A. Racke GmbH & Co. v Hauptzollamt Mainz.
Jurisdiction | European Union |
ECLI | ECLI:EU:C:1998:293 |
Docket Number | C-162/96 |
Celex Number | 61996CJ0162 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Procedure Type | Reference for a preliminary ruling |
Date | 16 June 1998 |
Arrêt de la Cour du 16 juin 1998. - A. Racke GmbH & Co. contre Hauptzollamt Mainz. - Demande de décision préjudicielle: Bundesfinanzhof - Allemagne. - Accord de coopération CEE/Yougoslavie - Suspension des concessions commerciales - Convention de Vienne sur le droit des traités - Clause rebus sic stantibus. - Affaire C-162/96.
Recueil de jurisprudence 1998 page I-03655
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
1 Questions préjudicielles - Appréciation de validité - Compétence de la Cour - Étendue
2 Accords internationaux - Accords de la Communauté - Effet direct - Conditions - Article 22 de l'accord de coopération CEE/Yougoslavie
(Accord de coopération CEE/Yougoslavie, art. 22, § 4, et protocole additionnel, art. 2, § 1 et 2, et 4)
3 Accords internationaux - Accords de la Communauté - Accord de coopération CEE/Yougoslavie - Possibilité pour les justiciables de mettre en cause la validité, au regard des règles du droit internationnal coutumier, d'un règlement suspendant les concessions commerciales octroyées par l'accord
(Accord de coopération CEE/Yougoslavie, art. 22, § 4, et protocole additionnel, art. 2, § 1 et 2, et 4)
4 Droit international public - Principes - Pacta sunt servanda - Règles du droit international coutumier portant sur la cessation et la suspension des relations conventionnelles - Possibilité pour les justiciables d'invoquer ces principes pour contester la validité d'un règlement suspendant les concessions commerciales octroyées par un accord de coopération - Admissibilité - Contrôle juridictionnel - Limites
(Accord de coopération CEE/Yougoslavie; règlement du Conseil n_ 3300/91)
Sommaire
1 La compétence de la Cour pour statuer, en vertu de l'article 177 du traité, sur la validité des actes pris par les institutions de la Communauté ne comporte aucune limite quant aux causes sur la base desquelles la validité de ces actes pourrait être contestée. Cette compétence s'étendant à l'ensemble des motifs d'invalidité susceptibles d'entacher ces actes, la Cour est tenue d'examiner si leur validité peut être affectée du fait de leur contrariété avec une règle de droit international.
2 Une disposition d'un accord conclu par la Communauté avec des pays tiers doit être considérée comme étant d'application directe lorsque, eu égard à ses termes ainsi qu'à l'objet et à la nature de l'accord, elle comporte une obligation claire et précise qui n'est subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l'intervention d'aucun acte ultérieur.
Tel est le cas de l'article 22, paragraphe 4, de l'accord de coopération entre la CEE et la république socialiste fédérative de Yougoslavie, qui, dans sa version résultant de l'article 4 du protocole additionnel à cet accord, établit, pour certains vins, un contingent tarifaire communautaire dans la limite duquel il est procédé à la suppression des droits de douane à l'importation dans la Communauté.
3 Lorsqu'il se prévaut en justice du traitement douanier préférentiel que lui accorde l'article 22, paragraphe 4, de l'accord de coopération entre la CEE et la république socialiste fédérative de Yougoslavie, un justiciable peut mettre en cause la validité, au regard des règles du droit international coutumier, d'un règlement suspendant les concessions commerciales octroyées par cet accord.
En effet, un accord avec un pays tiers, conclu par le Conseil, conformément aux dispositions du traité CE, constitue, en ce qui concerne la Communauté, un acte pris par une institution de la Communauté et les dispositions d'un pareil accord font partie intégrante du droit communautaire. Il s'ensuit que, dans l'hypothèse où un règlement communautaire suspendant l'application d'un accord de coopération serait déclaré invalide en raison de sa contrariété avec des règles de droit international coutumier, les concessions commerciales octroyées par les dispositions de cet accord resteraient d'application dans l'ordre juridique communautaire, jusqu'à la date à laquelle la Communauté aurait, en conformité avec les règles du droit international applicables, mis fin à cet accord.
De plus, les compétences de la Communauté doivent être exercées dans le respect du droit international. Par conséquent, celle-ci est tenue de respecter les règles du droit coutumier international lorsqu'elle adopte un règlement suspendant les concessions commerciales octroyées par un accord ou en vertu d'un accord qu'elle a conclu avec un pays tiers.
