UY contra Staatsanwaltschaft Offenburg.

JurisdictionEuropean Union
Date14 May 2020
CourtCourt of Justice (European Union)

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

14 mai 2020 (*)

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Droit à l’information dans le cadre des procédures pénales – Directive 2012/13/UE – Article 6 – Droit d’être informé de l’accusation portée contre soi – Poursuites pénales pour conduite d’un véhicule sans permis de conduire – Interdiction de conduire résultant d’une ordonnance pénale antérieure dont l’intéressé n’a pas pris connaissance – Signification de cette ordonnance à l’intéressé par le seul moyen d’un mandataire obligatoire – Acquisition de l’autorité de chose jugée – Négligence éventuelle de l’intéressé »

Dans l’affaire C‑615/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Amtsgericht Kehl (tribunal de district de Kehl, Allemagne), par décision du 24 septembre 2018, parvenue à la Cour le 28 septembre 2018, dans la procédure pénale contre

UY

en présence de :

Staatsanwaltschaft Offenburg,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. I. Jarukaitis, E. Juhász, M. Ilešič et C. Lycourgos (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. D. Dittert, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 octobre 2019,

considérant les observations présentées :

– pour le gouvernement allemand, par MM. M. Hellmann et T. Henze ainsi que par Mme A. Berg, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par Mme S. Grünheid ainsi que par MM. R. Troosters et B.-R. Killmann, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 janvier 2020,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6 de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales (JO 2012, L 142, p. 1), ainsi que des articles 21, 45, 49 et 56 TFUE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée, en Allemagne, contre UY pour conduite avec négligence sans permis de conduire.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Les considérants 14, 27 et 41 de la directive 2012/13 énoncent :

« (14) La présente directive concerne la mesure B [(mesure relative au droit aux informations relatives aux droits et à l’accusation)] de la feuille de route [visant à renforcer les droits procéduraux des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre de procédures pénales]. Elle fixe des normes minimales communes à appliquer en matière d’information des personnes soupçonnées d’une infraction pénale ou poursuivies à ce titre, sur leurs droits et sur l’accusation portée contre elles, en vue de renforcer la confiance mutuelle entre les États membres. Elle s’appuie sur les droits énoncés dans la [charte des droits fondamentaux de l’Union européenne], et notamment ses articles 6, 47 et 48, en développant les articles 5 et 6 de la [convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950,] tels qu’ils sont interprétés par la Cour européenne des droits de l’homme. Dans la présente directive, le terme “accusation” est utilisé pour décrire le même concept que le terme “accusation” utilisé à l’article 6, paragraphe 1, de [ladite convention].

[...]

(27) Les personnes poursuivies pour une infraction pénale devraient recevoir toutes les informations nécessaires sur l’accusation portée contre elles pour leur permettre de préparer leur défense et garantir le caractère équitable de la procédure.

[...]

(41) La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus par la [charte des droits fondamentaux]. Elle tend notamment à promouvoir le droit à la liberté, le droit à un procès équitable et les droits de la défense. Elle devrait être mise en œuvre en conséquence. »

4 L’article 6 de la directive 2012/13, intitulé « Droit d’être informé de l’accusation portée contre soi », dispose :

« 1. Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies soient informés de l’acte pénalement sanctionné qu’ils sont soupçonnés ou accusés d’avoir commis. Ces informations sont communiquées rapidement et de manière suffisamment détaillée pour garantir le caractère équitable de la procédure et permettre l’exercice effectif des droits de la défense.

2. Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies qui sont arrêtés ou détenus soient informés des motifs de leur arrestation ou de leur détention, y compris de l’acte pénalement sanctionné qu’ils sont soupçonnés ou accusés d’avoir commis.

3. Les États membres veillent à ce que des informations détaillées sur l’accusation, y compris sur la nature et la qualification juridique de l’infraction pénale, ainsi que sur la nature de la participation de la personne poursuivie, soient communiquées au plus tard au moment où la juridiction est appelée à se prononcer sur le bien-fondé de l’accusation.

4. Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies soient rapidement informés de tout changement dans les informations fournies en vertu du présent article, lorsque cela est nécessaire pour garantir le caractère équitable de la procédure. »

Le droit allemand

5 L’article 44 du Strafgesetzbuch (code pénal), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après le « StGB), intitulé « Interdiction de conduire », dispose :

« (1) Si une personne est condamnée à une peine privative de liberté ou à une amende en raison d’une infraction commise pendant ou en rapport avec la conduite d’un véhicule à moteur ou en violation des obligations d’un conducteur de véhicule à moteur, le tribunal peut lui imposer pendant une période d’un à trois mois une interdiction de conduire sur la voie publique tout véhicule ou un certain type de véhicule. Une interdiction de conduire doit en général être imposée lorsque, dans les cas de condamnation en vertu de l’article 315c, paragraphe 1, point 1, sous a), paragraphe 3, ou de l’article 316, il n’y a pas de retrait du permis de conduire en vertu de l’article 69.

(2) L’interdiction de conduire prend effet à la date à laquelle le jugement devient définitif. Pendant sa durée d’application, les permis de conduire nationaux et internationaux sont conservés par une autorité allemande. Il en va également ainsi lorsque le permis de conduire a été délivré par une autorité d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État contractant à l’accord sur l’Espace économique européen, pour autant que son titulaire ait sa résidence habituelle en Allemagne. L’interdiction de conduire sera inscrite dans les autres permis de conduire étrangers.

(3) Si un permis de conduire doit être conservé par les services officiels ou si l’interdiction de conduire doit être inscrite dans un permis de conduire étranger, la période d’interdiction n’est calculée qu’à compter du jour où elle intervient. La période d’interdiction ne comprend pas la période pendant laquelle la personne poursuivie a été placée en détention dans un établissement sur ordre des autorités. »

6 L’article 44 de la Strafprozessordnung (code de procédure pénale, ci-après la « StPO ») est ainsi libellé :

« Si une personne est empêchée de respecter un délai sans que cela résulte d’une faute de sa part, il y a lieu, sur sa demande, de la relever de forclusion. N’est pas fautive de l’inobservation d’un délai de recours la personne qui n’a pas été informée conformément à l’article 35a, première et deuxième phrases, à l’article 319, paragraphe 2, troisième phrase, ou à l’article 346, paragraphe 2, troisième phrase. »

7 L’article 45 de la StPO énonce :

« (1) La demande de relevé de forclusion doit être présentée dans un délai d’une semaine à compter de la disparition de l’obstacle auprès du tribunal devant lequel le délai aurait dû être observé. Afin de respecter le délai, il suffit que la demande soit présentée en temps utile à la juridiction qui statue sur la demande.

(2) Les faits sur lesquels la demande est fondée doivent être justifiés au moment où la demande est présentée ou au cours de la procédure relative à la demande. Dans le délai pour présenter la demande, l’acte omis doit être accompli. Une fois que cela a été fait, le relevé de forclusion peut également être accordé sans demande. »

8 L’article 132 de la StPO prévoit :

« (1) Si la personne poursuivie, qui est fortement soupçonnée d’une infraction pénale, n’a pas de résidence ou de domicile permanent dans le ressort de la présente loi, mais que les conditions d’un mandat d’arrêt ne sont pas remplies, il peut être ordonné, afin d’assurer le déroulement de la procédure pénale, que la personne poursuivie

1. verse une garantie adéquate pour l’amende et les frais de procédure à prévoir et

2. mandate une personne résidant dans le district de la juridiction compétente aux fins de recevoir les significations.

L’article 116a, paragraphe 1, s’applique mutatis mutandis.

(2) L’ordonnance ne peut être adoptée que par le juge et, en cas de danger imminent, par le ministère public et ses enquêteurs (article 152 du Gerichtsverfassungsgesetz [(loi relative au système judiciaire)].

(3) Si la personne poursuivie ne se conforme pas à la décision, les moyens de transport et les autres objets que celle-ci détient et qui lui appartiennent peuvent être confisquées. Les articles 94 et 98 s’appliquent mutatis mutandis. »

9 L’article 407 de la StPO prévoit :

« (1) Dans la procédure devant le juge pénal et dans la procédure qui relève de la compétence du tribunal avec échevins, les conséquences juridiques de l’acte peuvent, en cas de délits, être établies à la requête écrite du ministère public au moyen d’une ordonnance pénale écrite, sans audience au fond. Le ministère public présente cette requête s’il considère, au vu des résultats de l’instruction, qu’aucune audience n’est nécessaire. La requête doit proposer...

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