Petrotub SA and Republica SA v Council of the European Union.
Jurisdiction | European Union |
Date | 25 April 2002 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 25 avril 2002. - Petrotub SA et Republica SA contre Conseil de l'Union européenne. - Pourvoi - Défense contre les pratiques de dumping - Détermination de la marge de dumping - Choix de la méthode de calcul dite 'asymétrique' - Article 2.4.2 de l'accord sur la mise en oeuvre de l'article VI du GATT - Motivation - Détermination de la valeur normale - Prise en compte de ventes par compensation - Motivation. - Affaire C-76/00 P.
Recueil de jurisprudence 2003 page I-00079
1. Le présent pourvoi résulte du rejet par le Tribunal de première instance des recours formés par deux producteurs roumains de tubes et tuyaux sans soudure, en fer ou en acier non allié, en annulation partielle du règlement du Conseil imposant un droit antidumping définitif sur, entre autres, leurs produits. Les deux actions ont été jointes devant le Tribunal de première instance et les deux producteurs ont introduit un pourvoi conjoint dans lequel ils font tous deux valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit dans son interprétation et son application de l'exigence de motiver une mesure de manière suffisante. Il est toutefois préférable d'examiner les arguments de chaque requérant de manière séparée, dès lors qu'ils portent sur des parties différentes de l'arrêt attaqué.
Petrotub
Le problème sous-jacent
2. Bien que le pourvoi concerne l'obligation de motivation et qu'il convient donc de statuer sur cette base, il peut être utile d'exposer tout d'abord le problème sous-jacent, à savoir celui du calcul des marges de dumping par la «méthode asymétrique», combiné à la pratique de la «réduction à zéro» - une question qui fait l'objet de controverses au niveau du commerce mondial.
3. En 1995, le Conseil a édicté de nouvelles règles communautaires de base régissant les mesures antidumping dans son règlement (CE) n° 384/96 (ci-après le «règlement de base»). L'essence de ces règles, semblable à celle de toutes les règles antidumping dans le monde, est exprimée à l'article 1er. En vertu de l'article 1er, paragraphe 1, «peut être soumis à un droit antidumping tout produit faisant l'objet d'un dumping lorsque sa mise en libre pratique dans la Communauté cause un préjudice» et, en vertu de l'article 1er, paragraphe 2, «un produit est considéré comme faisant l'objet d'un dumping lorsque son prix à l'exportation vers la Communauté est inférieur au prix comparable, pratiqué au cours d'opérations commerciales normales, pour le produit similaire dans le pays exportateur».
4. Cette nouvelle promulgation de 1995 a été incitée à la fois par les imperfections de la législation antérieure et, de manière plus importante encore, par la création du «code antidumping de 1994» dans le cadre des négociations commerciales multilatérales du cycle de l'Uruguay .
5. L'article 2 de ce code concerne la détermination de l'existence d'un dumping. L'article 2.4 exige qu'une comparaison équitable soit établie entre le prix à l'exportation et la valeur normale (qui est en principe le prix habituellement pratiqué dans les relations commerciales nationales mais qui, lorsqu'un tel prix n'est pas disponible, peut également être déterminée en vertu de méthodes spécifiées). L'article 2.4.2 prévoit que «[...] l'existence de marges de dumping pendant la phase d'enquête sera normalement établie sur la base d'une comparaison entre une valeur normale moyenne pondérée et une moyenne pondérée des prix de toutes les transactions à l'exportation comparables, ou par comparaison entre la valeur normale et les prix à l'exportation transaction par transaction. Une valeur normale établie sur la base d'une moyenne pondérée pourra être comparée aux prix de transactions à l'exportation prises individuellement si les autorités constatent que, d'après leur configuration, les prix à l'exportation diffèrent notablement entre différents acheteurs, régions ou périodes, et si une explication est donnée quant à la raison pour laquelle il n'est pas possible de prendre dûment en compte de telles différences en utilisant les méthodes de comparaison moyenne pondérée à moyenne pondérée ou transaction par transaction».
6. L'article 2, paragraphe 10, du règlement de base renferme la même exigence d'une comparaison équitable et, en vertu de l'article 2, paragraphe 11, «l'existence de marges de dumping au cours de la période d'enquête est normalement établie sur la base d'une comparaison d'une valeur normale moyenne pondérée avec la moyenne pondérée des prix de toutes les exportations vers la Communauté ou sur une comparaison des valeurs normales individuelles et des prix à l'exportation individuels vers la Communauté, transaction par transaction. Toutefois, une valeur normale établie sur une moyenne pondérée peut être comparée aux prix de toutes les exportations individuelles vers la Communauté si la configuration des prix à l'exportation diffère sensiblement entre les différents acquéreurs, régions ou périodes et si les méthodes spécifiées dans la première phrase du présent paragraphe ne permettraient pas de refléter l'ampleur réelle du dumping pratiqué».