Il s'ensuit que les règles du droit coutumier international portant sur la cessation et la suspension des relations conventionnelles en raison d'un changement fondamental de circonstances lient les institutions de la Communauté et font partie de l'ordre juridique communautaire.
4 Lorsque le justiciable met en cause, de façon incidente, la validité d'un règlement communautaire au regard des règles du droit coutumier international portant sur la cessation et la suspension des relations conventionnelles en raison d'un changement fondamental de circonstances pour se prévaloir des droits qu'il tire directement d'un accord de la Communauté avec un pays tiers, l'affaire en cause ne concerne pas l'effet direct de ces règles.
De plus, ces règles forment une exception au principe pacta sunt servanda qui constitue un principe fondamental de tout ordre juridique et, en particulier, de l'ordre juridique international. Appliqué au droit international, ce principe exige que tout traité lie les parties et soit exécuté par elles de bonne foi.
Dans ces conditions, on ne saurait refuser à un justiciable, lorsqu'il se prévaut en justice des droits qu'il tire directement d'un accord avec un pays tiers, la faculté de mettre en cause la validité d'un règlement qui, en suspendant les concessions commerciales octroyées par cet accord, l'empêche de s'en prévaloir, et d'invoquer, pour en contester la validité, les obligations découlant des règles du droit coutumier international qui régissent la cessation et la suspension des relations conventionnelles.
Toutefois, en raison de la complexité de ces règles et de l'imprécision de certaines notions auxquelles elles se réfèrent, le contrôle judiciaire doit nécessairement, en particulier dans le cadre d'un renvoi préjudiciel en appréciation de validité, se limiter au point de savoir si le Conseil, en adoptant le règlement de suspension, a commis des erreurs d'appréciation manifestes quant aux conditions d'application de ces règles.
Parties
Dans l'affaire C-162/96,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le Bundesfinanzhof et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
A. Racke GmbH & Co.
et
Hauptzollamt Mainz,
une décision à titre préjudiciel sur la validité du règlement (CEE) n_ 3300/91 du Conseil, du 11 novembre 1991, suspendant les concessions commerciales prévues par l'accord de coopération entre la Communauté économique européenne et la république socialiste fédérative de Yougoslavie (JO L 315, p. 1),
LA COUR,
composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, C. Gulmann, H. Ragnemalm et M. Wathelet, présidents de chambre, J. C. Moitinho de Almeida, P. J. G. Kapteyn (rapporteur), J. L. Murray, D. A. O. Edward, G. Hirsch, P. Jann et L. Sevón, juges,
avocat général: M. F. G. Jacobs,
greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, administrateur principal,
considérant les observations écrites présentées:
- pour A. Racke GmbH & Co., par Me Dietrich Ehle, avocat à Cologne,
- pour le Conseil de l'Union européenne, par MM. Jürgen Huber et Micail Vitsentzatos, conseillers juridiques, ainsi que par M. Antonio Tanca, membre du service juridique, en qualité d'agents,
- pour la Commission des Communautés européennes, par M. Jörn Sack, conseiller juridique, et Mme Barbara Brandtner, membre du service juridique, en qualité d'agents,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de A. Racke GmbH & Co., du Conseil et de la Commission à l'audience du 15 juillet 1997,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 4 décembre 1997,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
1 Par ordonnance du 7 mars 1996, parvenue à la Cour le 13 mai suivant, le Bundesfinanzhof a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, deux questions préjudicielles relatives à la validité du règlement (CEE) n_ 3300/91 du Conseil, du 11 novembre 1991, suspendant les concessions commerciales prévues par l'accord de coopération entre la Communauté économique européenne et la république socialiste fédérative de Yougoslavie (JO L 315, p. 1, ci-après le «règlement litigieux»).
2 Ces questions ont été posées dans le cadre d'un litige opposant A. Racke GmbH & Co. (ci-après «Racke») au Hauptzollamt Mainz au sujet d'une dette douanière, née à l'occasion de l'importation en Allemagne de certaines quantités de vin originaires de la république socialiste fédérative de Yougoslavie.
Cadre juridique
3 L'accord de coopération entre la Communauté économique européenne et la république socialiste fédérative de Yougoslavie (ci-après l'«accord de coopération») a été signé...
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