Conclusiones del Abogado General Sr. G. Pitruzzella, presentadas el 13 de febrero de 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:96
Celex Number62019CC0107
Date13 February 2020
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 13 février 2020 (1)

Affaire C107/19

XR

contre

Dopravní podnik hl. m. Prahy a.s.

[demande de décision préjudicielle formée par l’Obvodní soud pro Prahu 9 (tribunal d’arrondissement de Prague 9, République tchèque)]

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 2003/88/CE – Aménagement du temps de travail – Notion de “temps de travail” – Période de pause d’un travailleur, au cours de laquelle il est obligé d’être à la disposition de son employeur pour partir en intervention dans un délai de deux minutes – Obligation de respecter les appréciations en droit d’une juridiction supérieure non conformes au droit de l’Union – Primauté du droit de l’Union »






I. Introduction

1. La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (2).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant XR à Dopravní podnik hl. m. Prahy a.s. (ci-après « Dopravní podnik ») au sujet du refus de cette dernière de verser à XR le paiement d’une somme de 95 335 couronnes tchèques (CZK) (environ 3 735 euros) (3), augmentée d’intérêts de retard, au titre de la rémunération des temps de pause pris au cours de son activité professionnelle en tant que pompier entre les mois de novembre 2005 et de décembre 2008.

3. Par ses questions préjudicielles, l’Obvodní soud pro Prahu 9 (tribunal d’arrondissement de Prague 9, République tchèque) invite la Cour à lui indiquer les critères permettant de qualifier un temps de pause comme « temps de travail » ou « période de repos » en application de la directive 2003/88.

II. Le cadre juridique

A. La directive 2003/88

4. Le considérant 5 de la directive 2003/88 énonce :

« Tous les travailleurs doivent disposer de périodes de repos suffisantes. La notion de repos doit être exprimée en unités de temps, c’est-à-dire en jours, heures et/ou fractions de jour ou d’heure. Les travailleurs de [l’Union européenne] doivent bénéficier de périodes minimales de repos – journalier, hebdomadaire et annuel – et de périodes de pause adéquates ... »

5. L’article 1er, paragraphes 1 et 2, de cette directive dispose :

« 1. La présente directive fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail.

2. La présente directive s’applique :

a) aux périodes minimales de repos journalier, de repos hebdomadaire et de congé annuel ainsi qu’au temps de pause et à la durée maximale hebdomadaire de travail, et

b) à certains aspects du travail de nuit, du travail posté et du rythme de travail. »

6. L’article 2 de ladite directive, intitulé « Définitions », prévoit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

1. “temps de travail” : toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l’employeur et dans l’exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales ;

2. “période de repos” : toute période qui n’est pas du temps de travail ;

[...]

5. “travail posté” : tout mode d’organisation du travail en équipe selon lequel des travailleurs sont occupés successivement sur les mêmes postes de travail, selon un certain rythme, y compris le rythme rotatif, et qui peut être de type continu ou discontinu, entraînant pour les travailleurs la nécessité d’accomplir un travail à des heures différentes sur une période donnée de jours ou de semaines ;

[...]

9. “repos suffisant” : le fait que les travailleurs disposent de périodes de repos régulières dont la durée est exprimée en unités de temps et qui sont suffisamment longues et continues pour éviter qu’ils ne se blessent eux-mêmes ou ne blessent leurs collègues ou d’autres personnes et qu’ils ne nuisent à leur santé, à court ou à plus long terme, par suite de la fatigue ou d’autres rythmes de travail irrégulier. »

7. Le chapitre 2 de la directive 2003/88 se rapporte notamment aux « [p]ériodes minimales de repos ». L’article 3 de cette directive, concernant le « [r]epos journalier », est libellé comme suit :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d’une période minimale de repos de onze heures consécutives. »

8. L’article 4 de ladite directive, consacré au « [t]emps de pause », dispose :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cas où le temps de travail journalier est supérieur à six heures, d’un temps de pause dont les modalités, et notamment la durée et les conditions d’octroi, sont fixées par des conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux ou, à défaut, par la législation nationale. »

9. L’article 5 de la directive 2003/88, intitulé « Repos hebdomadaire », prévoit, à son premier alinéa :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de sept jours, d’une période minimale de repos sans interruption de vingt-quatre heures auxquelles s’ajoutent les onze heures de repos journalier prévues à l’article 3. »

10. L’article 17, paragraphe 3, sous c), iii), de cette directive prévoit qu’il peut être dérogé notamment à l’article 4 de celle-ci en ce qui concerne, entre autres, les sapeurs-pompiers.