7. Ces dispositions sont donc substantiellement identiques, chacune prévoyant les trois mêmes méthodes de calcul, bien que la définition des circonstances dans lesquelles la troisième méthode peut être utilisée diffère - «si une explication est donnée quant à la raison pour laquelle il n'est pas possible de prendre dûment en compte de telles différences en utilisant [les deux premières méthodes]» contrairement à «si les [deux premières méthodes] ne permettraient pas de refléter l'ampleur réelle du dumping pratiqué». Il peut dès lors être opportun d'examiner ce que les trois méthodes impliquent.
8. Dans cette optique, il peut être utile d'examiner certains chiffres concrets (bien que totalement fictifs). Un exemple simple pourrait concerner un producteur dans un pays tiers exportant deux modèles de son produit vers la Communauté, le modèle A et le modèle B:
- Pour le modèle A, le résultat du calcul de la valeur normale moyenne pondérée est de 100, sur la base d'un certain nombre de transactions nationales dont les prix varient entre 95 et 105. Deux transactions à l'exportation sont effectuées à un prix, faisant l'objet d'un dumping , de 80, et dix à un prix de 110, ne résultant pas d'un dumping.
- Pour le modèle B, la valeur normale moyenne pondérée est de 90, sur la base d'un certain nombre de transactions nationales dont les prix varient entre 85 et 95. Dix transactions à l'exportation sont effectuées à un prix, faisant l'objet d'un dumping, de 70, et cinq à un prix de 100, ne résultant pas d'un dumping.
9. Une comparaison de la valeur normale moyenne pondérée avec la moyenne pondérée des prix de toutes les exportations vers la Communauté (la «première méthode symétrique») donne les résultats suivants:
- Pour le modèle A, la moyenne pondérée des prix à l'exportation est la suivante:
(2 x 80) + (10 x 110) = 160 + 1 100 = 1 260
1 260 divisé par 12 (le nombre total de transactions à l'exportation) = 105
Comparé à la valeur normale moyenne pondérée de 100, ce calcul ne révèle l'existence d'aucun dumping; il existe en fait une «marge de dumping négative» de - 60 pour l'ensemble des douze transactions, avec une moyenne de - 5 par transaction.
- Pour le modèle B, la moyenne pondérée des prix à l'exportation est la suivante:
(10 x 70) + (5 x 100) = 700 + 500 = 1 200
1 200 divisé par 15 (le total des transactions à l'exportation) = 80
Comparé à la valeur normale moyenne pondérée de 90, ce calcul révèle une marge de dumping («positive») de 150 pour l'ensemble des quinze transactions, avec une moyenne de 10 par transaction.
- Si une marge globale est calculée pour les deux modèles, la marge de dumping négative de - 60 est compensée par la marge positive de 150 de sorte à donner une marge de dumping positive de 90, ou 3,33 par transaction.
10. Laissant de côté pour l'instant la méthode rarement utilisée qui consiste à comparer les prix transaction par transaction (la «deuxième méthode symétrique»), nous nous tournons vers la comparaison entre la valeur normale moyenne pondérée et les prix à l'exportation individuels (la «méthode asymétrique»). Si cette méthode est utilisée, le calcul sera le suivant:
- Pour le modèle A (valeur normale = 100), les deux transactions à 80 révèlent une marge positive de 20, les dix transactions à 110 révèlent une marge négative de 10. La marge totale est:
(2 x 20) + (10 x - 10) = 40 + - 100 = 40 - 100 = - 60 (moyenne - 5).
- Pour le modèle B (valeur normale = 90), les dix transactions à 70 révèlent une marge positive de 20, les cinq transactions à 100 révèlent une marge négative de 10. La marge totale est:
(10 x 20) + (5 x - 10) = 200 + - 50 = 200 - 50 = 150 (moyenne 10).
- Si une marge globale est calculée pour les deux modèles:
(12 x 20) + (15 x - 10) = 240 + - 150 = 240 - 150 = 90 (moyenne 3,33).
11. Il ressort de ce qui précède que les deux méthodes aboutissent au même résultat si, ainsi que nous l'avons envisagé, les mêmes transactions à l'exportation, faisant l'objet d'un dumping et ne faisant pas l'objet d'un dumping, sont prises en considération dans leur totalité. Toutefois, il n'est peut-être pas certain que les transactions utilisées soient les mêmes dans les deux cas puisque la première méthode symétrique est censée s'appliquer à «toutes les transactions comparables» alors que la méthode asymétrique opère une comparaison entre les prix moyens normaux et les transactions à l'exportation «prises individuellement», ce qui ne semble pas exclure une sélection par l'autorité chargée de l'enquête. Dans l'éventualité d'une telle sélection, il semblerait plausible que le but et l'effet puissent être d'exclure certaines exportations n'ayant pas fait l'objet de dumping et dès lors augmenter la marge de dumping positive qui en résulte, plutôt que...
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