H. Lommers v Minister van Landbouw, Natuurbeheer en Visserij.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date06 November 2001
EUR-Lex - 61999C0476 - FR 61999C0476

Conclusions de l'avocat général Alber présentées le 6 novembre 2001. - H. Lommers contre Minister van Landbouw, Natuurbeheer en Visserij. - Demande de décision préjudicielle: Centrale Raad van Beroep - Pays-Bas. - Politique sociale - Égalité de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins - Dérogations - Mesures visant à promouvoir l'égalité des chances entre hommes et femmes - Ministère mettant des places de garderie subventionnées à disposition de son personnel - Places réservées exclusivement aux enfants de fonctionnaires féminins, sous réserve de cas d'urgence relevant de l'appréciation de l'employeur. - Affaire C-476/99.

Recueil de jurisprudence 2002 page I-02891


Conclusions de l'avocat général

I - Introduction

1. Par la demande de décision préjudicielle du 8 décembre 1999 - enregistrée au registre de la Cour le 16 décembre 1999 -, la juridiction de renvoi, le Centrale Raad van Beroep (Pays-Bas), cherche à savoir si l'article 2, paragraphes 1 et 4, de la directive 76/207/CEE relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail , s'oppose à une réglementation, mise en place par un employeur, en vertu de laquelle les places subventionnées de garde des enfants ne sont prévues que pour les enfants des collaborateurs féminins, les collaborateurs masculins ne pouvant en bénéficier qu'en cas d'urgence. Le paragraphe 4, cité en dernier lieu, prévoit, par dérogation au principe d'égalité de traitement et de non-discrimination consacré au paragraphe 1, des mesures de promotion pour les femmes en vue de remédier aux inégalités encore existantes. La juridiction de renvoi suppose que, concernant la mise à disposition de places de garde des enfants, il s'agit de conditions de travail particulières au sens de la directive précitée.

2. Il convient cependant de se demander par ailleurs si les places de garderie ne constituent pas une partie de la rémunération au sens de l'article 119 du traité CE, applicable au moment des faits, - devenu, après modification, article 141 CE - aux termes duquel la rémunération doit être la même pour les hommes et pour les femmes. Étant donné que la possibilité de maintenir ou d'adopter, pour le sexe sous-représenté, des avantages spécifiques, également en rapport avec la rémunération, n'a - du moins sur le plan formel - été introduite à l'article 141, paragraphe 4, CE que par le biais du traité d'Amsterdam du 1er mai 1999, il est également intéressant de savoir si de tels avantages pouvaient déjà être envisagés avant l'entrée en vigueur de l'article 141, paragraphe 4, CE et, le cas échéant, par le biais de l'article 6, paragraphe 3, de l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale.

II - Faits et procédure

3. Le demandeur et appelant au principal, M. Lommers (ci-après le «demandeur») est fonctionnaire au ministère de l'Agriculture néerlandais. Il a, dès le 5 décembre 1995, présenté une demande en vue de la réservation d'une place de crèche pour son fils qui est né le 5 juillet 1996. Sa demande a été rejetée le 20 décembre 1995 au motif que la réservation d'une place à la garderie du ministère de l'Agriculture n'était possible pour les enfants des fonctionnaires masculins qu'en cas d'urgence. Selon le ministère, tel n'était pas le cas en l'espèce. Le demandeur a introduit une réclamation contre cette décision le 28 décembre 1995. Indépendamment de cela, il a, le même jour, demandé l'avis de la commission «Égalité de traitement». La commission consultative du ministère de l'Agriculture chargée des questions relatives au personnel (ci-après la «commission consultative») a, à la suite de cela, suspendu la procédure de réclamation jusqu'à l'intervention d'un avis de la commission «Égalité de traitement», avis qui, en soi, n'est pas contraignant.

4. Le 5 avril 1996, le demandeur a formé un recours ayant pour objet l'absence de décision dans les délais concernant sa réclamation. Le 25 juin 1996, la commission «Égalité de traitement» a donné un avis selon lequel le ministère de l'Agriculture n'avait pas, en ce qui concerne le demandeur, procédé à une distinction fondée sur le sexe, contraire aux dispositions combinées de l'article 1a, paragraphe 1, et de l'article 5 de la Wet gelijke behandeling mannen en vrouwen (loi relative à l'égalité de traitement entre hommes et femmes) du 1er mars 1980. Par décision du 11 septembre 1996, le ministère de l'Agriculture a rejeté la réclamation du demandeur. Ce faisant, il s'est rallié à l'avis de la commission consultative, cette dernière ayant elle-même suivi l'opinion de la commission «Égalité de traitement».

