Belgische Vereniging van Auteurs, Componisten en Uitgevers CVBA (SABAM) contra Weareone.World BVBA y Wecandance NV.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:959
Celex Number62019CJ0372
Date25 November 2020
Docket NumberC-372/19
CourtCourt of Justice (European Union)
62019CJ0372

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

25 novembre 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Concurrence – Article 102 TFUE – Abus de position dominante – Notion de “prix inéquitables” – Société de gestion collective des droits d’auteur – Situation de monopole de fait – Position dominante – Abus – Exécution d’œuvres musicales pendant des festivals de musique – Barème fondé sur les recettes brutes tirées de la vente de billets d’entrée – Rapport raisonnable avec la prestation de la société de gestion collective – Détermination de la part du répertoire musical de la société de gestion collective effectivement exécutée »

Dans l’affaire C‑372/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’ondernemingsrechtbank Antwerpen (tribunal de l’entreprise d’Anvers, Belgique), par décision du 28 février 2019, parvenue à la Cour le 10 mai 2019, dans la procédure

Belgische Vereniging van Auteurs, Componisten en Uitgevers CVBA (SABAM),

contre

Weareone.World BVBA,

Wecandance NV,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. E. Regan, président de chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la cinquième chambre, MM. M. Ilešič (rapporteur), C. Lycourgos et I. Jarukaitis, juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : Mme M. Ferreira, administratrice principale,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 mai 2020,

considérant les observations présentées :

pour Belgische Vereniging van Auteurs, Componisten en Uitgevers CVBA (SABAM), par Mes B. Michaux, O. Sasserath, G. Ryelandt, E. Deturck et J. Vrebos, advocaten,

pour Weareone.World BVBA, par Mes C. Curtis, E. Monard et K. Geelen, advocaten,

pour Wecandance NV, par Mes P. Walravens, T. De Meese et C. Lebon, advocaten,

pour le gouvernement belge, par MM. J.-C. Halleux et S. Baeyens ainsi que par Mmes L. Van den Broeck et C. Pochet, en qualité d’agents, assistés de Mes P. Goffinet et S. Depreeuw, advocaten,

pour le gouvernement français, par M. P. Dodeller ainsi que par Mmes A.‑L. Desjonquères et A. Daniel, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes J. Samnadda, F. van Schaik et C. Zois, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 juillet 2020,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 102 TFUE, lu en combinaison, le cas échéant, avec l’article 16 de la directive 2014/26/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, concernant la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins et l’octroi de licences multiterritoriales de droits sur des œuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne dans le marché intérieur (JO 2014, L 84, p. 72).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre de deux litiges opposant la Belgische Vereniging van Auteurs, Componisten en Uitgevers CVBA (SABAM) à Weareone.World BVBA et à Wecandance NV au sujet des redevances réclamées à ces dernières par la SABAM au titre du droit d’auteur.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Le considérant 8 de la directive 2014/26 énonce :

« La présente directive a pour objectif de coordonner les règles nationales concernant l’accès des organismes de gestion collective à l’activité de gestion du droit d’auteur et des droits voisins, les modalités de gouvernance de ces organismes ainsi que le cadre de leur surveillance [...] »

4

L’article 16 de cette directive, intitulé « Octroi de licences », dispose :

« 1. Les États membres veillent à ce que les organismes de gestion collective et les utilisateurs négocient de bonne foi l’octroi de licences de droits. Les organismes de gestion collective et les utilisateurs s’échangent toute information nécessaire.

2. Les conditions d’octroi de licences reposent sur des critères objectifs et non discriminatoires. [...]

Les titulaires de droits perçoivent une rémunération appropriée pour l’utilisation de leurs droits. Les tarifs appliqués pour les droits exclusifs et les droits à rémunération sont raisonnables, au regard, entre autres, de la valeur économique de l’utilisation des droits négociés, compte tenu de la nature et de l’ampleur de l’utilisation des œuvres et autres objets, ainsi qu’au regard de la valeur économique du service fourni par l’organisme de gestion collective. Les organismes de gestion collective informent l’utilisateur concerné des critères utilisés pour fixer ces tarifs.

[...] »

Le droit belge

5

La directive 2014/26 a été transposée en droit belge par la Wet van 8 juni 2017 tot omzetting in Belgisch recht van de richtlijn 2014/26/EU van het Europees Parlement en de Raad van 26 februari 2014 betreffende het collectieve beheer van auteursrechten en naburige rechten en de multiterritoriale licentieverlening van rechten inzake muziekwerken voor het online gebruik ervan op de interne markt (loi du 8 juin 2017 transposant en droit belge la directive 2014/26/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 concernant la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins et l’octroi de licences multiterritoriales de droits sur des œuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne dans le marché intérieur) (Belgisch Staatsblad du 27 juin 2017, p. 68276).

