Kingdom of the Netherlands v European Commission.
Jurisdiction | European Union |
Date | 16 November 2022 |
Court | General Court (European Union) |
ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre élargie)
16 novembre 2022 ( *1 )
« Aides d’État – Loi néerlandaise interdisant l’utilisation du charbon pour la production d’électricité – Fermeture anticipée d’une centrale électrique au charbon – Octroi d’une indemnité – Décision de ne pas soulever d’objections – Décision déclarant l’indemnité compatible avec le marché intérieur – Absence de qualification expresse d’“aide d’État” – Recours en annulation – Acte attaquable – Recevabilité – Article 4, paragraphe 3, du règlement (UE) 2015/1589 – Sécurité juridique »
Dans l’affaire T‑469/20,
Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes M. Bulterman, M. de Ree et M. J. Langer, en qualité d’agents,
partie requérante,
contre
Commission européenne, représentée par MM. H. van Vliet, B. Stromsky et Mme D. Recchia, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (septième chambre élargie),
composé, lors des délibérations, de MM. R. da Silva Passos, président, V. Valančius (rapporteur), Mme I. Reine, MM. L. Truchot et M. Sampol Pucurull, juges,
greffier : M. L. Ramette, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure, notamment :
– |
l’exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal soulevée par la Commission par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 5 octobre 2020, |
– |
l’ordonnance de jonction de l’exception au fond du 23 février 2021, |
à la suite de l’audience du 15 juin 2022,
rend le présent
Arrêt
1 |
Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le Royaume des Pays-Bas demande l’annulation de la décision C(2020) 2998 final de la Commission, du 12 mai 2020, relative à l’aide d’État SA. 54537 (2020/NN) – Pays-Bas, Interdiction de l’utilisation du charbon pour la production d’électricité aux Pays-Bas (ci-après la « décision attaquée »). |
Antécédents du litige
2 |
Le 27 mars 2019, les autorités néerlandaises ont notifié à la Commission européenne leur projet de wet verbod op kolen bij elektriciteitsproductie [loi sur l’interdiction de l’utilisation du charbon pour la production d’électricité (ci-après la « loi »)], conformément à la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil, du 9 septembre 2015, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information (JO 2015, L 241, p. 1). |
3 |
Cette loi, qui a pour objet de réduire les émissions de dioxyde de carbone (CO2) aux Pays-Bas et qui prévoit la possibilité d’accorder la compensation du préjudice occasionné à une centrale qui, par rapport aux autres centrales, serait, de manière disproportionnée, affectée par l’interdiction de l’utilisation du charbon pour la production d’électricité, n’a pas fait l’objet d’une notification à la Commission au titre de l’article 108, paragraphe 3, TFUE. |
4 |
Toutefois, à la suite de la notification du projet de loi par le Royaume des Pays-Bas en application de la directive 2015/1535, la Commission a commencé, de sa propre initiative, l’examen des informations concernant une aide présumée et a demandé, les 4 juin, 25 juin, 2 août et 23 septembre 2019, aux autorités néerlandaises de lui soumettre des renseignements supplémentaires. Le Royaume des Pays-Bas a répondu aux demandes de la Commission, respectivement les 13 juin, 18 juillet, 30 août, 8 octobre, 29 novembre, 1er décembre 2019 et 10 mars 2020. |
5 |
Dans cette correspondance, le Royaume des Pays-Bas a itérativement affirmé que l’indemnisation prévue par la loi était strictement limitée aux préjudices causés par l’interdiction de l’utilisation du charbon pour la production d’électricité et qu’elle ne constituait pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. |
6 |
Le 11 décembre 2019, le Royaume des Pays-Bas a adopté la loi, laquelle est entrée en vigueur le 20 décembre 2019. |
7 |
Lors de l’adoption de la loi, cinq centrales électriques au charbon existaient aux Pays-Bas, à savoir Amercentrale 9, Eemshaven A/B, Engie Maasvlakte, MPP3 et Hemweg 8 (ci-après « Hemweg »). |
8 |
Selon les articles 3 et 3a de la loi, l’interdiction de l’utilisation du charbon pour la production d’électricité est appliquée de manière progressive, en fonction de la rentabilité de chaque centrale, de l’utilisation de la biomasse et du rendement électrique. L’interdiction complète de l’utilisation du charbon pour la production d’électricité a été fixée, au plus tard, au 1er janvier 2030. |
9 |
Quatre des cinq centrales électriques ont bénéficié d’une période transitoire de cinq à dix ans, leur laissant ainsi la possibilité de récupérer les investissements réalisés, de s’adapter à une autre matière première ou de se préparer à la fermeture. |