5. Par décision du 8 octobre 1996, l'Arrondissementsrechtbank te 's-Gravenhage (tribunal d'arrondissement de La Haye) a statué sur l'action introduite par le demandeur. Il a jugé que l'action n'était pas fondée dans la mesure où elle était dirigée contre la décision du 11 septembre 1996. Le 13 novembre 1996, le demandeur a fait appel de cette décision devant la juridiction de renvoi.

6. La mise à disposition, voire la promotion de places de garderie par le ministère de l'Agriculture intervient depuis 1989 et conformément à une circulaire du 15 novembre 1993 mettant en oeuvre les instructions du ministère de l'Intérieur en matière de garde d'enfants. Cela se fait par le biais de la location de places d'accueil pour les enfants auprès des communes, alors que les fonctionnaires en poste à La Haye disposent, quant à eux, de leur propre garderie. Un certain nombre de places d'accueil pour les enfants est attribué à chaque subdivision (direction ou service) du ministère de l'Agriculture en fonction du nombre des fonctionnaires féminins. Il y a à peu près une place pour 20 fonctionnaires féminins. En 1995, le nombre de places d'accueil s'élevait à 128. Il y a une liste d'attente pour des places d'accueil auprès du ministère de l'Agriculture.

7. La répartition de ces quelques places d'accueil intervient normalement selon le principe que les services de garde d'enfants sont réservés aux collaborateurs féminins du ministère de l'Agriculture sauf cas d'urgence. Ainsi, le fait, pour un père, d'élever seul son enfant peut constituer un tel cas d'urgence. En cas d'obtention d'une place d'accueil, une contribution parentale doit être versée au ministère de l'Agriculture, contribution qui est retenue sur le salaire avec l'accord du ou de la fonctionnaire.

8. Dans le cadre de la procédure précontentieuse, le ministère de l'Agriculture avait admis, face à la commission «Égalité de traitement», que la réglementation en matière de garde d'enfants faisait une distinction fondée sur le sexe. Il a fait valoir que celle-ci était destinée à combattre de manière délibérée les inégalités existantes concernant la situation des femmes. Le ministère a constaté que cette situation accusait un retard, qu'il s'agisse du nombre de femmes travaillant au ministère ou de leur répartition par grade. Il a précisé que, en date du 31 décembre 1994, sur environ 11 251 collaborateurs, seuls 2 792 étaient des femmes. Il a rajouté enfin que les femmes sont peu représentées au niveau des grades supérieurs. Selon le ministère de l'Agriculture, la création de places de garde d'enfants peut contribuer à éliminer cette inégalité de fait.

9. À l'appui de son appel, le demandeur a fait valoir devant la juridiction de renvoi que le ministère de l'Agriculture n'avait pas démontré que le nombre de femmes restées en fonction avait effectivement augmenté grâce à la réglementation en matière de garde d'enfants. Il a indiqué que, dans la plupart des ministères néerlandais, les hommes peuvent, dans la même mesure que les femmes, bénéficier des services de garde d'enfants. Selon lui, l'importance des moyens à disposition ne saurait constituer un argument pour exclure les hommes. Il a renvoyé à l'article 6 de la recommandation du Conseil concernant la garde des enfants . Par ailleurs, il a fait référence à l'article 2, paragraphe 4, de la directive, en indiquant que cet article ne va pas dans le sens de la manière de procéder litigieuse.

10. La juridiction de renvoi est confrontée à la question de savoir si le refus du ministère de l'Agriculture est compatible avec l'article 2, paragraphes 1 et 4, de la directive. Elle part du principe qu'il n'est pas contesté que la réglementation en cause concerne des conditions de travail supplétives. Elle examine le cadre communautaire existant pour les actions positives en faveur des femmes, et cela tant sur le plan législatif que sur le fondement de la jurisprudence intervenue jusqu'alors . Elle soulève par exemple la question des rapports existant entre l'article 2, paragraphes 1 et 4, de la directive et l'article 141, paragraphe 4, CE. Par ailleurs, elle se réfère, entre autres, aux conclusions de l'avocat général Jacobs présentées dans l'affaire Marschall, dans lesquelles celui-ci avait fait valoir qu'«une mesure expressément destinée à un seul sexe ne sera pas proportionnée, au regard de l'objectif d'éliminer les inégalités spécifiques qui affectent les femmes dans la pratique et de promouvoir l'égalité des chances, si une mesure neutre, ouverte aux deux sexes, permet d'atteindre le même résultat» . Ainsi, la juridiction de renvoi cite également une note des conclusions de l'avocat général, selon laquelle réserver aux femmes le bénéfice des mesures concernant les enfants, en particulier, pourrait même apparaître comme allant à l'encontre de l'objectif de traiter les hommes et les femmes comme participant à égalité à la main-d'oeuvre, puisque cela renforce l'idée que l'éducation des enfants doit principalement incomber aux femmes . La juridiction de renvoi précise par ailleurs que, dans la doctrine néerlandaise également, certains auteurs font valoir que les mesures telles que les réglementations en...

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