Georgi Ivanov Elchinov v Natsionalna zdravnoosiguritelna kasa.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:336
Docket NumberC-173/09
Celex Number62009CC0173
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date10 June 2010

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO CRUZ VILLALÓN

présentées le 10 juin 2010 (1)

Affaire C‑173/09

Georgi Ivanov Elchinov

contre

Natsionalna zdravnoosiguritelna kasa

[demande de décision préjudicielle formée par l’Administrativen sad Sofia-grad (Bulgarie)]

«Obligation pour une juridiction inférieure de se conformer à des instructions interprétatives d’une juridiction supérieure – Autonomie procédurale – Autorité de la chose jugée – Réexamen de la jurisprudence Rheinmühlen I – Libre prestation de services – Article 56 TFUE – Sécurité sociale – Article 22 du règlement (CEE) n° 1408/71 – Prestations médicales nécessitant une hospitalisation – Compatibilité d’un régime d’autorisation préalable avec le droit de l’Union – Présomption d’un lien entre l’impossibilité matérielle de fournir un service prévu par la législation nationale et le refus de couvrir les dépenses du traitement reçu dans un autre État membre – Définition du traitement médical efficace – Réglementation applicable au remboursement du traitement reçu dans un autre État membre»





1. Dans la présente affaire, le renvoi préjudiciel soulève des questions délicates et importantes tant en droit procédural qu’en droit substantif. D’une part, l’Administrativen sad Sofia-grad (tribunal administratif de Sofia, Bulgarie) demande à la Cour si le droit de l’Union s’oppose à ce qu’une juridiction inférieure se conforme à un arrêt de la plus haute juridiction lors du renvoi de l’affaire en vue d’un nouvel examen, alors qu’elle doute sérieusement de la conformité de cette décision avec le droit de l’Union. D’autre part, après avoir constaté qu’il existait des traitements alternatifs qui sont cependant à la fois moins efficaces et plus radicaux pour sa santé, la juridiction de renvoi s’interroge sur les détails de la couverture des dépenses engagées dans un centre médical situé dans un autre État membre, compte tenu de l’impossibilité matérielle pour l’assuré de recevoir ses soins en Bulgarie.

2. On observe immédiatement que la jurisprudence de la Cour apporte une réponse à chacune de ces questions. Néanmoins, il est également exact que d’importants changements sont survenus au cours des dernières années, ce qui explique pourquoi ces questions sont à nouveau présentées. L’émergence relativement récente d’une jurisprudence importante sur la relation entre la Cour et les juridictions nationales (arrêts Köbler, Kühne & Heinz, Commission/Italie (2) entre autres) peut expliquer que l’Administrativen sad Sofia-grad doute du caractère actuel de la jurisprudence tirée de l’arrêt Rheinmühlen I (3), qui date de 1974. En outre, l’adhésion à l’Union de nouveaux États membres ayant des systèmes de santé différents, tant du point de vue de l’organisation que du point de vue de leurs ressources financières respectives, soulève des questions quant à l’applicabilité d’une jurisprudence conçue et développée à une époque antérieure à l’élargissement et que nous examinerons ci-après.

3. Ces changements jurisprudentiels et factuels de l’Union expliquent pourquoi la Cour a décidé de traiter cette affaire en grande chambre.

I – Le cadre législatif

A – Le droit de l’Union européenne

1. Article 267 TFUE

«La Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel:

a) sur l’interprétation des traités,

b) sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union.

Lorsqu’une telle question est soulevée devant une juridiction d’un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.

Lorsqu’une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour.

Si une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale concernant une personne détenue, la Cour statue dans les plus brefs délais.»

2. Article 56 TFUE

«Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation.»

4. Le droit dérivé applicable au présent cas d’espèce se réduit en substance à l’article 22 du règlement (CEE) n° 1408/71 (4), dans lequel figurent les règles relatives aux prestations médicales fournies par un État membre différent de l’État membre de résidence de l’affilié. Les dispositions de cet article sont les suivantes:

«Article 22

1. Le travailleur salarié ou non salarié qui satisfait aux conditions requises par la législation de l’État compétent pour avoir droit aux prestations, compte tenu, le cas échéant, des dispositions de l’article 18 et:

[…]

c) qui est autorisé par l’institution compétente à se rendre sur le territoire d’un autre État membre pour y recevoir des soins appropriés à son état,

a droit:

i) aux prestations en nature servies, pour le compte de l’institution compétente, par l’institution du lieu de séjour ou de résidence, selon les dispositions de la législation qu’elle applique, comme s’il y était affilié, la durée du service des prestations étant toutefois régie par la législation de l’État compétent;

ii) aux prestations en espèces servies par l’institution compétente selon les dispositions de la législation qu’elle applique. Toutefois, après accord entre l’institution compétente et l’institution du lieu de séjour ou de résidence, ces prestations peuvent être servies par cette dernière institution pour le compte de la première, selon des dispositions de la législation de l’État compétent.

1 bis. La commission administrative établit une liste des prestations en nature qui, pour pouvoir être servies pendant un séjour dans un autre État membre, requièrent pour des raisons pratiques un accord préalable entre la personne concernée et l’institution dispensant les soins.

2. L’autorisation requise au titre du paragraphe 1 point b) ne peut être refusée que s’il est établi que le déplacement de l’intéressé est de nature à compromettre son état de santé ou l’application du traitement médical.

L’autorisation requise au titre du paragraphe 1 point c) ne peut pas être refusée lorsque les soins dont il s’agit figurent parmi les prestations prévues par la législation de l’État membre sur le territoire duquel réside l’intéressé et si ces soins ne peuvent, compte tenu de son état actuel de santé et de l’évolution probable de la maladie, lui être dispensés dans le délai normalement nécessaire pour obtenir le traitement dont il s’agit dans l’État membre de résidence.