10 |
Hemweg, qui ne brûlait pas de biomasse, ne produisait aucune énergie renouvelable et dont le rendement était le plus bas parmi les cinq centrales, n’a pas bénéficié d’une période transitoire. En application de l’article 3a de la loi, elle aurait dû cesser d’utiliser du charbon dès le 1er janvier 2020. Comme cette centrale n’avait pas la possibilité de s’adapter à une autre matière première, elle devait être fermée à la fin de l’année 2019. |
11 |
L’article 4 de la loi prévoit la possibilité d’accorder une indemnisation à une centrale qui, par rapport aux autres centrales, serait, de manière disproportionnée, affectée par l’interdiction de l’utilisation du charbon pour la production d’électricité. |
12 |
L’article 4 a été adopté, selon le Royaume des Pays-Bas, car l’interdiction de l’utilisation du charbon pour la production d’électricité affecte le droit de propriété, au sens de l’article 1er du protocole no 1 à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), et en raison des exigences du principe d’égalité devant les charges publiques, l’objectif étant, notamment, de ménager un juste équilibre entre l’intérêt général poursuivi par l’État et l’intérêt individuel des centrales concernées. |
13 |
Hemweg n’ayant pas bénéficié d’une période transitoire, elle a été, selon le gouvernement néerlandais, affectée de manière très disproportionnée par l’introduction, à très court terme, de l’interdiction de l’utilisation du charbon pour la production d’électricité. Pour assurer le juste équilibre exigé par la CEDH, les autorités néerlandaises ont contacté Vattenfall NV, l’exploitant de Hemweg, afin d’obtenir des informations permettant d’évaluer l’ampleur du préjudice et de déterminer l’indemnisation due au titre de la fermeture anticipée. |
14 |
Après une analyse effectuée en coopération avec un cabinet d’audit, le ministre des Affaires économiques et du Climat néerlandais a, par décision du 20 décembre 2019, octroyé à Vattenfall une indemnité de 52,5 millions d’euros (ci-après la « mesure en cause »). |
15 |
Le 12 mai 2020, la Commission a adopté la décision attaquée, par laquelle elle a déclaré la mesure en cause compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. |
16 |
Dans la décision attaquée, la Commission a considéré, au paragraphe 40, que la loi « port[ait] atteinte aux droits de propriété de Vattenfall, en ce qu’elle lui fai[sai]t obligation de fermer Hemweg prématurément, afin de réduire les émissions de CO2, dans l’intérêt public », la Commission ayant également considéré qu’une « juridiction nationale [néerlandaise] accorderait donc, probablement, une indemnisation à [Vattenfall] ». |
17 |
Quant à l’existence d’une aide d’État, la Commission a conclu au paragraphe 48 de la décision attaquée que, « eu égard aux informations fournies par les autorités néerlandaises, il ne p[o]u[vai]t être conclu, avec un degré suffisant de certitude, qu’il exist[ait] dans cette affaire un droit à indemnisation d’un montant de 52,5 millions d’euros ». La Commission en a déduit qu’il « ne p[o]u[vai]t être exclu que la mesure en question octroie une aide d’État à l’entreprise concernée ». |
18 |
Toutefois, la Commission a estimé au paragraphe 49 de la décision attaquée qu’« il n’y a[vait] pas lieu pour autant de tirer une conclusion définitive en l’espèce quant à la question de savoir si la mesure conf[é]r[ait]e ou non un avantage à l’exploitant et constitu[ait] donc une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, puisque, même en présence d’une aide d’État, [elle] consid[é]r[ait] que la mesure [étai]t compatible avec le marché intérieur ». |
Conclusions des parties
19 |
Le Royaume des Pays-Bas conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
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20 |
La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
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En droit
Sur la recevabilité
21 |
Dans son exception d’irrecevabilité, la Commission rappelle tout d’abord que, étant donné qu’aucune règle de droit de l’Union européenne ne l’oblige à fournir une décision explicite quant à la qualification de la mesure, elle ne s’est pas prononcée sur la question de savoir si la mesure en cause constituait une aide d’État. |
22 |
Ensuite, en faisant référence, d’une part, à l’ordonnance du 28 janvier 2004, Pays-Bas/Commission (C‑164/02, EU:C:2004:54), et, d’autre part, à l’arrêt du 8 septembre 2011, Commission/Pays-Bas (C‑279/08 P, EU:C:2011:551), la Commission tire les deux conclusions suivantes... |
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