Propos introductifs- De l'homme et de la nature

AuthorMagdalena Lewandowski-Arbitre
ProfessionDocteur en droit communautaire et international (Université Paris I Panthéon-Sorbonne)
Pages1-26

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Le consommateur et le citoyen de l'Union européenne sont abreuvés depuis les années 1980 de prédiction d'épidémies infectieuses, et autres intoxications : "l'affaire hormones", "la vache folle", la fièvre aviaire, ou encore le SRAS... Des règles publiques séculières visent pourtant la protection des territoires nationaux contre ces fléaux. Depuis 1964, l'Union européenne assure l'un des niveaux les plus élevé de protection sanitaire et phytosanitaire du monde.

Ainsi, le droit de la sécurité alimentaire est une discipline peu connue, bien qu'extrêmement répandue puisqu'elle concerne la protection des végétaux, la protection de l'environnement, l'alimentation des animaux, la santé, le bien-être des animaux, l'hygiène alimentaire, et les denrées alimentaires. Cette chaîne alimentaire "de l'étable à la table" se situe au croisement de tous les règnes terrestres : les règnes minéral, végétal, animal et humain, et par sa nature, suscite de nombreuses polémiques et angoisses liées "à l'être ou ne pas être".

Ainsi, avant d'analyser les divers aspects du droit de la sécurité alimentaire, il est nécessaire de définir l'objet de ces mesures et les contextes scientifique, économique et culturels dans lesquels ces mesures dites sanitaires et phytosanitaires s'insèrent. Cette étude permettra de déterminer les enjeux que représentent les mesures sanitaires et phytosanitaires, et de libérer ces termes des qualifications médiatiques et polémiques dont ils font l'objet.

I - Évolutions sanitaires

La directive 64/432/CEE1 est la première norme communautaire concernant les problèmes de police sanitaire. Elle impose, dans ses motifs, au pays expéditeur certaines conditions de police sanitaire en vue de garantir que les animaux faisant l'objet d'échanges intracommunautaires "ne constituent pas une source de propa- Page 2 gation de maladies contagieuses". Il s'agit donc de définir dans un premier temps ce que sont ces maladies contagieuses et la catégorie spécifique des épizooties, et dans un second temps, d'étudier les mesures de lutte contre ces dernières. L'illustration des maladies contagieuses portera sur les maladies communes aux animaux et aux humains (zoonoses), puisque les maladies communes à ces deux règnes concernent le plus directement les questions de sécurité alimentaire, et ont fait l'objet de nombreuses études.

A - Maladies contagieuses
Infection

L'infection est le résultat de l'agression d'un organisme par une bactérie, un virus, un parasite ("infestation") ou un champignon. Elle se traduit par des altérations anatomiques ou fonctionnelles, par des manifestations cliniques et biologiques qui résultent du déséquilibre entre la virulence de l'agent pathogène et les capacités de résistance de l'hôte, très variable selon le "terrain". Elle obéit à des règles de transmission très précises.

Ces micro-organismes font partie de l'environnement : l'air, le sol, l'eau, les aliments et les individus infectés, qui en constituent le "réservoir", à partir duquel se fait la contamination. Un tiers des maladies infectieuses connues est constitué par le groupe des zoo-anthroponoses, c'est-à -dire les maladies animales auxquelles l'homme est sensible.

Transmission

La transmission de l'agent infectieux comprend trois étapes :

* La première étape est caractérisée par la libération de l'agent pathogène qui résulte de l'électivité de sa localisation initiale chez l'hôte. Cette électivité de localisation initiale de l'agent pathogène détermine la voie de libération de cet agent infectant : libéré dans l'air lors de certaines maladies du tractus respiratoire, le micro-organisme infectera un nouvel hôte lorsque celui-ci respirera l'atmosphère contaminée. Quand l'agent pathogène a sa localisation initiale dans l'intestin de l'hôte, il est éliminé dans les excréments, gagne le sol et éventuellement les réserves d'eau et de l'alimentation. Les futurs hôtes sont alors contaminés par voie alimentaire et digestive.

* La seconde étape concerne le passage de l'agent infectant dans le milieu extérieur : épidémiologiquement, c'est la plus importante période dans la transmission de l'agent infectant d'un malade à un sujet sain. Le micro-organisme est libre dans le milieu extérieur ; celui-ci peut lui procurer une survie dont la durée est liée à de nombreux facteurs : la lumière, les rayons UV et la dessiccation ont un effet nocif sur beaucoup d'agents pathogènes. Cependant, certaines espèces microbiennes peuvent être longtemps sauvegardées, soit par l'existence d'une enveloppe lipidique protectrice (tel le bacille tuberculeux), soit par celle des formes de résistance en milieux défavorables (telles sont les spores de la bactéridie charbonneuse qui peuvent demeurer viables dans le sol pendant des dizaines d'années).

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* Enfin, la troisième étape intervient lors de la pénétration de l'agent infectant dans l'organisme neuf : différentes voies de transmission de l'infection peuvent être distinguées et c'est selon ce critère fondamental que sont classés actuellement les maladies contagieuses. Le plus souvent le contact entre la source d'infection et l'hôte peut être indirect ou direct.

Ainsi, dans le cas de la transmission par aérosol, les agents pathogènes sont transportés de sujet à sujet par des microgouttelettes de mucus émises à l'occasion de la toux, de l'éternuement. Dans le cas de maladies infectieuses du tractus intestinal, le cycle épidémiologique est souvent long et complexe. Les agents infectieux sont éliminés dans les matières fécales des malades ou porteurs sains, et contaminent les réseaux d'eau potable ; aussi appelle-t-on souvent ces maladies infectieuses "maladies hydriques".

Parallèlement, le rôle du sol en tant que facteur de transmission d'infection est de grande importance de la flore anaérobie, dite tellurique, est responsable notamment du charbon bactérien. Quant aux produits alimentaires, ils procurent à un grand nombre d'agents infectieux d'excellents milieux de survie. Le lait et les produits laitiers provenant d'animaux infectés peuvent être responsables de maladies diverses telles la tuberculose bovine, la brucellose, la fièvre Q. De plus, le lait peut être contaminé par des germes hydro-tellurgiques.

Immunité

Il faut tenir compte aussi de la sensibilité de la population. L'immunité infectieuse constitue la troisième condition nécessaire au développement d'une épidémie. Le niveau de sensibilité d'une population n'est pas uniforme pour les diverses maladies infectieuses.

La contamination d'un sujet par un agent pathogène n'entraîne pas nécessairement l'apparition d'une maladie infectieuse. Il va de soi qu'un grand nombre de maladies, une fois déclarées, ne conduisent pas à la mort. En fait, des espèces animales sont capables de supporter un contact, même prolongé avec certains germes. On dit, alors, qu'elles jouissent d'une immunité naturelle, celle-ci pouvant être Page 4 absolue ou relative. Cependant d'autres espèces, qui, à l'état naturel, manifestent une réceptivité très grande, peuvent perdre cette réceptivité. Cette autre forme d'immunité est appelée acquise.

En ce qui concerne l'immunité naturelle, de très nombreux exemples montrent qu'une même souche microbienne (bactérie ou virus) peut être très inégalement pathogène pour les différentes espèces animales soumises à son action. Ainsi, la bactéridie charbonneuse frappe moins sévèrement le lapin que le cobaye. Le bacille morveux parvient à se multiplier à la fois chez le cheval, l'âne et l'homme, mais il le fait en donnant des tableaux d'infection différents : aigus ou chroniques selon les cas. La fièvre récurrente est d'ordinaire moins grave chez le singe que chez l'homme. Le pneumocoque détermine expérimentalement chez la souris une septicémie mortelle. Il est, en règle générale, moins dangereux chez l'homme. Inversement, une seule et même espèce animale peut être réceptive à certains microbes et tout à fait réfractaire à d'autres. Sur ce point encore, les exemples ne font pas défaut. C'est ainsi que le chien, qui contracte si facilement la rage, n'est pas touché par le charbon. A priori, il est impossible de dire si tel parasite, telle bactérie ou tel virus, nouvellement isolé, sera, ou non, pathogène pour une espèce animale donnée.

L'immunité acquise correspond, pour l'organisme, à un état nouveau qui peut apparaître à la suite d'une maladie ou d'une infection, d'une vaccination ou d'une sérothérapie. Il traduit en quelque sorte une modification du "terrain". Il peut s'agir soit d'une immunité active, consécutive à une infection naturelle ou à l'inoculation artificielle d'un agent infectieux ou d'un de ses antigènes à l'occasion d'une vaccination, soit d'une immunité passive, transmise à...

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