B y otros contra Administration des contributions directes.

JurisdictionEuropean Union
Date14 May 2020
CourtCourt of Justice (European Union)

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

14 mai 2020 (*)

« Renvoi préjudiciel – Articles 49 et 54 TFUE – Liberté d’établissement – Législation fiscale – Impôts sur les sociétés – Sociétés mères et filiales – Intégration fiscale verticale et horizontale »

Dans l’affaire C‑749/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Cour administrative (Luxembourg), par décision du 29 novembre 2018, parvenue à la Cour le 30 novembre 2018, dans la procédure

B e.a.

contre

Administration des contributions directes,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. A. Arabadjiev (rapporteur), président de chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la deuxième chambre, MM. P. G. Xuereb, T. von Danwitz et A. Kumin, juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

– pour B e.a., par Me G. Simon, avocat,

– pour le gouvernement luxembourgeois, par Mme D. Holderer, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

– pour la Commission européenne, par M. W. Roels et Mme A. Armenia, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 49 et 54 TFUE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant trois sociétés de droit luxembourgeois, B, C et D, à l’administration des contributions directes (Luxembourg) au sujet du rejet de leur demande conjointe tendant à l’octroi du régime d’intégration fiscale concernant les exercices d’imposition 2013 et 2014.

Le cadre juridique

3 L’article 164 bis de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (Mémorial A 1967, p. 1228), dans sa version applicable aux exercices d’imposition 2013 et 2014 (ci-après l’« article 164 bis de la LIR »), prévoyait :

« (1) Les sociétés de capitaux résidentes pleinement imposables, dont 95 % au moins du capital est détenu directement ou indirectement par une autre société de capitaux résidente pleinement imposable ou par un établissement stable indigène d’une société de capitaux non résidente pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités, peuvent, sur demande, être intégrées fiscalement dans la société mère ou dans l’établissement stable indigène, de façon à faire masse de leurs résultats fiscaux respectifs avec celui de la société mère ou de l’établissement stable indigène.

[...]

(4) Le régime d’intégration fiscale est subordonné à une demande écrite conjointe de la société mère ou de l’établissement stable indigène et des filiales visées. La demande est à introduire auprès de l’administration des contributions directes avant la fin du premier exercice de la période pour laquelle le régime d’intégration fiscale est demandé, période devant couvrir au moins 5 exercices d’exploitation. [...] »

4 L’article 164 bis de la LIR a été modifié par la loi du 18 décembre 2015 (Mémorial A 2015, p. 5989), avec effet au 1er janvier 2015 (ci-après « l’article 164 bis de la LIR, tel que modifié »). Cette disposition est libellée comme suit :

« (1) Au sens du présent article on entend par :

1. société intégrée : une société de capitaux résidente pleinement imposable ou un établissement stable indigène d’une société de capitaux non résidente pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités ;

2. société mère intégrante : une société de capitaux résidente pleinement imposable ou un établissement stable indigène d’une société de capitaux non résidente pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités ;

3. société mère non intégrante : une société de capitaux résidente pleinement imposable ou un établissement stable indigène d’une société de capitaux non résidente pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités ou une société de capitaux résidente d’un autre État partie à l’Accord sur l’Espace économique européen (EEE) pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités ou un établissement stable d’une société de capitaux pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités situé dans un autre État partie à l’Accord sur l’[EEE] et y pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités ;

4. société filiale intégrante : une société de capitaux résidente pleinement imposable ou un établissement stable indigène d’une société de capitaux non résidente pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités ;

5. groupe intégré : soit un groupe composé par la société mère intégrante et la (les) société(s) intégrée(s) au sens de l’alinéa 2, soit un groupe composé par la société filiale intégrante et la (les) société(s) intégrée(s) au sens de l’alinéa 3. Un membre d’un groupe intégré ne peut pas faire partie simultanément d’un autre groupe intégré.

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

5 B est une société de droit luxembourgeois fiscalement résidente au Luxembourg dont la société mère est la société anonyme de droit français A, fiscalement résidente en France.