B. Le droit tchèque

11. L’article 83 du zákon č. 65/1965 Sb., zákoník práce (loi nº 65/1965, établissant le code du travail), applicable jusqu’au 31 décembre 2006, prévoyait :

« (1) Le temps de travail est la période au cours de laquelle l’employé est tenu d’effectuer un travail pour l’employeur.

(2) La période de repos est la période qui n’est pas du temps de travail.

[...]

(5) Le service de garde est la période au cours de laquelle l’employé, en vertu de son contrat de travail, se tient prêt pour une éventuelle mission qui, en cas de nécessité impérieuse, devra être exécutée en dehors de l’horaire de son équipe de travail.

[...] »

12. L’article 89 de cette loi, relatif au « [t]emps de pause », indiquait :

« (1) L’employeur est tenu d’accorder à l’employé, au maximum après six heures de travail ininterrompu, un temps de pause destiné au repas et au repos d’une durée minimale de 30 minutes ; cette pause doit être accordée aux mineurs au maximum après quatre heures et demie de travail ininterrompu. Dans le cas d’un travail qui ne peut être interrompu, une période adéquate pour le repos et le repas doit être garantie à l’employé même sans interruption du service ou du travail ; dans le cas des mineurs, une pause destinée au repas et au repos au sens de la première phrase doit toujours être accordée.

(2) L’employeur peut fixer de façon adéquate la durée de la pause destinée au repas, après consultation de l’organisme professionnel compétent.

(3) L’employeur détermine le début et la fin de ces pauses, après consultation de l’organisme professionnel compétent.

(4) Les pauses destinées au repas et au repos ne sont pas accordées au début ou à la fin du temps de travail.

(5) Les pauses accordées pour le repas et le repos ne sont pas incluses dans le calcul du temps de travail. »

13. Ces dispositions ont été modifiées par le zákon č. 262/2006 Sb., zákoník práce (loi nº 262/2006, établissant le code du travail), entré en vigueur le 1er janvier 2007. Aux termes de l’article 78 de cette loi :

« (1) Aux fins des dispositions régissant le temps de travail et la période de repos, on entend par :

a) “temps de travail”, la période au cours de laquelle l’employé est tenu d’effectuer un travail pour l’employeur et la période au cours de laquelle l’employé se tient prêt, sur le lieu de travail, à effectuer une mission selon les instructions de l’employeur ;

[...]

h) “service de garde”, la période au cours de laquelle l’employé, en vertu de son contrat de travail, se tient prêt pour une éventuelle mission qui, en cas de nécessité impérieuse, devra être exécutée en dehors de l’horaire de son équipe de travail. Le service de garde ne peut être effectué que sur un autre lieu convenu avec l’employé, qui est différent des lieux de travail de l’employeur ;

[...] »

14. S’agissant du temps de pause et de la pause de sécurité, l’article 88 de cette loi précise :

« (1) L’employeur est tenu d’accorder à l’employé, au maximum après six heures de travail ininterrompu, un temps de pause destiné au repas et au repos d’une durée minimale de 30 minutes ; cette pause doit être accordée aux employés mineurs au maximum après quatre heures et demie de travail ininterrompu. Dans le cas d’un travail qui ne peut être interrompu, une période adéquate pour le repos et le repas doit être garantie à l’employé même sans interruption du service ou du travail ; cette période est incluse dans le calcul du temps de travail. Dans le cas d’employés mineurs, une pause destinée au repas et au repos au sens de la première phrase doit toujours être accordée.

(2) Si le temps de pause destiné au repas et au repos doit être divisé, une partie de cette pause doit durer au moins quinze minutes.

[...] »

III. Le litige au principal et les questions préjudicielles

15. Du mois de novembre 2005 au mois de décembre 2008, XR a exercé auprès de Dopravní podnik la profession de pompier en qualité de pompier-chef d’intervention, puis de pompier.

16. XR était soumis à un régime de travail posté, comprenant un poste du matin, de 6 h 45 à 19 heures, et un poste de nuit, de 18 h 45 à 7 heures. Ses horaires de travail journalier comprenaient deux pauses destinées au repas et au repos d’une durée de 30 minutes chacune.

17. Entre 6 h 30 et 13 h 30, XR pouvait se rendre à la cantine d’usine, située à 200 m de son poste de travail, à la condition de porter un émetteur l’avertissant, en cas de nécessité de partir immédiatement en intervention, qu’il disposait de deux minutes pour se présenter au départ...

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