6

L’article 63 de cette loi a modifié l’article XI.262 du code de droit économique comme suit :

« § 1er. Les conditions d’octroi de licences reposent sur des critères objectifs et non discriminatoires. [...]

Les ayants droit perçoivent une rémunération appropriée pour l’utilisation de leurs droits. Les tarifs appliqués pour les droits exclusifs et les droits à rémunération sont raisonnables, au regard, entre autres, de la valeur économique de l’utilisation des droits négociés, compte tenu de la nature et de l’ampleur de l’utilisation des œuvres et prestations, ainsi qu’au regard de la valeur économique du service fourni par l’organisme de gestion. Les sociétés de gestion informent l’utilisateur concerné des critères utilisés pour fixer ces tarifs.

[...] »

Les litiges au principal et la question préjudicielle

7

La SABAM est une société commerciale à but lucratif, qui, de par sa position d’organisme unique de gestion collective des droits d’auteur en Belgique, détient sur ce territoire un monopole de fait sur le marché de la perception et de la répartition des redevances dues au titre du droit d’auteur pour la reproduction et la communication au public d’œuvres musicales.

8

Weareone.World et Wecandance organisent, respectivement depuis les années 2005 et 2013, les festivals annuels Tomorrowland et Wecandance. Au cours de diverses éditions de ces événements, il a été fait usage d’œuvres musicales protégées par le droit d’auteur, dont la gestion est assurée par la SABAM.

9

Selon la décision de renvoi, le niveau des redevances réclamées par la SABAM à ces organisateurs de festivals est déterminé sur la base du tarif dit « 211 » de la SABAM (ci-après le « tarif 211 »).

10

Le tarif 211, dans sa version applicable aux litiges au principal, comporte deux barèmes différents, dont l’application est laissée au libre choix de la SABAM. Cette dernière peut appliquer soit un « tarif minimal », calculé sur la base de la superficie sonorisée ou sur la base du nombre de places assises disponibles, soit, comme cela a été le cas en l’occurrence, un « tarif de base ».

11

Le tarif de base est calculé sur le fondement des recettes brutes tirées de la vente de billets, y compris de la valeur des billets qui ont été donnés en contrepartie du parrainage, après déduction des frais de réservation, de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et des éventuelles taxes communales dues ou, alternativement, sur le fondement du budget artistique, à savoir les montants mis à la disposition des artistes pour l’exécution de leur programme, lorsque le total de ce budget artistique excède les recettes brutes tirées de la vente des billets. Ce tarif de base comporte huit tranches distinctes de revenus, auxquelles est appliqué un taux de redevance dégressif.

12

Un organisateur de festival peut obtenir des réductions appliquées sur ledit tarif de base, en fonction de la proportion d’œuvres musicales provenant du répertoire de la SABAM qui sont effectivement exécutées lors de l’événement. Ainsi, pour autant que l’organisateur ait communiqué à la SABAM, dans un délai déterminé, la liste des œuvres exécutées lors de l’événement, ce dernier a la possibilité d’obtenir une réduction appliquée sur le tarif de base, de la manière suivante : si moins de 1/3 des œuvres musicales exécutées proviennent du répertoire de la SABAM, celle-ci porte en compte 1/3 du tarif de base ; si moins de 2/3 des œuvres musicales exécutées proviennent de ce répertoire, la SABAM porte en compte 2/3 du tarif de base ; enfin, si au moins 2/3 des œuvres musicales exécutées proviennent dudit répertoire, la SABAM porte en compte le tarif de base dans sa totalité (ci-après la « règle 1/3‑2/3 »).

13

Par citations des 13 avril et 5 mai 2017, la SABAM a intenté, devant la juridiction de renvoi, des actions contre, d’une part, Weareone.World et, d’autre part, Wecandance, aux fins de voir ces dernières condamnées à lui payer des sommes correspondant aux redevances au titre du droit d’auteur dont ces organisateurs de festivals lui seraient redevables en application du tarif de base prévu dans le tarif 211, respectivement pour les éditions de 2014, 2015 et 2016 du festival Tomorrowland et pour les éditions de 2013 à 2016 du festival Wecandance.

14

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