 2, chapitre I) prévoit un système d’importations dans le cadre de contingents ouverts par la Communauté sur la base du seul certificat d’importation, pour lequel la demande doit être faite auprès de la Commission via les autorités des États membres. Le deuxième régime possible (titre 2, chapitre II) prévoit un système d’importations préférentielles hors contingents sur la base du seul certificat d’importation. Le troisième régime possible (titre 2, chapitre III) prévoit un système d’importations sur la base d’un certificat d’importation couvert par un certificat dit «Inward Monitoring Arrangement» (IMA 1). Ce chapitre comprend deux sections distinctes: la section 1, une section générale posant le régime du certificat IMA 1, et la section 2, qui s’applique uniquement aux importations de beurre néo-zélandais.
8. En vertu de l’article 24 de la section 1, les importations auxquelles s’applique la section 1 s’étendent à celles faites dans le cadre des contingents pour des pays d’origine déterminés, énumérés dans l’annexe CXL, ce qui, ainsi qu’il est détaillé dans l’annexe III-A du règlement n° 2535/2001, inclut les importations de beurre néo-zélandais. Cette annexe détaille les droits à appliquer à chacune des catégories des produits énumérés et, lorsque cela s’avère approprié, les quantités annuelles maximales à importer. L’article 25, paragraphe 1, de la section 1 dispose qu’«[u]n certificat d’importation pour les produits énumérés à l’annexe III au taux du droit indiqué n’est délivré que sur présentation d’un certificat IMA 1 correspondant, pour la quantité nette totale qui y figure. Le certificat IMA 1 doit remplir les conditions fixées à l’article 40, paragraphe 1, pour le beurre du...
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