6 À partir du 1er janvier 2008, B a constitué, avec sa filiale E, un groupe fiscalement intégré vertical dans le cadre du régime de l’intégration fiscale, au sens de l’article 164 bis de la LIR. Ce groupe a été progressivement étendu à d’autres filiales de B de la manière suivante : à partir du 1er janvier 2010 à la société F, à partir du 1er janvier 2011 à la société G, qui a ensuite été absorbée par la société F, à partir du 1er janvier 2012 à la société H et à partir du 1er janvier 2013 aux sociétés I, J, K et L. Dans le cadre de ce groupe fiscalement intégré vertical progressivement étendu, B a assumé le rôle de société faîtière du groupe en détenant au moins 95 % du capital social de toutes les filiales dont le siège social et l’administration centrale se trouvent au Luxembourg, l’ensemble des résultats des sociétés du groupe ayant été consolidés pour être imposés dans le chef de B.

7 C et D sont des sociétés de droit luxembourgeois fiscalement résidentes au Luxembourg, dont le capital est détenu indirectement par la société de droit français A, sans que la société B détienne une quelconque participation dans le capital de ces deux sociétés.

8 Par deux lettres portant la date du 8 décembre 2014 et déposées le 22 décembre 2014, B, C et D ont demandé l’octroi du bénéfice du régime de l’intégration fiscale, au sens de l’article 164 bis de la LIR à partir, respectivement, du 1er janvier 2013 et du 1er janvier 2014.

9 Par décision du 3 février 2015, le bureau d’imposition Sociétés 6 de l’administration des contributions directes (Luxembourg, ci-après le « bureau d’imposition ») a rejeté ces demandes au motif que B, C et D ne remplissaient pas les conditions prévues à l’article 164 bis de la LIR.

10 La réclamation introduite le 27 avril 2015 contre ladite décision étant restée sans réponse, B, C et D ont déposé, le 12 août 2016, un recours devant le tribunal administratif (Luxembourg) tendant à la réformation, sinon à l’annulation, de la décision du bureau d’imposition du 3 février 2015.

11 Par jugement du 6 décembre 2017, le tribunal administratif a déclaré le recours non fondé en ce qui concerne l’admission au régime d’intégration fiscale à partir du 1er janvier 2013, au motif que la demande en ce sens aurait dû parvenir à l’administration avant la fin du premier exercice de la période pour laquelle le régime d’intégration fiscale était demandé, à savoir avant la fin de l’année 2013.

12 En revanche, en ce qui concerne l’exercice d’imposition 2014, le tribunal administratif a déclaré le recours fondé et a décidé que l’interdiction, pour une société mère non-résidente établie dans un autre État membre, de former une entité fiscale entre ses sociétés filiales résidentes, telle qu’elle résulte de l’article 164 bis de la LIR, alors que cette même possibilité est conférée à une société mère résidente au moyen d’une intégration verticale, est incompatible avec les libertés de circulation et d’établissement visées aux articles 49 et 54 TFUE.

13 Par requête déposée le 15 janvier 2018, B, C et D ont fait appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi, la Cour administrative (Luxembourg), dans la mesure où leur recours relatif à l’exercice d’imposition 2013 a été déclaré non fondé. Selon ces sociétés, il est contraire au principe de l’effet utile du droit de l’Union de leur refuser le bénéfice du régime de l’intégration fiscale à partir du 1er janvier 2013 au motif qu’une condition de pure forme, à savoir le respect du délai dans lequel la demande doit être déposée, n’a pas été respectée. Une telle condition aurait été excessivement difficile à remplir au vu des positions administrative et jurisprudentielle luxembourgeoises retenues en 2013, s’opposant à toute demande d’intégration fiscale horizontale. B, C et D auraient déposé leur demande dès que l’arrêt du 12 juin 2014, SCA Group Holding e.a. (C‑39/13 à C‑41/13, EU:C:2014:1758) leur aurait fourni des arguments juridiques pour faire valoir, sur la base du droit de l’Union, leur droit à pouvoir bénéficier du régime d’intégration fiscale prévu par la législation luxembourgeoise compte tenu de l’existence d’un groupe fiscalement intégré préexistant.

14 Devant la juridiction de renvoi, l’administration des contributions directes demande la confirmation du jugement du tribunal administratif du 6 décembre 2017, dans la mesure où ce dernier a confirmé le refus d’admission au régime d’intégration fiscale pour la période débutant le 1er janvier 2013. Cette administration forme toutefois un appel incident...

To continue reading

Request your trial
1 practice notes
1 cases

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT