Mærsk Olie & Gas A/S v Firma M. de Haan en W. de Boer.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:430
Date13 July 2004
Celex Number62002CC0039
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-39/02
Conclusions
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. PHILIPPE LÉGER
présentées le 13 juillet 2004(1)



Affaire C-39/02

Mærsk Olie & Gas A/S
contre
Firma M. de Haan en W. de Boer


[demande de décision préjudicielle formée par le Højesteret (Danemark)]

«Convention de Bruxelles – Procédure tendant à la constitution d'un fonds limitatif de la responsabilité du fait de l'utilisation d'un navire de mer – Action en dommages et intérêts – Article 21 – Litispendance – Identité de parties – Juridiction saisie en premier lieu – Identité de cause et d'objet – Absence – Article 25 – Notion de décision – Article 27, point 2 – Refus de reconnaissance»






1. Conformément à la convention internationale sur la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires de mer conclue à Bruxelles le 10 octobre 1957 (2) , un armateur peut obtenir que sa responsabilité pour certains dommages maritimes soit limitée à un montant déterminé par ladite convention. La présente affaire a pour cadre une situation dans laquelle des armateurs ont introduit une procédure en limitation de responsabilité devant la juridiction du lieu d’immatriculation de leur navire, aux Pays-Bas, alors que la victime du dommage imputé à ce navire a engagé une action en réparation de son préjudice devant un tribunal danois. 2. C’est dans ce contexte que le Højesteret (Cour suprême) (Danemark) soumet à votre Cour plusieurs questions préjudicielles en interprétation de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (3) . Ainsi, la juridiction de renvoi demande si les dispositions de l’article 21 de la convention de Bruxelles relatives à la litispendance trouvent à s’appliquer en l’espèce. Elle demande également si l’ordonnance sur requête rendue par la juridiction néerlandaise autorisant la création d’un fonds limitatif de responsabilité constitue une décision au sens de l’article 25 de la convention de Bruxelles et dans quelle mesure elle peut être reconnue au Danemark. I – Le cadre juridique A – La convention de 1957 3. La limitation de la responsabilité en droit maritime a été admise depuis longtemps par de nombreuses législations nationales comme répondant à une nécessité essentielle, en ce que les risques inhérents à la navigation peuvent être d’une envergure telle qu’ils ne peuvent pas être assurés dans leur plénitude (4) . La diversité des législations nationales applicables en ce domaine et le caractère international des transports maritimes ont conduit les États à établir des règles uniformes par le biais d’une première convention internationale adoptée en 1924 puis par la convention de 1957 (5) . 4. La convention de 1957 dispose que l’armateur peut limiter sa responsabilité pour les créances qui résultent de l’une des causes énumérées dans ladite convention à moins que l’évènement donnant naissance à la créance ait été causé par sa faute personnelle. Parmi ces créances figurent les dommages matériels causés par le fait, la négligence ou la faute de toute personne se trouvant à bord du navire et se rapportant à la navigation de celui-ci. Aux termes de l’article 1er, point 7, de la convention de 1957, le fait d’invoquer la limitation de sa responsabilité n’emporte pas la reconnaissance de cette responsabilité. Le montant auquel l’armateur peut limiter sa responsabilité est proportionnel au tonnage du navire. Il est égal au produit de ce tonnage par un montant fixé par ladite convention suivant la nature du dommage causé. Ainsi, lorsque l’évènement dommageable n’a donné lieu qu’à des préjudices matériels, la responsabilité du propriétaire ou de l’armateur peut être limitée à 1000 francs par tonneau de jauge du navire (6) . 5. Lorsque l’ensemble des créances résultant d’un même évènement dommageable dépasse la limite de responsabilité ainsi définie, un fonds d’un montant correspondant à cette limite peut être créé et il doit être affecté exclusivement au règlement des créances auxquelles la limitation de responsabilité est opposable. Ce fonds est réparti entre les créanciers proportionnellement au montant de leur créance reconnue. Les règles relatives à la constitution et à la distribution du fonds éventuel ainsi que toutes les règles de procédure sont déterminées par la loi nationale de l’État où le fonds est constitué (7) . 6. La convention de 1957 a été remplacée par la convention sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes conclue à Londres le 19 novembre 1976 (8) . B – Le droit néerlandais 7. Selon les dispositions qui se trouvaient en vigueur à l’époque des faits, le droit néerlandais prévoyait une procédure en limitation de la responsabilité qui comprenait trois étapes. Dans la première étape, le propriétaire du navire ou l’armateur adresse une requête au tribunal du lieu d’enregistrement de ce navire, dans laquelle il indique le montant auquel il demande que sa responsabilité soit limitée ainsi que le nom et le domicile des créanciers éventuels. Le tribunal, lorsqu’il fait droit à la demande, fixe provisoirement par ordonnance le montant auquel la responsabilité du requérant est limitée et lui enjoint de verser cette somme, majorée des frais de procédure, ou de constituer une sûreté à concurrence de ces montants. Le tribunal désigne également un juge-commissaire et un liquidateur. L’ordonnance accompagnée de la requête doit être notifiée au demandeur et aux créanciers visés dans cette dernière par lettre recommandée. Elle doit également faire l’objet d’une publication au Journal officiel et dans d’autres journaux. Elle peut être frappée d’appel par le demandeur et par les créanciers qui voudraient, à ce stade, obtenir que la demande soit rejetée ou déclarée irrecevable (9) . La décision rendue en appel peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation. 8. Au cours de la deuxième étape, les créanciers sont invités à faire connaître leurs créances. Ils peuvent également déposer des contredits aux fins de contester le droit du propriétaire du navire d’obtenir une limitation de sa responsabilité et le montant auquel le juge a provisoirement fixé cette limitation. De même, le propriétaire du navire peut contester des créances. Ces contredits et ces contestations sont renvoyés au tribunal pour être tranchés, soit directement, soit après une tentative de conciliation infructueuse du juge-commissaire (10) . Cette étape s’achève avec l’élaboration par le liquidateur de la liste de répartition du fonds entre les créanciers dont la créance a été admise. Ces derniers peuvent contester cette liste devant le tribunal. Si aucune créance n’est produite, le propriétaire du navire bénéficie d’une décision lui permettant de s’opposer à l’avenir à toute action liée à l’évènement en cause. Cette décision peut faire l’objet d’un recours. 9. Lors de la troisième étape, les créanciers sont invités par lettre recommandée à accepter le montant qui leur est alloué. Ils doivent exiger leur part dans un délai d’un an. Après répartition du fonds limitatif de responsabilité, le propriétaire ou l’armateur est dégagé de toute autre responsabilité au titre de l’évènement dommageable. C – La convention de Bruxelles 10. Aux termes de son préambule, la convention de Bruxelles a pour but de faciliter la reconnaissance et l'exécution des décisions judiciaires, conformément à l'article 293 CE, et de renforcer dans la Communauté européenne la protection juridique des personnes qui y sont établies. Selon son préambule, il importe à cette fin de déterminer la compétence des juridictions des États contractants dans l'ordre international. 11. L'article 2 de la convention de Bruxelles énonce la règle générale selon laquelle sont compétentes les juridictions de l'État dans lequel le défendeur est domicilié. L’article 5 de ladite convention dispose que, «en matière délictuelle ou quasi délictuelle», le défendeur peut être attrait «devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit». 12. L’article 6 bis de la convention de Bruxelles ajoute: «Lorsque, en vertu de la présente convention, un tribunal d’un État contractant est compétent pour connaître des actions en responsabilité du fait de l’utilisation ou de l’exploitation d’un navire, ce tribunal ou tout autre que lui substitue la loi interne de cet État connaît aussi des demandes relatives à la limitation de cette responsabilité.» 13. Ladite convention vise, en outre, à éviter que des décisions inconciliables soient rendues. À cet effet, son article 21, relatif à la litispendance, est rédigé comme suit: «Lorsque des demandes ayant le même objet et la même cause sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d'États contractants différents, la juridiction saisie en second lieu doit, même d’office, se dessaisir en faveur du tribunal premier saisi. La juridiction qui devrait se dessaisir peut surseoir à statuer si la compétence de l’autre juridiction est contestée.» 14. L’article 22 de cette convention dispose, quant à lui, que lorsque des demandes connexes sont formées devant des juridictions d’États contractants différents et sont pendantes au premier degré, la juridiction saisie en second lieu peut surseoir à statuer. Elle peut également se dessaisir dans certaines conditions. Selon cet article, des demandes sont connexes lorsqu’elles sont liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément. 15. Enfin, la convention de Bruxelles prévoit, au titre III, un mécanisme de reconnaissance et d’exécution simplifiée des décisions de justice. L’article 25 de ladite convention définit...

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