Opinion of Advocate General Campos Sánchez-Bordona delivered on 14 January 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:1
Date14 January 2020
Celex Number62018CC0078
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 14 janvier 2020 (1)

Affaire C78/18

Commission Européenne

contre

Hongrie

(Transparence associative)

« Recours en manquement – Libre circulation des capitaux – Articles 63 TFUE et 65 TFUE – Respect de la vie privée – Protection des données à caractère personnel – Liberté d’association – Transparence – Articles 7, 8 et 12 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Dons étrangers offerts aux organisations non gouvernementales effectuant leur activité dans un État membre – Législation nationale prévoyant des obligations d’enregistrement, de déclaration et de transparence, assorties de sanctions, concernant les organisations non gouvernementales bénéficiant de dons étrangers »






1. À la demande de la Commission, la Cour est appelée à juger si la Hongrie a manqué aux obligations qui lui incombent au titre de l’article 63 TFUE et des articles 7, 8 et 12 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte ») en introduisant, par la voie législative (2), certaines restrictions à l’égard des dons provenant de l’étranger au bénéfice des « organisations de la société civile ».

2. La Cour devra se prononcer sur le recours en manquement introduit par la Commission en procédant une nouvelle fois au contrôle juridictionnel de l’activité des États membres, de manière à intégrer harmonieusement, dans son analyse, les libertés fondamentales consacrées dans les traités et les droits protégés par la Charte.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. Traité FUE

3. L’article 63 TFUE dispose :

« 1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.

2. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux paiements entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites ».

4. L’article 65 TFUE est libellé comme suit :

« 1. L’article 63 ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres :

a) d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis ;

b) de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale ou en matière de contrôle prudentiel des établissements financiers, de prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d’information administrative ou statistique ou de prendre des mesures justifiées par les motifs liés à l’ordre public ou à la sécurité publique.

2. Le présent chapitre ne préjuge pas la possibilité d’appliquer des restrictions en matière de droit d’établissement qui sont compatibles avec les traités.

3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 63.

[…] ».

2. Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

5. L’article 7 prévoit que :

« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications. »

6. L’article 8 précise que :

« 1. Toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant.

2. Ces données doivent être traitées loyalement, a' des fins déterminées et sur la base du consentement de la personne concernée ou en vertu d’un autre fondement légitime prévu par la loi. Toute personne a le droit d’accéder aux données collectées la concernant et d’en obtenir la rectification.

3. Le respect de ces règles est soumis au contrôle d’une autorité indépendante ».

7. En vertu de l’article 12, paragraphe 1 :

« 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association à tous les niveaux, notamment dans les domaines politique, syndical et civique, ce qui implique le droit de toute personne de fonder avec d’autres des syndicats et de s’y affilier pour la défense de ses intérêts. »

8. L’article 52 dispose :

« 1. Toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui.

[…]

3. Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue.

[…] »

B. Le droit hongrois. La loi n° LXXVI de 2017

9. Le préambule expose ce qui suit :

« [...] les organisations établies en vertu de la liberté d’association sont des expressions de l’auto-organisation de la société et leur activité contribue au contrôle démocratique et au débat public sur les affaires publiques [...] ces organisations jouent un rôle déterminant dans la formation de l’opinion publique,

– [...] le rôle que jouent les associations et les fondations dans la société, leur transparence présente un intérêt public majeur,

– [...] le soutien fourni par des sources étrangères inconnues aux organisations établies en vertu de la liberté d’association est susceptible d’être utilisé par des groupes d’intérêts étrangers pour promouvoir – par le biais de l’influence sociale de ces organisations – leurs propres intérêts au lieu des objectifs communautaires dans la vie sociale et politique de la Hongrie et [...] peut mettre en péril les intérêts politiques et économiques du pays ainsi que le fonctionnement sans ingérence des institutions légales. »

10. En vertu de l’article 1er :

« 1. Aux fins de l’application de la présente loi, est réputée être une organisation recevant de l’aide de l’étranger toute association et fondation qui bénéficie d’un financement tel que défini au paragraphe 2.

2. Au sens de la présente loi, tout apport d’argent ou d’autres actifs provenant directement ou indirectement de l’étranger, indépendamment du titre juridique, est réputé être une aide dès lors qu’il atteint – seul ou cumulativement –, en un exercice fiscal donné, le double du montant fixé à l’article 6, paragraphe 1, point b), de la loi n° LIII de 2017 relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (ci‑après : “loi Pmt”). [(3)]

3. N’entre pas dans le calcul du montant de l’aide au sens du paragraphe 2, l’aide que l’association ou la fondation reçoit, en vertu d’une règle de droit particulière, sous la forme d’un financement provenant de l’Union européenne versé par l’intermédiaire d’une institution budgétaire [hongroise].

4. Ne relèvent pas de la présente loi :

a) les associations et fondations qui ne sont pas réputées être des organisations de la société civile ;

b) les associations couvertes par la loi n° I de 2004 relative au sport ;

c) les organisations exerçant une activité religieuse ;

d) les organisations et associations de minorités nationales couvertes par la loi n° CLXXIX de 2011 sur les droits des minorités nationales ainsi que les fondations exerçant, conformément à leur acte constitutif, une activité directement liée à l’autonomie culturelle d’une minorité nationale ou représentant et défendant les intérêts d’une minorité nationale donnée. »

11. L’article 2 dispose :

« 1. Toute association ou fondation au sens de l’article 1er, paragraphe 1, est tenue de signaler, dans les 15 jours, sa transformation en organisation recevant de l’aide de l’étranger, dès que le montant d’aides qu’elle a reçues durant l’année concernée atteint le double du montant fixé à l’article 6, paragraphe 1, point b), de la loi [Pmt].

2. L’organisation recevant de l’aide de l’étranger envoie la déclaration visée au paragraphe 1 au tribunal compétent pour son siège social (ci-après la “juridiction d’enregistrement”) et fournit les données spécifiées à l’annexe I [(4)]. La juridiction d’enregistrement joint la déclaration aux renseignements relatifs à l’association ou à la fondation figurant dans le registre des organisations civiles et autres organisations réputées non commerciales (ci-après le “registre”) et enregistre l’association ou la fondation en tant qu’organisation recevant de l’aide de l’étranger.

3. En appliquant par analogie les règles énoncées au paragraphe 1, l’organisation recevant de l’aide de l’étranger transmet à la juridiction d’enregistrement, en même temps que son décompte, une déclaration comportant les données spécifiées à l’annexe I, concernant les aides reçues durant l’année écoulée. Dans la déclaration doivent figurer, pour l’année concernée,

a) pour une aide ne dépassant pas 500 000 HUF [(5)] par donateur, les informations visées à la partie II, point A), de l’annexe I,

b) pour une aide atteignant ou dépassant 500 000 HUF par donateur, les informations visées à la partie II, point B), de l’annexe I.

4. Avant le 15 de chaque mois, la juridiction d’enregistrement envoie au ministre chargé de la gestion du portail des informations civiles le nom, le siège et l’identifiant fiscal des associations et fondations qu’elle a inscrites au registre en tant qu’organisations recevant de l’aide de l’étranger durant le mois écoulé. Le ministre chargé de la gestion du portail des informations civiles diffuse sans délai les informations ainsi transmises afin de les rendre publiquement et gratuitement...

To continue reading

Request your trial
1 practice notes
1 books & journal articles

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT