Elf Aquitaine SA v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:89
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-521/09
Date17 February 2011
Procedure TypeRecurso de casación - fundado
Celex Number62009CC0521

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 17 février 2011 (1)

Affaire C‑521/09 P

Elf Aquitaine SA

contre

Commission européenne

«Pourvoi – Ententes – Marché européen de l’acide monochloracétique – Règles relatives à l’imputabilité des pratiques anticoncurrentielles d’une filiale à sa société mère – Principes de présomption d’innocence et de personnalité des peines – Droits de la défense – Obligation de motivation»





1. Le pourvoi qui fait l’objet de la présente procédure et qui a été formé par Elf Aquitaine SA (ci‑après «Elf Aquitaine» ou la «requérante») est dirigé contre l’arrêt par lequel le Tribunal a rejeté le recours en annulation introduit par Elf Aquitaine contre la décision du 19 janvier 2005 (2) (ci‑après la «Décision»), par laquelle la Commission européenne a constaté qu’un certain nombre d’entreprises, parmi lesquelles celle composée de la requérante et de sa filiale Arkema SA (ci‑après «Arkema») – anciennement Elf Atochem SA (ci‑après «Elf Atochem»), puis Atofina SA (ci‑après «Atofina») –, avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE (devenu article 101 TFUE) et l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE en participant à une entente concernant le marché de l’acide monochloracétique (3) (ci‑après l’«arrêt attaqué»).

I – Antécédents du litige, arrêt attaqué, procédure devant la Cour et conclusions des parties

2. D’après les informations figurant aux points 3 et suivants de l’arrêt attaqué, la Commission a commencé son enquête sur l’entente concernant l’acide monochloracétique à la fin de l’année 1999, à la suite de la dénonciation effectuée par l’une des entreprises participant à l’entente. Les 14 et 15 mars 2000, la Commission a procédé à des vérifications sur place dans les locaux, entre autres, d’Elf Atochem. Les 7 et 8 avril 2004, elle a adressé une communication des griefs (ci‑après la «CG») à douze sociétés, parmi lesquelles Elf Aquitaine et Atofina (points 3 à 5 de l’arrêt attaqué).

3. Dans la Décision, la Commission, rejetant les arguments contraires avancés par Elf Aquitaine, a considéré que le fait que cette dernière détenait 98 % des actions d’Atofina était suffisant pour lui imputer la responsabilité des actes de sa filiale. Elle a, en outre, estimé que le fait qu’Elf Aquitaine n’avait pas participé à la production et à la vente de l’acide monochloracétique n’empêchait pas de la considérer comme formant une unité économique avec les unités opérationnelles du groupe (points 9 et 12 de l’arrêt attaqué). L’amende infligée dans la Décision à Elf Aquitaine et à Arkema, au titre de la responsabilité conjointe et solidaire, s’élève à 45 millions d’euros [article 2, sous c), de la Décision et point 30 de l’arrêt attaqué].

4. Le 27 avril 2005, Elf Aquitaine a introduit un recours en annulation contre la Décision. À l’appui de son recours, elle a soulevé, à titre principal, neuf moyens, tirés respectivement de la violation des droits de la défense, de l’insuffisance de la motivation, d’une contradiction des motifs, de la violation des règles gouvernant l’imputabilité à une société mère des infractions commises par sa filiale, de la violation de plusieurs principes essentiels faisant partie intégrante de l’ordre juridique communautaire, de la violation du principe de bonne administration, de la violation du principe de sécurité juridique, de la dénaturation des preuves et d’un détournement de pouvoir. Elle a, en outre, soulevé, à titre subsidiaire, un moyen tiré de l’absence de cohérence du raisonnement de la Commission concernant le calcul des amendes et, à titre plus subsidiaire, un moyen visant à obtenir la réduction de l’amende à un niveau approprié. Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’ensemble des moyens soulevés à titre tant principal que subsidiaire et il a condamné la requérante aux dépens.

5. Par un acte déposé au greffe de la Cour le 15 décembre 2009, la requérante a formé le pourvoi qui fait l’objet de la présente procédure. Elle demande à la Cour, à titre principal, d’annuler l’arrêt attaqué et de faire droit aux conclusions présentées en première instance et visant à obtenir l’annulation des articles 1er, sous d), 2, sous c), 3 et 4, paragraphe 9, de la Décision. À titre subsidiaire, elle demande à la Cour d’annuler ou de réduire, sur le fondement de l’article 261 TFUE, l’amende de 45 millions d’euros infligée conjointement et solidairement à Arkema et à Elf Aquitaine par l’article 2, sous c), de la Décision. En tout état de cause, elle conclut à la condamnation de la Commission aux dépens. Cette dernière demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens.

6. Les représentants des parties ont été entendus lors de l’audience qui s’est tenue le 25 novembre 2010.

II – Analyse

A – Sur le pourvoi

7. À l’appui de son pourvoi, Elf Aquitaine soulève six moyens, les cinq premiers à titre principal et le sixième à titre subsidiaire.