[…]»

B – Le droit national

5. L’article 224 du code de procédure administrative (ci‑après l’«APK») régit les effets des arrêts rendus par la Varhoven administrativen sad (Cour suprême de Bulgarie) en ce qui concerne les règles de procédure dans les termes suivants:

«Article 224

Les instructions données par le tribunal suprême administratif relatives à l’interprétation et à l’application du droit lient [le juge] lors du réexamen de l’affaire.»

6. La loi relative à l’assurance maladie établit en son article 36, paragraphe 1, le droit de toute personne relevant de l’assurance obligatoire d’«obtenir la valeur partielle ou totale des dépenses effectuées pour une aide médicale à l’étranger uniquement s’ils ont obtenu une autorisation préalable en ce sens de la caisse nationale d’assurance maladie (ci-après la ‘NZOK’)».

7. La couverture d’assurance maladie classique est prévue à l’article 45 de la loi précitée, en vertu duquel:

«Article 45 (1) La Caisse nationale d’assurance maladie paie pour la fourniture des types d’aide médicale suivants:

[…]

3. Aide médicale dans un hôpital ou à l’extérieur d’un hôpital en vue d’un diagnostic et de soins en cas de maladie;

[…]

5. Aide médicale d’urgence;

(2) […] L’aide médicale visée au paragraphe 1, à l’exclusion de celle visée au point 10, est déterminée en tant qu’ensemble des prestations de base, garanti par le budget de la NZOK. L’ensemble des prestations de base est déterminé par décret du ministre de la Santé.»

8. Le règlement cité par la loi est le règlement n° 40 de 2004, relatif à la détermination de l’ensemble des prestations de santé de base, garanti par le budget de la NZOK, dont l’unique article indique que «l’ensemble des prestations de base en matière d’aide médicale comporte les prestations dont le type et le montant sont déterminés conformément aux annexes 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 10».

9. La «liste des parcours de traitement clinique» figure à l’annexe 5 du règlement précité et comprend les parcours suivants:

«133. Traitement chirurgical d’un glaucome

134. Opérations de l’œil par laser ou par cryochirurgie

135. Opérations des annexes de l’œil

136. Autres opérations du globe oculaire

[…]

258. Traitement hautement technologique par irradiation de maladies oncologiques et non oncologiques».

II – Les faits

10. M. Georgi Ivanov Elchinov, résidant en Bulgarie et affilié à la Caisse nationale d’assurance maladie de ce pays, souffre d’une maladie oncologique maligne de l’œil droit. Son médecin lui a prescrit un traitement consistant en la mise en place d’applicateurs radioactifs ou d’une protonthérapie.

11. Le 9 mars 2007, M. Elchinov a adressé, sur le fondement de l’article 22 du règlement n° 1408/71, une demande à la NZOK en vue de la délivrance du formulaire E 112 (document autorisant un traitement médical à l’étranger) pour pouvoir bénéficier, aux frais de la NZOK, du traitement prescrit dans une clinique située à Berlin et spécialisée dans les maladies ophtalmiques. La demande se fondait sur l’impossibilité de recevoir le traitement prescrit dans son pays de résidence, dans lequel le seul traitement alternatif qui lui était...

To continue reading

Request your trial
1 practice notes
  • Opinion of Advocate General Bobek delivered on 4 March 2021.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 4 Marzo 2021
    ...EU:C:2020:673, point 75). 165 Voir, par exemple, conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Elchinov (C‑173/09, EU:C:2010:336, points 23 à 39). 166 Certes, dans certains États membres et dans le présent contexte, la ligne jurisprudentielle issue de l’arrêt Rheinmühlen pour......
18 cases
  • X v Inspecteur van Rijksbelastingdienst and T.A. van Dijk v Staatssecretaris van Financiën.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 13 Mayo 2015
    ...une entité dénommée «AAA» et «AAAA», mais il semblerait qu’il s’agisse d’une simple erreur de plume. ( 5 ) Voir, en ce sens, arrêt Elchinov (C‑173/09, EU:C:2010:581, point 27 et jurisprudence ( 6 ) Voir, entre autres, arrêt Torrekens (28/68, EU:C:1969:17, point 6); voir également arrêt Brus......
  • Hristo Gaydarov v Director na Glavna direktsia "Ohranitelna politsia" pri Ministerstvo na vatreshnite raboti.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 17 Noviembre 2011
    ...concretamente al artículo 27 de la Directiva 2004/38 (véase en este sentido, en particular, la sentencia de 5 de octubre de 2010, Elchinov, C‑173/09, Rec. p. I‑0000, apartado 31 y jurisprudencia citada), ya que las disposiciones de dicho artículo, incondicionales y suficientemente precisas,......
  • Interedil Srl, in liquidation v Fallimento Interedil Srl and Intesa Gestione Crediti SpA.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 10 Marzo 2011
    ...2010, Gowan Comércio Internacional e Serviços (C‑77/09, non encore publié au Recueil, point 25). 14 – Arrêt du 5 octobre 2010, Elchinov (C‑173/09, non encore publié au Recueil, point 25). 15 – Arrêts Elchinov (précité à la note 14, point 31); du 9 mars 1978, Simmenthal (106/77, Rec. p. 629,......
  • European Commission v Grand Duchy of Luxemburg.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 27 Enero 2011
    ...Rec. p. I‑4509, apartado 100; de 16 de mayo de 2006, Watts, C‑372/04, Rec. p. I‑4325, apartado 92, y de 5 de octubre de 2010, Elchinov, C‑173/09, Rec. p. I‑0000, apartado 40). 33 A este respecto, el artículo 49 CE se opone a la aplicación de toda normativa nacional que dificulte más la pres......
  • Request a trial to view additional results

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT