Aughinish Alumina Ltd v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date07 December 2017

ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

7 décembre 2017 (*)

« Pourvoi – Aides d’État – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Exonération des droits d’accise sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine – Aide existante ou nouvelle – Règlement (CE) n° 659/1999 – Article 1er, sous b), i) – Principe de protection de la confiance légitime – Obligation de motivation »

Dans l’affaire C‑373/16 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 4 juillet 2016,

Aughinish Alumina Ltd, établie à Askeaton (Irlande), représentée par M. C. Little et Mme C. Waterson, solicitors,

partie requérante,

soutenue par :

République française, représentée par MM. R. Coesme et D. Colas, en qualité d’agents,

partie intervenante au pourvoi,

les autres parties à la procédure étant :

Irlande,

partie demanderesse en première instance,

Commission européenne, représentée par MM. V. Bottka et N. Khan, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, Mme A. Prechal et M. E. Jarašiūnas (rapporteur), juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1 Par son pourvoi, Aughinish Alumina Ltd (ci-après « AAL ») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 22 avril 2016, Irlande et Aughinish Alumina/Commission (T‑50/06 RENV II et T‑69/06 RENV II, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2016:227), en tant que, par celui-ci, le Tribunal a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision 2006/323/CE de la Commission, du 7 décembre 2005, concernant l’exonération du droit d’accise sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine dans la région de Gardanne, dans la région du Shannon et en Sardaigne, mise en œuvre respectivement par la France, l’Irlande et l’Italie (JO 2006, L 119, p. 12, ci-après la « décision litigieuse »)

Le cadre juridique

2 Les droits d’accise sur les huiles minérales ont fait l’objet de plusieurs directives, à savoir la directive 92/81/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur les huiles minérales (JO 1992, L 316, p. 12), la directive 92/82/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant le rapprochement des taux d’accises sur les huiles minérales (JO 1992, L 316, p. 19), et la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité (JO 2003, L 283, p. 51), qui a abrogé les directives 92/81 et 92/82 avec effet au 31 décembre 2003.

3 L’article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81 disposait :

« Le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, peut autoriser un État membre à introduire des exonérations ou des réductions supplémentaires pour des raisons de politiques spécifiques.

Tout État membre souhaitant introduire une telle mesure en informe la Commission et lui communique également toutes les informations pertinentes ou nécessaires. La Commission informe les autres États membres de la mesure proposée dans un délai d’un mois.

Le Conseil est réputé avoir autorisé l’exonération ou la réduction proposée si, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle les autres États membres ont été informés conformément au deuxième alinéa, ni la Commission ni aucun État membre n’a demandé que cette question soit examinée par le Conseil. »

4 Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, de cette directive :

« Si la Commission considère que les exonérations ou réductions visées au paragraphe 4 ne peuvent plus être maintenues, notamment pour des raisons de concurrence déloyale ou de distorsion dans le fonctionnement du marché intérieur ou pour des motifs liés à la politique communautaire de protection de l’environnement, elle présente au Conseil des propositions appropriées. Le Conseil statue à l’unanimité sur ces propositions. »

5 L’article 6 de la directive 92/82 a fixé le taux minimal de l’accise sur le fioul lourd, à compter du 1er janvier 1993, à 13 euros par 1 000 kg.

6 La directive 2003/96 a prévu, à son article 2, paragraphe 4, sous b), deuxième tiret, qu’elle ne s’appliquait pas aux produits énergétiques à double usage, c’est-à-dire à ceux qui sont destinés à être utilisés à la fois comme combustible et pour des usages autres que ceux de carburant ou de combustible. L’utilisation de produits énergétiques pour la réduction chimique et l’électrolyse ainsi que dans les produits métallurgiques est considérée comme un double usage. Ainsi, depuis le 1er janvier 2004, date d’entrée en application de cette directive, il n’y a plus de taux minimal d’accise sur le fioul lourd utilisé dans la production d’alumine. En outre, à son article 18, paragraphe 1, ladite directive a autorisé les États membres à continuer à appliquer, jusqu’au 31 décembre 2006, les taux réduits ou les exonérations énumérés à son annexe II, laquelle mentionne les exonérations de droits d’accise du fioul lourd utilisé comme combustible dans la production d’alumine dans la région de Gardanne, dans la région du Shannon et en Sardaigne.

Les antécédents du litige

7 L’Irlande a exonéré de droits d’accise les huiles minérales utilisées pour la production d’alumine à compter du 12 mai 1983. Cette exonération (ci-après l’« exonération litigieuse ») a été introduite en droit irlandais par le Statutory instrument n° 126/1983, Imposition of Duties (n° 265) (Excise Duty on Hydrocarbon Oils) Order, 1983 [ordonnance sur l’imposition de droits (n° 265) (droit d’accise sur les huiles d’hydrocarbure)], du 12 mai 1983.

8 La continuation de l’application de cette exonération dans la région du Shannon a été autorisée par la décision 92/510/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, autorisant les États membres à continuer à appliquer à certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques les réductions de taux d’accise ou les exonérations d’accises existantes, conformément à la procédure prévue à l’article 8 paragraphe 4 de la directive 92/81 (JO 1992, L 316, p. 16). Cette autorisation a ensuite été prorogée par le Conseil à plusieurs reprises et en dernier lieu par la décision 2001/224/CE du Conseil, du 12 mars 2001, relative aux taux réduits et aux exonérations de droits d’accise sur certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques (JO 2001, L 84, p. 23), jusqu’au 31 décembre 2006.

9 À son considérant 5, cette dernière décision précisait qu’elle ne préjugeait pas « de l’issue d’éventuelles procédures relatives aux distorsions de fonctionnement du marché unique qui pourraient être intentées notamment en vertu des articles [87 et 88 CE] », et qu’elle ne dispensait pas « les États membres, conformément à l’article [88 CE], de l’obligation de notifier à la Commission les aides d’État susceptibles d’être instituées ».

10 Par décision du 30 octobre 2001, la Commission a ouvert la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE (ci-après la « procédure formelle d’examen ») à l’égard de l’exonération litigieuse. Cette décision a été notifiée à l’Irlande par lettre du 5 novembre 2001 et a été publiée le 2 février 2002 au Journal officiel des Communautés européennes (JO 2002, C 30, p. 17). Par deux autres décisions du même jour, elle a ouvert cette procédure à l’égard de mêmes exonérations accordées par la République italienne en Sardaigne et par la République française dans la région de Gardanne (ci-après, ensemble avec l’exonération litigieuse, les « exonérations litigieuses »). À l’issue de cette procédure, la Commission a adopté la décision litigieuse, en vertu de laquelle :

– les exonérations litigieuses accordées jusqu’au 31 décembre 2003 constituent des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE ;

– les aides accordées entre le 17 juillet 1990 et le 2 février 2002, dans la mesure où elles sont incompatibles avec le marché commun, ne sont pas récupérées parce que leur récupération serait contraire aux principes généraux du droit communautaire ;

– les aides accordées entre le 3 février 2002 et le 31 décembre 2003 sont incompatibles avec le marché commun au sens de l’article 87, paragraphe 3, CE dans la mesure où les bénéficiaires ne se sont pas acquittés d’un droit d’au moins 13,01 euros par 1 000 kg d’huile minérale lourde, et

– ces dernières aides doivent être récupérées.

11 Dans la décision litigieuse, la Commission a considéré que les exonérations litigieuses constituaient des aides nouvelles et non des aides existantes au sens de l’article 1er, sous b), du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO 1999, L 83, p. 1). Elle a fondé cette appréciation sur le fait, notamment, que les exonérations litigieuses n’existaient pas avant l’entrée en vigueur du traité CE dans les États membres concernés, qu’elles n’avaient jamais été analysées ni autorisées sur la base des règles régissant les aides d’État et qu’elles n’avaient jamais été notifiées.

12 Après avoir exposé dans quelle mesure les aides en cause étaient incompatibles avec le marché commun, la Commission a estimé que, au vu des décisions du Conseil autorisant les exonérations litigieuses (ci-après les « décisions d’autorisation ») et eu égard au fait que celles-ci avaient été adoptées sur sa proposition, la récupération des aides incompatibles accordées antérieurement au 2...

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