Werner Mangold v Rüdiger Helm.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:420
Date30 June 2005
Celex Number62004CC0144
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-144/04
62004CC0144_FR

Conclusions de l'avocat général

Conclusions de l'avocat général

1. Par ordonnance du 26 février 2004, l’Arbeitsgericht München (ci-après l’«Arbeitsgericht») a soumis à la Cour, en vertu de l’article 234 CE, trois questions préjudicielles à propos de l’interprétation des directives 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (2) et 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail(3) (ci-après respectivement la «directive 1999/70» et la «directive 2000/78» ou, collectivement, les «directives»).

2. En substance, la juridiction nationale veut savoir si – dans le cadre d’un litige entre particuliers – les directives précitées s’opposent à une législation nationale admettant sans limites des contrats à durée déterminée avec des travailleurs âgés.

I – Cadre normatif

A – Droit communautaire

La directive 1999/70 mettant en œuvre l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée.

3. Convenant de ce que «les contrats de travail à durée indéterminée sont la forme générale de relations de travail», mais reconnaissant également que ceux à durée déterminée «sont une caractéristique de l’emploi dans certains secteurs, occupations et activités qui peuvent convenir à la fois aux travailleurs et aux employeurs» (considérations générales, points 6 et 8), les organisations syndicales représentatives au niveau communautaire (CES, UNICE et CEEP) ont conclu un accord-cadre sur le travail à durée déterminée (ci-après l’«accord-cadre»), lequel a été ensuite mis en œuvre, en vertu de l’article 139, paragraphe 2, CE, par la directive 1999/70.

4. Pour ce qui a trait à la présente affaire, il y a lieu en particulier de rappeler la clause 5, point 1, de l’accord, aux termes duquel:

«Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, ou aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tient compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou l’autre des mesures suivantes:

a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail;

b) la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs;

c) le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail».

5. En vertu de la clause 8, point 3:

«La mise en œuvre du présent accord ne constitue pas une justification valable pour la régression du niveau général de protection des travailleurs dans le domaine couvert par le présent accord».

La directive 2000/78

6. La directive 2000/78 «a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement» (article 1 er ).

7. Après avoir défini, à l’article 2, paragraphe 2, la notion de discrimination, l’article 6, paragraphe 1, de la directive prévoit ce qui suit:

«Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

Ces différences de traitement peuvent notamment comprendre:

a) la mise en place de conditions spéciales d’accès à l’emploi et à la formation professionnelle, d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d’assurer leur protection;

(…)».

8. En vertu de l’article 18, premier alinéa, la transposition de la directive devait intervenir au plus tard le 2 décembre 2003. Toutefois, en vertu du deuxième alinéa de cette disposition:

«Pour tenir compte de conditions particulières, les États membres peuvent disposer, si nécessaire, d’un délai supplémentaire de trois ans à compter du 2 décembre 2003, soit un total de six ans, pour mettre en œuvre les dispositions de la présente directive relative à la discrimination fondée sur l’âge et le handicap. Dans ce cas, ils en informent immédiatement la Commission. (…)».

9. L’Allemagne s’étant prévalue de cette faculté, la transposition dans l’ordre juridique allemand des dispositions relatives à l’âge et au handicap de la directive 2000/78 devra intervenir au plus tard le 2 décembre 2006.

B – Le droit national

10. Avant la transposition de la directive 199970, la loi allemande fixait deux limites aux relations de travail à durée déterminée: elle n’admettait le recours aux contrats à durée déterminée qu’en présence d’une raison objective, ou, à défaut, elle restreignait la possibilité de renouveler un tel contrat (au maximum trois fois) ainsi que la durée maximale (au maximum deux ans).

11. Ces limites ne s’appliquaient toutefois pas aux relations conclues avec des personnes âgées. Selon la loi allemande, en effet, même sans les limitations décrites, des contrats à durée déterminée pouvaient être en tout état de cause conclus lorsque le travailleur était âgé de 60 ans accomplis [voir article 1 er du Beschäftigungsförderungsgesetz (loi visant à promouvoir l’emploi), du 26 avril 1985 (4), telle que modifiée par la loi, du 25 septembre 1996, sur le droit du travail visant à promouvoir la croissance et l’emploi (5) ].

12. Cette situation a en partie changé avec l’approbation de la loi, du 21 décembre 2000, sur le travail à temps partiel et à durée déterminée, [Or. 7] qui a mis en œuvre la directive 1999/70 (ci-après la «TzBfG») (6) .

13. L’article 14, paragraphe 1, du TzBfG a repris la règle générale suivant laquelle un contrat à durée déterminée n’est admissible qu’en présence d’une raison objective (7) . En vertu de l’article 14, paragraphe 2, à défaut d’une telle raison, la durée maximale globale du contrat est à nouveau limitée à deux ans et, dans cette même limite, le contrat peut être renouvelé trois fois au maximum.

14. Toutefois, en vertu de l’article 14, paragraphe 3, du TzBfG:

«La conclusion d’un contrat de travail à durée déterminée n’est pas subordonnée à l’existence d’une raison objective lorsque le travailleur a atteint l’âge de 58 ans au moment où la relation de travail à durée déterminée a commencé. La fixation d’une durée déterminée n’est pas licite lorsqu’il existe un lien étroit avec un contrat de travail précédent à durée indéterminée passé avec le même employeur. Un tel lien étroit est à présumer notamment lorsque l’intervalle entre les deux contrats de travail est inférieur à six mois» (8) .

15. À la suite des travaux d’une commission gouvernementale, qui avait constaté que «la probabilité de retrouver un emploi après 55 ans [était] de l’ordre de 25 %», cette dernière disposition a été modifiée. En vertu de la première loi, du 23 décembre 2002, pour les prestations de service modernes sur le marché de l’emploi (dite loi Hartz), en effet:

«(…) Jusqu’au 31 décembre 2006, il convient d’appliquer la première phrase [de l’article 14, paragraphe 3, du TzBfG] en lisant 52 ans au lieu de 58 ans (9) .

II – Faits et procédure

16. Le litige au principal oppose M. Mangold à l’avocat Helm.

17. Le 26 juin 2003, à l’âge de 56 ans, M. Mangold a été engagé par l’avocat Helm sur la base d’un contrat de travail à durée déterminée.

18. L’article 6 de ce contrat est libellé comme suit:

«Échéance

1. Le rapport d’emploi commence le 1 er juillet 2003 et dure jusqu’au 28 février 2004.

2. La durée du contrat est fondée sur la disposition légale visant à faciliter la conclusion de contrats de travail à durée déterminée avec des travailleurs âgés (dispositions combinées de l’article 14, paragraphe 3, 4 ème et première phrases, du TzBfG), puisque le travailleur a plus de 52 ans.

3. Les parties sont convenues que la durée déterminée du présent contrat n’a pas d’autre raison que celle énoncée au point 2 précédent. Les autres motifs de limitation de durée d’emploi admis dans leur principe par le législateur et par la jurisprudence sont expressément exclus dans le présent accord».

19. Estimant que l’article 14, paragraphe 3, de la TzBfG était contraire aux directives 1999/70 et 2000/78 et que par conséquent la clause d’échéance de son contrat ne pouvait pas lui être opposé, M. Mangold a, peu de semaines après son engagement, cité son employeur à comparaître devant l’Arbeitsgericht. À son tour, ce dernier, ayant également des doutes sur l’interprétation des directives, a décidé de suspendre la procédure et de soumettre à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1. a) La clause 8, point 3, de l'accord-cadre (directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée) est-elle à interpréter en ce sens que, transposée en droit interne, elle s'oppose à une régression découlant de l'abaissement de l'âge de 60 à 58 ans?

b) La clause 5, point 1, de l'accord-cadre (directive 1999/70/CE précitée) est-elle à interpréter en ce sens qu'elle s'oppose à une réglementation nationale telle que celle en litige ici, qui ne prévoit pas de restrictions correspondant à l'une des trois hypothèses visées audit point?

2) L'article 6 de la directive 2000/78/CE du...

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