PG v Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:216
Date19 March 2020
Docket NumberC-406/18
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Celex Number62018CJ0406
CourtCourt of Justice (European Union)
62018CJ0406

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

19 mars 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique commune en matière d’asile et de protection subsidiaire – Procédures communes pour l’octroi de la protection internationale – Directive 2013/32/UE – Article 46, paragraphe 3 – Examen complet et ex nunc – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit à un recours effectif – Pouvoirs et devoirs de la juridiction de première instance – Absence de pouvoir de réformation des décisions des autorités compétentes en matière de protection internationale – Réglementation nationale prévoyant une obligation de statuer dans un délai de 60 jours »

Dans l’affaire C‑406/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest-Capitale, Hongrie), par décision du 4 juin 2018, parvenue à la Cour le 20 juin 2018, dans la procédure

PG

contre

Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot, président de chambre (rapporteur), Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente de la Cour, faisant fonction de juge de la première chambre, MM. M. Safjan, L. Bay Larsen et Mme C. Toader, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. I. Illéssy, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 septembre 2019,

considérant les observations présentées :

pour PG, par Me Sz. M. Sánta, ügyvéd,

pour le gouvernement hongrois, initialement par MM. M. Z. Fehér et G. Tornyai ainsi que par Mme M. M. Tátrai, puis par M. M. Z. Fehér et Mme M. M. Tátrai, en qualité d’agents,

pour le gouvernement allemand, initialement par MM. T. Henze et R. Kanitz, puis par ce dernier, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme M. Condou-Durande ainsi que par MM. A. Tokár et J. Tomkin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 décembre 2019,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60), lu à la lumière de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant PG au Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (office de l’immigration et de l’asile, Hongrie) (ci-après l’« office ») à la suite de la décision de ce dernier de rejeter sa demande de protection internationale et d’ordonner son éloignement, assortie d’une interdiction d’entrée et de séjour d’une durée de deux ans.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les considérants 18, 50 et 60 de la directive 2013/32 énoncent :

« (18)

Il est dans l’intérêt à la fois des États membres et des demandeurs d’une protection internationale que les demandes de protection internationale fassent l’objet d’une décision aussi rapide que possible, sans préjudice de la réalisation d’un examen approprié et exhaustif.

[...]

(50)

Conformément à un principe fondamental du droit de l’Union, les décisions prises en ce qui concerne une demande de protection internationale [...] font l’objet d’un recours effectif devant une juridiction.

[...]

(60)

La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus par la Charte. Elle vise en particulier à garantir le plein respect de la dignité humaine et à favoriser l’application des articles 1er, 4, 18, 19, 21, 23, 24 et 47 de la Charte, et doit être mise en œuvre en conséquence. »

4

Selon son article 1er, la directive 2013/32 a pour objet d’établir des procédures communes d’octroi et de retrait de la protection internationale en vertu de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9).

5

L’article 2, sous f), de la directive 2013/32 définit l’« autorité responsable de la détermination » comme étant « tout organe quasi juridictionnel ou administratif d’un État membre, responsable de l’examen des demandes de protection internationale et compétent pour se prononcer en première instance sur ces demandes ».

6

Aux termes de l’article 46, paragraphes 1, 3, 4 et 10, de cette directive :

« 1. Les États membres font en sorte que les demandeurs disposent d’un droit à un recours effectif devant une juridiction contre les actes suivants :

a)

une décision concernant leur demande de protection internationale, y compris :

i)

les décisions considérant comme infondée une demande quant au statut de réfugié et/ou au statut conféré par la protection subsidiaire ;

[...]

3. Pour se conformer au paragraphe 1, les États membres veillent à ce qu’un recours effectif prévoie un examen complet et ex nunc tant des faits que des points d’ordre juridique, y compris, le cas échéant, un examen des besoins de protection internationale en vertu de la directive 2011/95/UE, au moins dans le cadre des procédures de recours devant une juridiction de première instance.

4. Les États membres prévoient des délais raisonnables et énoncent les autres règles nécessaires pour que le demandeur puisse exercer son droit à un recours effectif en application du paragraphe 1. [...]

[...]

10. Les États membres peuvent fixer des délais pour l’examen par la juridiction visée au paragraphe 1 de la décision prise par l’autorité responsable de la détermination. »

Le droit hongrois

7

L’article 68, paragraphes 2, 3, 5 et 6, de la menedékjogról szóló 2007. évi LXXX. törvény (loi no LXXX de 2007, relative au droit d’asile) se lit comme suit :

« 2. Le juge prononce sa décision dans les 60 jours suivant la réception de l’acte introductif d’instance au tribunal.

[...]

4. [...] La juridiction effectue un examen complet tant des faits que des points d’ordre juridique à la date de l’adoption de la décision juridictionnelle.

[...]

5. Le juge ne peut pas réformer la décision de l’autorité compétente en matière d’asile.

6. La décision au fond du juge clôturant la procédure n’est pas susceptible de recours. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

8

PG, kurde d’Irak, s’est présenté sans document d’identité dans une zone de transit de Hongrie le 22 août 2017 et y a soumis une demande de protection internationale en raison de risques allégués pour sa vie dans son pays d’origine. Les autorités hongroises ont rejeté cette demande le 14 mars 2018 et ont « déclaré inapplicable à son égard le principe de non-refoulement ». Une mesure de retour assortie d’une interdiction de séjour d’une durée de deux ans a été prise contre lui.

9

L’intéressé a saisi la juridiction de renvoi d’un recours contre le refus de lui accorder une protection internationale.

10

Il ressort du dossier dont la Cour dispose qu’une juridiction hongroise autre que celle de renvoi a déjà annulé deux précédentes décisions de l’office, l’une du 25 octobre 2017, l’autre du 18 janvier 2018, portant toutes deux rejet de la demande de protection internationale de la même personne. Ainsi, la décision du 14 mars 2018 serait la troisième rejetant une demande de protection internationale de PG, après deux annulations successives.

11

La juridiction de renvoi indique que, depuis l’année 2015, le droit hongrois ne permet plus aux juges de réformer les décisions administratives en matière de protection internationale et d’accorder eux-mêmes l’une ou l’autre forme de protection. De telles décisions ne peuvent qu’être, le cas échéant, annulées, l’intéressé étant alors replacé en situation de demandeur devant l’office. Elle estime que, de ce fait, le cycle de rejet par l’office suivi d’une annulation par le juge est susceptible de se répéter ad libitum. Elle en est venue à se demander si un tel risque ne rendait pas les nouvelles modalités procédurales hongroises incompatibles avec les prescriptions de la directive 2013/32 en matière de droit à un recours effectif.

12

Par ailleurs, la juridiction de renvoi se trouve confrontée au délai de jugement de 60 jours maximum imparti par la législation hongroise. Elle estime que, dans certaines affaires, dont l’affaire au principal semble être représentative, un tel délai n’est pas suffisant pour rassembler les éléments nécessaires, déterminer le cadre factuel, entendre l’intéressé et, partant, rendre une décision juridictionnelle correctement motivée. Elle s’interroge ainsi sur la compatibilité de ce délai avec le droit à un recours effectif prévu par la directive 2013/32 et l’article 47 de la Charte.

13

C’est dans ces conditions que le Fővárosi Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság (tribunal administratif et du travail de Budapest-Capitale, Hongrie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 47 de la [Charte] et l’article 31 de la directive 2013/32 [...] – compte tenu des dispositions des articles 6 et 13 de la [convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés...

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