1. Sur le premier moyen de pourvoi

8. Par son premier moyen de pourvoi, la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir tiré les conséquences nécessaires de la nature pénale des amendes infligées en application de l’article 101 TFUE. Cette nature pénale aurait dû amener le juge de première instance à appliquer pleinement les principes de la personnalité de la responsabilité pénale et des peines et de la présomption d’innocence, consacrés à l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (4) (ci‑après la «CEDH»). Le Tribunal aurait, au contraire, appliqué erronément ces principes uniquement à une entité dépourvue de personnalité juridique, l’entreprise Atofina/Elf Aquitaine, et non aux sociétés qui, selon lui, la composaient et qui constituaient les seuls sujets de droit. Cette conception aurait, en particulier, conduit le Tribunal, d’une part, à refuser à la requérante le bénéfice de la présomption d’innocence, en ne l’impliquant pas dans l’enquête préalable, et, d’autre part, à l’exclure de l’application des principes de la personnalité de la responsabilité pénale et des peines, en rejetant les éléments apportés par elle pour démontrer qu’elle était complètement étrangère à l’infraction commise et que sa filiale agissait sur le marché de manière autonome. La Commission fait observer, à titre préalable, que l’on peut, en l’espèce, laisser ouverte la question de la nature des amendes infligées pour violation des règles de concurrence, sur laquelle la Cour s’est, jusqu’à présent, abstenue de prendre position de manière explicite, puisque les droits qui découlent d’une telle qualification, tels que les droits de la défense et la présomption d’innocence, sont, de toute façon, reconnus et garantis par la jurisprudence.

9. Comme la Commission, j’estime que la Cour n’est pas tenue, en l’espèce, de prendre expressément position sur la question de la nature des amendes infligées pour infraction aux règles de concurrence, qui, je le rappelle, sont expressément qualifiées de non pénales par l’article 23, paragraphe 5, du règlement (CE) nº 1/2003 (5). En effet, par son premier moyen de pourvoi, la requérante ne reproche pas au Tribunal d’avoir nié la nature pénale de ces amendes, mais d’avoir violé les droits fondamentaux dont elle bénéficie en tant que personne morale jugée responsable d’une infraction à laquelle sont attachées des sanctions qui, à son avis, ont un caractère pénal. Or, à bien y regarder, les griefs spécifiques soulevés par Elf Aquitaine dans le cadre de ce moyen se superposent, dans une large mesure, à ceux soulevés dans les autres moyens de pourvoi et, en particulier, dans le deuxième, où elle se plaint de la violation des droits de la défense que le Tribunal aurait commise en lui refusant le droit d’être impliquée dans l’enquête préalable, et le cinquième, où elle invoque une violation des principes de la personnalité de la responsabilité pénale et des peines et de la présomption d’innocence, découlant du caractère irréfragable de la présomption sur laquelle la Commission s’est fondée pour établir la responsabilité d’Elf Aquitaine pour le comportement d’Atofina. Il s’ensuit que le premier moyen de pourvoi n’a pas d’autonomie réelle, sauf en ce qui concerne l’affirmation selon laquelle le Tribunal aurait à tort appliqué les droits fondamentaux invoqués par la requérante à l’entreprise constituée d’Elf Aquitaine et de sa filiale et non à la seule requérante. Cette affirmation vise, cependant, aussi, comme on le verra mieux dans la suite, à faire valoir une violation substantielle de ces droits et est réitérée à divers endroits du pourvoi.

10. Sur la base de ce qui précède, j’estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner le premier moyen de pourvoi indépendamment, en particulier, du deuxième et du cinquième. Les griefs soulevés dans le cadre de ces deux moyens seront examinés en partant de l’hypothèse que la prémisse de fond sur laquelle se base la requérante, à savoir que les sanctions infligées pour infraction aux règles de l’Union en matière de concurrence ont un caractère pénal, est correcte.

2. Sur le deuxième moyen de pourvoi, tiré d’une violation des droits de la défense de la requérante

11. Dans le cadre de son deuxième moyen de pourvoi, Elf Aquitaine reproche au Tribunal d’avoir violé ses droits de la défense en interprétant erronément les principes d’équité et d’égalité des armes. Ce moyen comporte deux branches.

a) Sur la première branche

12. La requérante reproche, avant tout, au Tribunal de ne pas avoir assuré la protection de ses droits de la défense dès la phase de l’enquête préalable, précédant l’envoi de la CG. Au cours de cette phase de la procédure administrative, la requérante non seulement n’aurait pas été entendue par la Commission, mais n’aurait pas non plus été informée des soupçons qui pesaient sur elle. En l’espèce, selon la requérante, le respect de ces exigences s’imposait à plus forte raison à son égard, puisqu’elle n’avait pas participé à...

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